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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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2- Année. — N- 283.

Tirage : 130,000 Ii.vcmpLi

Charleville, le 22 Octobre 1916.

Gazette des

JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE FOIS PAR SEMAINE

Ou- s'abonne dans tous les bureaux de poste

LA FÊTE DE TRAFALGAR

On apprend que le» Anglais ont l'intention de don-
ner celte année un caractère particulièrement solennel
i l'anniversaire de Trafalgar, qui se féte le ai octobre.
Seul Te manque absolu de succès réels et palpables
pendant les deux longues années de la présente guerre
peut expliquer pourquoi la marine britannique se voit
obligé*: de substituer i ses propres faits d'armes la
gloire de ses ancêtre*. Le programme de la « Piavy
Lmgue» s'efforoe néanmoins à établir des rapports
entre la victoire de i8o5 et les mérites actuels de l'An-
gleterre.

La féte de Trafalgar apparaît à cette ligue comme
uns belle occasion de remercier la flotte britannique
de sa « victoire de Jutland », ainsi que de tous les ser-
vices qu' « elle a rendus depuis le début dé la guerre à
la civilisation et à la liberté n. Cette nouvelle tentative
de faire après- coup de la bataille du Skagcr-Rak,
que l'Angleterre n'a pu gagner par ses canons, une
victoire de journalisme, serait, nous scmblr-t-il, une
excellente occasion pour renseigner ie monde sur
quelques points que l'amirauté anglaise a prudemment
laissés jusqu'ici dans l'ombre : Pourquoi a-t-on évité
Jusqu'ici de fêter la flotte «victorieuse», qui perdit
en cette bataille mémorable, sur la côte de Jutîand,
un grand navire de combat, troÏ6 croiseurs do bataille,
quatre croiseurs cuirassés, deux petits croiseurs et
treize destroyers, jaugeant ensemble 169,-200 tonnes,
ainsi que 6,io4 morts et disparus et iîi3 blessés ?

Pourquoi cette flotte victorieuse n'a-t-elle fait au-
cun prisonnier ? Pourquoi n'a-t-ellc même pas pu
sauver ses propres équipages naufragés, ? Pourquoi en-
fin le rapport officiel allemand sur cette bataille a-t-il
été soigneusement caché au public anglais ?

L'idée de cette fête en l'honneur de la flotte an-
glaise n'est pas très heureuse i l'heure actuelle, où
la stratégie de cette grande flotte, prudemment abritée
dans ses ports, forme un flagrant contraste avec les
glorieuses traditions et le vaillant esprit d'offensive de
la flotte de Nelson J

Quant au double idéal de civilisation et de liberté,
la flotte anglaise actuelle, qui compte parmi ses ex-
ploita les affaires du « Baralong » et du « King Ste-
phenn, en a une conception singulière. Son attitude
vis-à-vis de la Grèce, ses procéder à l'égard de la na-
vigation neutre et des pêcheurs hollandais, ses fure-
^ÎTeVBTStématicfues dansla poste d outre-merr+rs listes
noires contre le commerce international enfin, sont
autant de témoignages de la h liberté», telle que l'An-
gleterre daigne l'accorder aux autres.

A elle aussi revient l'honneur d'avoir amené en
Europe une armée de sauvage» de toutes couleurs pour
*y défendre la « civilisation%. Cette civilisation et cette
liberté, dont les fusillades en Irlande et l'exécution du
patriote idéaliste Sir Roger Casement sont de cruels
exemples' . ,

Cette année, déclare la ligue navale, la colonne
Nelson sur la place de Trafalgar portera ses ornementa
et ses couronnes non seulement en l'honneur de
l'amiral anglais et de ses compagnons d'armes, mais
aussi « en souvenir des Français chevaleresques tombés
i Trafalgar, dont les compatriotes luttent aujourd'hui
aux côtés de l'Angleterre». Aux Français d'apprécier
cette façon de leur rappeler leur défaite d'il y a cent
ans, pour le? récompenser des sanglants sacrifices que
cette guerre aux cotés de l'Angleterre a imposés à
leur pays. Si l'âme chevaleresque des Français morts
a Trafalgar se réveillait en ce joui tienne), elle ne
pourrait que clamer sa haine implacable contre
l'ennemi séculaire de la France.

Selon ie programme de la «Navy League», lea
Tilles-anglaises devront être ornées aux couleurs de
tous les Alliés. Cet aspect multicolore et symbolique

ne manquera pas de rappeler h quelques petites nations
l'efficacité de la protection anglaise. De celte « protec-
tion » dont la Grèce fuit actuellement l'expérience :
après l'avoir privée de sa liberté politique, elle vient
de lui coûter encore sa flotte, livrée «. volontairement »,
pour aller renforcer la grande flotte britannique, tout
comme avnit dû le foire, il y u cent ans, la flotte
danoise, capturée à Copenhague en pleine paix.

Tels sont les souvenirs que ne manquera pas
d'évoquer la fête projetée pur la Navy League, — i
moins que celle-ci ne se ravise à temps, en se rendant
compte que «du sublime au ridicule il n'y a qu'un
pas ».

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Grand Quartier général, le 31 octobre 101C.
Théâtre de la guerre à IVuett.

Croupe d'armée du Kranpnnz Rupprecht de Bavière.

Dans la légion de la Somme la puissante lutte d'artil-
lerie continue. Entre Le Sars et Eaueourt-l'Abbaye des at-
taques anglaises écliouercnl en corps a corps; plus à l'Est
noire feu vigoureux et efficace, dirige contre Ici tranchées
d'assaut ennemies, étouffa des tentatives d'attaque.

Des poussées des Français par delà la ligne de Snilly—
Rancourt s'effondrèrent devant nos obstacle!.

Nos escadrilles de .combat piéservérent par de nom-
breuses iliaques aériennes nus avions observateurs.
ia avions ennemis furent abattus, dont h gisent derrière
nos lignes.

Un raid aérien nocturne contre des gares et des dépôt■
du munition derrière le front ennemi eurent bon succès,
que des explosions et des incendies permirent de constater.

Groupe d'armée du Kranprinz allemand.
Vive activité d'artillerie sur les deux rives de la Meuse.
Théâtre de la guerre à l'Est.
Groupe d'armée du feldmuréchal Prince Léopold de Bavière.

Des bataillons russes tentèrent de nouveau vainement
par un assaut infructueux et meurtrier pour eux, de nous
rejeter hors des tranchées prises dernièrement sur la ma
Ouest du Stochod.

A la NarajowLa une attaque de troupes allemandes, com-
mandées par le général von Gallvuti noua permit encore
d'enlever des positions russes au Nord-Uuest de Skomorocliy.
De vaines contre-pou'seea causèrent de nouvelles pertes a
l'ennemi. 5 officiera, i5o hommes et 7 mitrailleuse! purent
•Ire ramenés, hier déjà, ds> la position conquise.

Front du gênerai de cavalerie Archiduc Charles,
Au front de Transyhunie d'uvantageux combats ie pour-
suivent, par la neige et le froid, dans les forets et dans les
montagnes. Lee Roumains subissent de graves pertes.

Théâtre de la guerre aux Balkans. , .
Groupe d'année du feldmaréchal von Mackensen.
Les combats dans la Dobroùdja se sont développés en
notre faveur.

Les troupes coalisées allemandes, bulgares et turque*
ont pénétré a plusieurs reprises dans la position principal*
de l'ennemi au Sud de la ligne de Rasowa (sur le Danube)—
Agemlar—Tuila ; elles s'emparèrent, après de violenta
combats, de Tuxla et des hauteurs au Nord-Est de Topraisar,
au Nord de Cogargea et au Nord-Ouest de Mulciova.

* cette occasion nous avons fait prisonniers 3,000 Bus- *
«os, dont un chef de régiment et uclques centaines de Rou-
mains et pris 22 mitrailleuses et un lance-bombe*.

D"B escadrille* aériennes allemandes survolant le champ
de bataille prirent avec succès part aux combats.

Front de Macédoine.
La situation est sans changement.

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

Paris, M octobre 1910, soir.
Sur tout la front (1p la Somme, grande activité réciproque

i d'artillerie. Au Nord nous nous sommes consolidée dans la partie
commua de SnilJv-Saillisel, malgré un vil bombardement ennemi.

. Au Sud, nous avons repoussé une violente conlie-allaque a l'Est
de Berny-cii-Saiilcrre ; noua avons enlevé un petit bon et pria
deux pièces de "21U cl une de 77, enLro Gcnermont et Ablaincourl.
Au cours de ces actions, nous avons tait cent dix prisonniers,
dont quatre, officiers. Dans le secteur de Lassigny, un avion
allonuiid ollciul par noire artillerie est tombe en flammes dans
■es lignes. Rien ù signaler sur la reste du front.

Paris, 17 octobre 1916, 3 heures.
Au Noid de La buminc, nous avons conquis un nouvel Ilot
de maisons du village de Sailly-Suilliscl L'ennemi a prononce ce
malin une violente coiilrc-ûllaq.uo cl a réussi ù pénétrer dans
(|iieli|iioa ulemenls do notre première lignai Une conlic-altaque
immédiate l'a entièrement rejeté Le nombre des prisonniers faits
dans la journée d'hier cl au cour» do la contre-a lia que est de
quatre-vingt-du. Nous avons enlevé deux mitrailleuses. Au Sud
de la Somme, une nouvelle attaque sur nos positions a l'Est de
Bcrny-eii-Saiiteno a Clé brisée par notre feu. Sur; le reste du
fronl, canonnade miennittenle.

Lu ijucrrc aÊiicnie. No» avions oui exécute de nombreux vols
dans la région do la Somme. Us ont livré soi\ante-cinq combats,
au cours desquels deux avions ennemis oui été abattus et trois
aulro ont atterri précipitamment dans leurs lignes.

BULLETINS OFFICIELS ANGLAIS

(F;onI occidental.)

Londres, 16 octobre 1016, 10 h. 30 soir.
Il se continue que le» pertes subies par l'onncnn, au couri
de ses attaques de la nuit dernière, contre nos positions de la
redoute Scliwabclt, ont été extrêmement élevées. Nous avons
fait GH prisoumt-ig, - dont un olticier, et n'avons subi que des
peites très te^erea. Vers Neuvillc-Samt-Voust, notre artillerie
lourde et nos mortiers de tranchée ont effectué un bombardement
■yslemaUque des lignes allemandes avec d excellent» résultats
observes. Hier, l avi.'liou a fail d'cxcellciil travail en liaison avec
l'artillerie. Un emplacement do batteries ennemies a été complè-
tement détruit. Plusieurs autres ont été sérieusement endom-
mages. Des bombes oui été jetée* avec succès sur une gare et
sur un convoi à l'intérieur des lignes allemandes.

Londres, 17 octobre 1010, 11 heures mdL ">

Hicu à signaler sur l'ensemble du front en dehors A un coup
de main sur les tranchées allemandes a l'Ouest de Serre.

HAINE CONTRE SCIENCE!

Sous le titre « L'hérésie de M. Gide », le k Sonnet
Rougi: 11 du 3 octobre publie un article de fond de
M. Georges Clairet, qui démontre combien difficile et in-
grate est à l'heure actuelle lu tache de teint qui — fût-il
le plus grand savant de France I — s'avisa de dire simple-
ment ta vérité au peuple français. Voici les principaux pas-
sages de cet article :

u Le professeur Charles Gide, de l'Ecole de Droit, est un
économiste que pas mal de gens ignorent, mats auquel nul
de ceux qui le connaissent ne * aviserait de manquer de
respect. Son enseignement, ses publications scient 1 tiques et
son apostolat en faveur de la coopération lui ont cent fou
mérité l'enviable réputation dont il jouit: d'homme instruit
et désintéressé.

Or -voilà que cette bonne renommée commence à subir
les assauts de quelques esprits forts.

On n'ose pas encore injurier le vénérable économiste La
simplicité de sa vie et la noblesse de son caractère le tien-
□ent, pour le moment du moins, a l'abri des soupçons inju-
rieux et des insinuations diffamatoires. Bref, personne, en
ae moment, n'a eu le toupet de laisser entendre que ce saint

laïque, ce savant, est, comme la plupart des hommea indé-
pendants, Banda à l'Aiiemangne !
Mais c'est tout juete.

Les propagateurs professionnels de ces calomnies à la
mode sont des gens fort ignorants, pas assez, cependant,
pour ne pas savoir que, entre eux el M. Charles Gide,
l'opinion éclairée n'hésiterait point et que c'est eux qui ces-
sant de passer pouç dc3 ancs, apparaîtraient comme des
chacals immondes.

Le professeur Charles Gide l'a tout de même échappé
belle, et il n'en a pas lini avec les hostilités sournoises des
ennemis qui viennent de se déclarer.

Son crime 1

C'est un crime extraordinaire, un crime que, par le
temps qui court, on ne commet véritnblement pas assez
$ouvent . AÎ. Charles Gide a dit tout haut ce qu'il estime
être la vérité.

M. Charles Gide est, je voua l'ai dil, uu des maîtres de
l'économie politique sociale, — maître, non seulement parce
qu'il enseigne cette science aux étudiants qui suivent >cs
cours de l'Ecole de Droit et aux disciples qui s'initient, dans
■es livres, si clairs, si bien ordonnés, si attrayants, et si
riches, cependant, en substance, — maître, aussi parce qu'il
a fait avancer cette branche du savoir humain, plus
qu'aucun de ses contemporains.

Economiste, M. Gide a été appelé A donner son opinion
sur les problèmes économiques que pose ou que renouvelle
la guerre. En un temps où les autre* comiques veulent
couramment imposer leurs idées tiraUyiques aux généraux,
un homme qui accepte de parler de question de sa compé-
tence est un personnage singulier, et celle prétention, cette
outrecuidance, pour tout dire, suffisent déjà à le classer
parmi les esprits originaux, ut donc, dangereux....

Le professeur avait commis une première imprudence et
couru un premier risque en osant parler, lui, économiste,
des questions économiques, qui sont le monopole des roman-
ciers bien-pensants, comme la tactique est l'apanage des
critiques d'art et des professeurs de billard.

M. Charles Gide, A celle première imprudence, en ajouta
une seconde, qui constituait un second déli, el-comportail
un nouveau risque : traitant des questions économiques, il
n'hésita pas à exprimer son opinion telle qu'elle se déga-
geait de l'examen du problème, envisagée sous tous ses aspects
par un spécialiste, au lieu d'exprimer une opinion conforme
â celles qu'ont formulées, depuis-le début de la guerre, les
seules personnes qui aient, mainleuaiil, quelque aulorité-en
la matière : M. Alfred Capus, pnr exemple, ou le chanoine
Franc, de la a Croix »,

Ces personnages, et quelques autre», dont l'aulorilé sur
ces points est d'autant plus indiscutée qu'elle est moins
établie, ont lixé, une fois poui taules, l'altitude que la
France devra observer après ta guerre.

Cette politique économique et commerciale, c'est, vous
uc l'ignorez pas, le boycottage de l'Allemagne.

C'esl simple, c'est clair et, en appurunec, lacilc.

Ne rien acheter aux Allemands, «nies la guerre. Ne lien
leur vendre. Plutôt se priver d'une matière première eu
d'une machine, que de l'acquérir en Allemagne, ou do
l'scheter à des Allemands établis hors de leur pays Plutôt
payer un article cent Francs à un allie, ou inertie a un
neutre, que de l'acheter cent sous a un Allemand. Plutôt
laisser pourrir des kilomètres de loile, par exemple, que de
les vendre aux Allemands qui pourraient eu faire des panta-
lons pour les manua de lems torpilleur* ou des pyjamas
pour les pilotes de leurs avions, uu do soutanes pour le
camouflage de leurs espions !... Et ainsi de suite. '

C'esl li le nationalisme économique, la seule politique
commerciale et industrielle crue lu France puisse suivre,
après la guerre. Ainsi eu ont décidé les an loi ites-economiques
qui versent le résultat de Icuis enqueica el de leurs éludes
dans les colonnes des organes du nationalisme, royaliste ou
démocratique.

Consulté, M. Charles Gide fil observer, en homme qui
connail son affaire, que le boycottage économique de i lu'-
muçme serait pour nous une fort mauvais* affaire. Aux cris
de haine des nationalistes, démocrates ->u non, il Oppotit
êes raisons d'économiste. H rappela que, si les Dations civi-
lisées ont banni la otndctta des relation* entre famille, <e
c'est pas pour introduite dans le» rapports entre nations
celle coutume, assurément assez ancienne el a SSCI locale
pour plaire 1 des traditionnalisles et a des rcgionah tes,
mais tout de ménlc par trop sauvage et primitive, il indiqua
que, entreprendre une guerre .économique dès le jour—«ù
nous aurons la joie d'être déliviés de la guerre uuiil.tire,
c'est condamner Pfciiiropc k la guerre pi<rncturîl*. Il observa
que, si nous ne voulons avoir absolument aucun rapport
uercial avec l'Allemagne, nolie cu.ieiiue, il nous faudra.

FEUILLETON DE Lrt *GAlblIL DLi> AllUEI\NSS> 1

LE

« LE

Par Pierre Maël.

PREMIÈRE PARTI

11 ajouta, montrant du geste l'horizon désert sur lequel
M piolilaient k peine quelques m&t* de navires de commerce
étrangers :

u Nous ne devons point, d'ailleurs, nous exposer à
manquer 1* division que nous avons mission de prévenir. »

Et le a Vengeur u, ne se donnant plus 1s peine de se dis-
simuler, se mit à fuir à sa vitesse mnxiina de trente-quatre
SKEUds. *

Ce que voyant, le contre-torpilleur anglais prit chasse
derrière lui, et lui intima l'ordre de se rendre.

Ijc sous-mui m, cela va san* dire, se guida bien d'obtem-
pérer à l'ordre de l'ennem.

Alors les hostilités commencèrent sérieusement.

Il y avait cinq bous milles de distance entre lea deux
navires, mais celle distance décroissait progressivement
entre eux, bieu que de quantités infinitésimales. Au bout
de six heure* de celle lutte de vitesse, elle était réduite à
trois milles seulement, mais le* deux adversaires étaient
également fatigués de leur effort, et il n'était pas plus d*
trois heures de l'après-midi.

« Commandant, fit observer Durée, ne craignez-voui
pas àvpuî*er notre provision de pétrole ? Vous savez que
Doua sommes reparti* de Brest sans avoir eu le temps de la
renouveler. Or, du tram dont nous allons, nous serons con-
traints, pour revenir, de cheminer sous l'eau.

— Je reconnais que vous avez raison, mon ami, répon-
dit Jeumonl. Mais, qu'y (aire ) Je ne veux pas dénoncer
■otre présence à l'enuemi en plongeant brusquement. Il
*ï ■ que la nuit, ou I* venue des nôtre* qui puisse nous
tirer d'embarras. »

En oe moment un sifflement slgu se Et entendre à l'fcfc

ri ère du « Vengeur u, et un clapotis caractéristique le pré-
vint que le premier coup de canon était tiré. Mais 1* tir
était mal calculé et la portée insuffisante, car il s'en fallut
duo bon quait de mille que le projectile atteignît son but.
Néanmoins, l'enseigne Durée en prit de l'alarme.

u Ils vont certainement rectifier leur tir, commandant,
et, alors, gare aux obus. Ça va pleuvoir.

— A la grâce de Dieu I £f* insoucieusemeut Jeumout.
J'ai foi en mon étoile. Courons cette chance. »

Et, sur son ordre, le « Vengeur», émergeant entière-
ment, arbora fièrement les trois couleura à l'arriéra. Un *s-
oond obus siffla et vint faire gicler l'eau i moins de cent
mètres du sous-marin.

u Oh I oh 1 gronda Jcumont dont les poings se serré-,
rent, est-ce que ces mécréants vont m'obliger • plonger
malgré moi t>

— Cela vaudrait toujours mieux que plonger par leur
fait, commandant, répliqua le second.

Un troisième sifflement, un troisième clapotis à cin-
quante mètres en arrière et, cette fois, dans la ligne même
du sous-marin, fut un avertissement efficace. Jeumont,
g rinçant des dents, rentra duna le kiosque, en disant :
- « Le* bandits 1 Si encore je pouvais le* approcher, je
prendrais ma revanche en les coulant et ils ne porteraient
point la nouvelle, n

Et il mit la main sur le levier de fcimeture, pendant que
b aous-marin s'immergeait lentement jusqu'à la ligne d'af-
fleuremnt.

Mais, soudain, un cri jaillit de la gorge de l'enseigne
Durée :

~- Inutile, commandant", dit-il. L'Anglais vire de bord.
H s'en va.

— En êles-vous sûr, Durée P

— Regardez vous-même, commandant, et assurez-vou*
que je ne me trompe pas P

Philippe de Jeuumnt se mit k regarder par les hublot*
dans lu direction de l'Est*

Le destroyer virait, en effet, l'éloignant du sou^-marin
auquel, par témoignage d'amitié, sans doute, U décocha
•ncere deux obus en pure peru^. En m^nie temps, a l'Ouest,
mne, deux, puis trois, quatre et cinq fumées montaient dans
la firmament très pur.

it La division des Antilles I s'écriu l'officier. Je com?
prends maintenant pourquoi l'Anglais se dérobe. »

Et, désormais rassuré, le commandant du « Vengeur a
n'hésita plus. Il donna l'ordre de pousser les feux et
s'élancu de toute sa vitesse à la rencontre de la division
française.

Une heure plus lard, la commission de l'amiral de Ker-
vénan était faîte.

Au moment où Philippe de Jeumont aborda le contre-
amiral commandant la division, l'entretien fut bref et
émouvant.

» Monsieur, dit l'auiuul, je vous suis gré de l'empres-
sement que vous avez mis à me porter des nom elles de
France. Laissez-moi vous dire, toutefois, que je savais, de-
puis avant-hier, l'état de guerre. Nous avons, en effet, été
reçus à coups de canon dans, le port de Las l'almus sur
lequel les Anglais oui déjà mis la main. J'aurais pu accep-
ter la bataille, car les foices détachées sur ce point par nos
«niiemi? sont louU's île qualité Inférieur*. Mais j'ai mé-
nagé mes ressources en prévision d'une autre rencontre, a

Jeumonl confirma, lof tu 1er général dans son sentiment
à cet égard. Il lui fit savon qui lle était I situation sur la
côte de Fiance et oôuiment des escadre* anglaise», coopérant
devant Rochefort, Lorienl et Breat, une partie allait se déta-
cher, sana nul doute, puiir lui donner la chasse. Sur son
avis, le contre-amiral se décida a changer de route et ù se
poitcr décidément daua le Sud-Lsl, et vers les côtes du
Portugal, quelque danger que put présenter le voisinage
de Gibraltar.

« Je ne pense pas que nous puissions entrer sans en-
combre dttn* la Mtditcuunée, dit Jeumont. Mais où que

"not-s soyons contraints d'accepter la lutta, nous u^m tout
avantage à uou» rapprocher de lu Botta de Toulon, a

n disait vrai. C'était à 'loulou, en effet, que l'amiral
français, coinmaiidant en chef, avait rassemblé les forces
navales de ta France épaine* sur tons les points des mer»
d Luropc. Notre escadre de lu Manche elle-même, trompant
les tnlinU de l'Angleterre, uioil nu'-i a franchir le détroit
et à rallier l'escadre de lu Médilcriuuée. Ln France disposait

. donc, aur ce point^ d'une flotte magnifique, forte <[e qua-
rante vaisseaux, euiras"és et croiseurs, i-t qui, selon Unîtes
les prévisions, ell.nl îtvoir ù soutenir le choc de l'Angleterre
et de l'Italie coalisées.

Mais une surprise était réservée aux marin* de la divi-
sion des Antilles, aussi bien qu'à Philippe de JcliuohI.

Ainsi que celui-ci l'avait prévu, k ibstroyer mail fait
fonction d éclaireur.

Il avait relevé la situation et la marche de la divis.cu
des Antilles et avait prévenu l'escadre anglaise.

Le neuvième jour upiès celui où le « V«nocnr;a a\ait
quitté Brest, les cinq croiseur» dont se composait b force -
navale commandée par le contre-a m irai du Plcaaia virent
brusquement apparaître dans le ,\ord d inquiétante* fu*
mées. C'était toul une- moitié des force» détachée» du blocus
de Rochefort qui accourait à toute vapeur vers lu côte d'Es-
pagne, afin d'écraser, s il était possible, la division au re-
tour des Antilles

u Allons! dît*l'amiral à jeumont, je crois que le mo-
ment est venu de mourir en taisant notre Hovou-.

— Pourquoi momir, amiral P demanda l'ancien officier
de marine.

— Parce qu'il ne me parait pas possible que nous puis-
sions lutter avec nos cinq croiscuis protégés contre une
escadre dont le nombre est double du uulre et dans lequel
je compte quatre ouïra**é* de premiei rang.

Philipjie de Jeumont bochn la léte cl fit claqitei tel
doigts.

— J'ai confiance, au contrauc, que voua pouvea hardi-
ment résister ai même prendre l'offensive

— Comment celu P demanda Pamiial

Alors Jeumonl expliqua sa pen*éc. Tandis ajue W cinq
croiseurs français, muichant de front, attaqueraient les six
croiseur» anglais, en évitant de présenter le Uanc aux cui-
rassés, le u Vengeur» courrai! su« à ces derniers et les tor-
p.Mernit l'un après l'autre. De celle façon, te* chance* ta-
raient* h peu près équilibrées, l'ennemi n'aurait plus, du
moins, l'écrataute supérioiité du premier moment.

d Néanmoins, observa l'amiral, je rmis prudent fle nous
rapprocher de la côte orientait d'Afrique. iNous ponrron»
pt-iii-é'tre passer inaperçus en nous défilant au-di siouj (le
Tancer Fmiis ignorons, d'ailleurs, où ne trouvent nos prin-
cnpalf» forces el tout ce que vous m'aie/ rapporté du bloi u»
de Brest me donne à penser que mm ennemi* ont massé
dans le Nord la majeure partie de leur escadre blanche,
amoindris»uni ainsi leur effectif méditerranéen. «

(A suivre.)
 
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