8* Année.
N- 315.
Tirage : 140,000 Exemplaires.
Charleville, le 17 Décembre 1916.
Gazette de
JOURNAL DES PATS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE POIS PAR SEMAINE
* Ou s'abonne dans tous les bureaux de poste
UN BOT DE GUERRE
Four les gens vraiment informés sur les origines
Hl la catastrophe mondiale, la grave responsabilité
sk> 1» Russie ne (ait pas l'ombre d'un douta. C'est
r'ce quelle se sentait protégée, voire encouragée sur
puissant parti m panSlaviste » que la Serbie osa
fcanigancer ses complote contre l'Àutriche-Hongrie,
rt le dernier se termina par le criminel assassinat
l'archiduc-héritier Franz-Ferdinand et de son
épouse a Sérajévo.
C'est enfin la mobilisation russe, menaçante pour
TAllemagne, qui provoqua la mobilisation allemande,
donnant ainsi aux événements leur tournure fatale eu
dépit des efforts faits par le gouvernement de Berlin,
pour écarter le péril. Ce sont la des faits qui ont été
suffisamment éclaircis ici-même, avec preuves à
Tappui, pour qu'il soit inutile d'y revenir aujourd'hui.
Une autre question mérite par contre d'être ex ami"
*ée, au moment où le grave problème des buts de la
iruerre se trouve plus que jamais posé devant l'Eu-
rope. Pourquoi la Russie fait-elle la guerre? La
réponse est simple : dans un but de conquête, dont
fobjectif est Conslaniinople avec ses détroits.
Longtemps la Russie officielle et la presse des
Alliés ont gardé un prudent silence sur ce vaste plan
de conquête, qui cadre si mal avec la « guerre pure-
ment défensive », que prétend faire la Quadruple
Entente. Comment pourrait-on, en effet, accorder
avec le principe des nationalités et la prétendue « libé-
ration des opprimés » ce projet d'incorporation par
la force d'une capitale étrangère a l'Empire russe.
La conquête de Constantinople est donc restée
longtemps le but inavoué de la Russie. Commence-
ment février 1915 cependant, dans une mémorable
■éance à la Douma'(voir au N* 23 de la « Gazette des
'Ardcnnes ») le chef du parti des cadets avait déjà
lâché cet aveu longuement applaudi par les partis de
la guerre :
. « Nous sommes persuadés que l'accomplissement
sic notre tâche principale, qui est l'acquisition de*
Détroits et de Constantinople, aura reçu à temps les
garanties nécessaires, tant au point de vue diploma-
tique qu'au point de vue militaire. »
L'aveu était déjà assez net. II confirmait ce que
■wveient depuis longtemps les gens renseignés. Au-
jourd'hui, plus de doute possible I M. Trépoff, le
nouveau président du conseil russe, a donné, dans
•on discours-programme prononcé devant la Douma,
le 2 décembre, ea sanction officielle à l'aveu de M.
ftfiljoukoff. Voici le passage essentiel de la décla-
ration du successeur de M. Stuermer (
« Je ne puis pas ne pas toucher, dit-il, i une
fjueslion qui tient au cœur de chaque Russe. Depuis
plus de mille ans, la Russie tend A obtenir vers le
midi une issue libre dans une mer ouverte.
« Les clefs du Bosphore et des Dardanelles, le
l>ouclier d'Oleg sur la porte de Constantinople, voilà
tes rêves séculaires intimes du peuple russe dans
toutes les époques de son existence.
« Eh bien, ces aspirations sont près de se
réaliser (I)......
« Les intérêts vitaux de la Russie sont aussi bien
tompris par nos fidèles alliés que par nous-mêmes
et c'est pourquoi l'accord que nous avons conclu en
1015 avec la Grande-Bretagne et la France, et auquel
c adhéré l'Italie, établit d'une façon définitive le droit
de la Russie aux DétroîU et à Constantinople.
« Le peuple russe doit savoir pourquoi il répand
■on sang et, de concert avec nos alliés, la déclaration
de cet accord se fait ici aujourd'hui du haut de cette
FEUILLETON DE L* tGAZhTIU DUS A/iDm\WgS» Î9
LE SCUS-MAH1N « LE M
Par Pierre Maël.
C'était, en effet, sur ce rapide coureur que, le soir
même du jffur où lé ballon avait jeté au Préfet mari-
time de Lonent... sa menace de faire payer à Alice de
Jaumont toute l'infortune de sir Aylesford, la jeune
ftlle, désormais prisonnière de anistre* ennemis, avait
été embarquée a destination de l'Irlande, où une prison
jJus rigouieuse lui était innigéo.
€• n'est pas une nouveauté dans l'histoire de r An-
Ê«terre que cette guerre aux faibles, oette violation de
utes les lois de l'humanité.
Aucun peuple n'a jamais fait pareille cou sommation
•V tim de femmes et d'enfants.
Carthage, son ancêtre et son modèle, adorait le Ma-
ison devorateur et lui otirait des sacrifices de petites
victimes innocentes.
A vingt-quatre siècles de Carthage, l'Angleterre a
tuyauté les c camps de concentiatiou » du Transvaal où
SU* égorge les petits enfanta dans la proportion de
treize sur vingt, ou de soixante-cinq pour cent. Ce sont
su propres »tati=tiques qui l'affirment..
N'est-ce pas un peu la contim.utum des procédés de
faerre qui l'ont illustrée dans l'histoire du monde ?
•an Sans-Terre no tua-t-il pas, d- sa propre main, son
■eveu Arthur do llreta^e r Pticliard 1IÏ n'étoutfa-t-il
»od, dans la tour de Londres, ses neveux, les « Enfants
à'IMouard ■ P
Et les femmes ? — Sans parler de Jeanne d'Arc
•u'il» brûlèrent a Rouen, uprès un procès dont la Lonio
péaera sur l'Angleterre aussi longtemps que dureront
le uom de l'h^ioiiie et celui du houricau, quels autres
■ommes que les Anglais ont frappé plus impitoyable-
ment les têtes jeunes et belles, nobles et séduisantes, ds
lemmes célèbres par leurs grâces ou leurs vertua P
tribune ; je le répète, l'accord complet sur ce point
**t fermement établi entre les Alliés et il n'y a pas de
doute que la Russie, après avoir obtenu la possession
souveraine d'un passage libre dans la Méditerranée,
accordera la liberté de navigation nu pavillon roumain -
•jui flotte, non pour la première foie dans les com-
bats, à côté des drapeaux russes. »
Cet aveu, fait à cette heure, est particulièrement
éloquent. Quand M. iMiljoukuff dévoila le plan de
conquête russe, l'armée et la flotte alliées assiégeaient
les Dardanelles, " et l'espoir dé forcer le chemin de
Constantinople remplissait les cœurs des ennemis de '
la Turquie. Mais aujourd'hui le rêve est envolé. Les
vaillants défenseurs ottomans ont rejeté a la mer les ;
corps anglo-français lancés à l'assaut de leur capitale.
Et jamais encore les Russes ne furent plus éloignés de
Constantinople qu'à cette heure, où la Roumanie t
s'effondre et où la Dobroudja leur a échappé. N'était- I
ee pas par ce couloir que l'armée russe comptait at- |
teindre, à travers la Bulgarie écrasée, 1 antique
Byzance, devenue la hère Stamboul, pour clouer sur*
sa porte le bouclier d'Oleg?
Opposant aux paroles les simples faits, on ne
pourrit donc que sourire des dernières promesses
solennelles du premier ministre russe. Espérait-il faira
revivre une fois encore les vieilles illusions du pansla-
visme conquérant, que tant d'échecs subis ont dû
rappeler a la .réalité.
£spérail-il rendre au peuple russe, tant éprouvé
déjà, le courage de l'effort suprême ?
La Douma a-l-elle senti ce que le discours du chef 1
responsable du gouvernement avait de follement exa-
géré ? A-t-elle compris que la tentative de réalisation
2e ce vaste projet ne pourrait qu'imposer au peuple
russe de nouveaux sacrifices incalculables ? Toujours
•st-ïl que l'accueil que la Douma fit au nouveau prési- 1
dent du conseil fut peu engageant. L' « Humanité »
de Paris avoue que cette séance a la Douma « fut
passée complètement sous silence par les agences. »
Le « Times » eu a donné cependant un compte rendu
qui avoue qu' « il est impossible de nier que l'écra-
sante majorité de la Douma fit à A/. Trépoff un
accueil très froid. »
Les socialistes et les travaillistes se sont livrés
contre lui à une manifestation violente, en faisant
claquer leurs pupitres. Le président du conseil dut
même passagèrement quitter la tribune.
Quelles que soient les raisons.de cette opposition,
l'aveu de M. Trépoff ne pouvait passer inaperçu.
En Fiance, ceux qui voulurent entendre savent
à quoi s'en tenir maintenant. Plusieurs osèrent même
parler, les uns avec prudence et circonspection, les
autres avec une franchise qui fut bien vite bâillonnée.
Dans 1' « Humanité » du 5 décembre, M. Pierre
Renaudel, consacrant au discours de M. Trépoff tout
un article, s'exprima ainsi :
« ...II faut noter que c'est, pour la première fois,
Taffirmation publique — non pas des buts que pou-
vait se proposer la Russie et qui n'étaient pas incon-
nus — mais d'un accord conclu en 1915 entre Us puis-
sances alliées au sujet des Dardanelles et de Cons-
tantinople. L'existence de l'accord était connue, mais
il semblait qu'il laissai des points encore à définir, et
que ceux-ci seraient précisés enLre les Alliés au mo-
ment, maintenant assez reculé, où les armées de
TEntenle pourraient occuper Constantinople.
« Il ne faut pas se dissimuler que la déclaration
de M. Trépojf jettera quelque trouble et pourra avoir,
dans l'esprit d'un certain nombre d'éléments français
et anglais, 4e jûcheusvs répercussions. 11 ne suffirait
à rien de se le cacher .d'autant que le langage tenu
par le président du Conseil russe a été muet sur
d'autres points e\ est en contradiction avec celui qui
a été tenu en Angleterre comme eu France sur les
formes de la paix durable et organisée de demain...
* M. Trépoff, pour Bboutir a la paix durable, n'a
lait aucune allusion à quelque autre moyen que es
soit qu'A celle destruction de deux cents millions
d'habitants de la coalition ennemie, qui ne peut être
isolée de l'Allemagne.
« Des socialistes, quel que soit leur désir de ne
pas troubler l'union d'action des Alliés, ne peuvent
pas s'associer a de telles paroles. Ils ne peuvent pas
ne pas signaler qu'elles risquent d'aller à l'enconlre
du but qu'elles se proposaient. M. Trépoff ne parlait
pas seulement pour la Russie «t pour l'Allemagne ;
11 parlait pour le monde. Nous espérons que. d'ac-
cord a\ec les autres gouvernements alliés, il sppor-
tera prochainement des explicalions dont la fermeté
n'exclura pas la prudence. »
A la Chambre française, au cours du débat public
sur l'ordre du jour qui termina le comité secret, le
député Mistral a cru devoir souligner également
T « imprudence » du discours de M. Trépoff. Il î'est
•xprimé ainsi :
a La guerre actuelle eàt une guerre d'immobilité.
Dans ces conditions, nous devons redoubler d'efforts
pour donner aux combattants tout le réconfort dont
ils ont besoin. Donnons aussi au pays toutes les
forces morales nécessaires. ■ Affirmons que notre
idéal est toujours le même qu'au début de la guerre.
Nous avons dit que nous subissions Cette guerre,
que nous lultions pour le « droit, la liberté et la civi-
lisation ». Affirmons que nous n'avons pas changé
nos buts de guerre. Or, des discours imprudents ont
été prononces, notamment par le président du conseil
de lîussie... »
M. Mistral ne put en dire davantage. Des protes-
tations sur les bancs nationalistes, auxquelles répon-
dirent les applaudissements de l'extrême gauche, lui
coupèrent la parole. Mais on sait ce qu il a voulu
dire. On se rappelle encore qu'à la séance du 21 no-
vembre un autre député, M. Brizon, expliquant pour-
quoi il voterait contre le recensement de la classe de
1918, . avait osé parler, des responsabilisés russes,
disant :
ii Dans ces conditions, je déclare voler non seule-
ment contre l'appel, mais contre le recensement de la
classe 18.....C'est à ceux qui ont des 170 et des
180 millions d'hommes dans leur pa\s et qui sont res-
ponsables de la guerre. . . (protestations ; bruit pro-
longé.) . . . autant que les Empires d'Allemagne et
d'Aulriche. . . »
Pas plus que M. Mistral, M. Brizon n'a pu termi-
ner sa phrase. Mais il a achevé sa pensée en disant à
la fin de son discours :
« Je répète que M. le président du Conseil n'a pas
le droit de demander la classe 1918, parce que celle
classe servira à atteindre les buts de guerre non pas
de la France, dont l'indépendance nationale est mili-
tairement assurée, ....mais aux buts de guerre de
la Russie pour conquérir Constantinople.,.. »
Aujourd'hui un simple coup d'œil *ur la carte de
guerre permet de juger combien de temps il
faudra que le sang de l'Europe coule encore
pour permettre à la Ku^ie de M. 'ÎVépoff d'atteindre
militairement son but de guerre proclamé. Les Neu-,
très, eux ne s'y sont pas trompés. Le grand journaj
hollandais « Nieuwe Courant » écrit ;
Dans les circonstances actuelles, il nous semble
bien que l'existence de cet accord entre Alliés, qui
promet Conslaniinople à la Russie et dont la réali-
sation serait l'une des conditions de paix de l'Entente,
ne peut que prolonger la guerre.
BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS
Orand Quartier [énèrsl, 16 décembre 1918.
• Théâtre de la guerre à l'Ouest.
ÀrwUê du 'feldmaréchal duc Albrecht de Wurtemberg*
Dana l'arc d'Ypree «t de Wytscbaete la lutta d'artilleris
atteignit par moments une grande puissance. Nos groupe*
4'alUqu« pénétrèrent, su Sud-Lit de ZiUeLKxke, dans la
4*uxième Ugnt anglais», dont les occupants avaient pris la
Mte.
Groupe d'arméei du Kronprim allemand.
La i& décembre, l«s Français réussirent, lur le front
Mord-Est de Verdun, à nous refouler de notre première posi-
tion dans une deuxième ligne préparée, ssvoir : erfitc da
TsJou — hauteurs au Nord ds Louvemcnl — ferme Chara-
bretteâ — Sud de Bezonyaux.
Théâtre d» la guerre à l'Est.
Front du feldvxaréchal Prince Léopold de Bavière.
A l'Ouest de Luck, des troupes austro-hongroises pené-
irtrent, après un coup da raina réuni, dans les tranchéca
«inemiea endommagées, et s'en retournèrent, apr^s les avoir
*<truiles davantage, en ramenant un certain nombre de pri-
sonniers et quelque butin.
Front du colonel'général archiduc Joseph.
Au Sud de la vallée de Luck une double attaque russe
tmt arrêtée par feu d'artillerie.
Groupe^ d'armées du feldmaréchal von Mackensen.
Dans des combats sans répit, l'exile gauche de la
■rmée s atteint ia route de Busau-Himicul-Sarat. A l'Est de
Buzau, le secteur du Ucuve du même nom ut enle\é ; 1 m te
érojta a forcé le passage de la depiession du ColmatuiuJ;
■ou; avons encore fait a.ooo prisonniers.
L'armée du Danubo'progresse irrésistiblement *crs le Nord
Kat. fcu Dobroudja, le llusse a abandonné ses positions,
■ltuées le plus su Sud. Des troupes bulgares, turques et alle-
atisnde* ont franchi, dans une rapide poursuite, la ligne de
Cogealac-Cartal-Uarsova.
Front de Macédoine.
Pas d'événement particulier.
BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS
Paris, 11 d'ici.!;, l&lfl, iuir,
Au eours de la journée, luttes d artillerie violentes dans <ta
lefion de la Vil!o-du-Boie (Nord-Ouest do Reims) et dans te aec-
•sur ds Douaumont. Un coup de oain eiéculo par mjus aur le*
»rsnchéô« adverses au bols Le Prélre (Ouest de Ponl-a-J^O |
a donne de boas résultats. Rica a aignoler sur le reste du Iront!
Ptxla, 12 décembre IU1C, 2 heures.
Dans la région au Nord de Lassjfa-ny, hier eu fin de journée,
épris un vu* bombardement, les Allemands ont atlaqué nos Lrall-
ai**» i la baièis est du Bois-des-Loget. Nos tirs de barrage ont
Aeloque l'sttaque. Quelques fractions ennemies qui ayamil pna
sied daas nos éléments avancés en ont éle chassées a^rés un
eembst a la grenade. Notre ligne est entièrement nilablic Canua-
kade habilueiie sur la reale du front.
BULLETINS OFFICIELS ANGLAIS
{front occidental.)
Londres, II décembre 1916, 10 h. 20 soir.
Des eoups de main heureusement exécutés la nuit dernier*] à
Fiat m Ne u ville-Saint-Y s ast et au Sud-Est d Armentiércs nous
eu permis de détruire des emplacement* ds ouïratlleuses et de
smmenar ita e*rtaui nombre de priaouiiiera. L'ennemi a tente sans
succ*s tu raid t l'Est de la Coulellene. Des groupes de tra-
Henry VIII, à lui sou!, a décapité deux époiises et
répudié deux autres. Sa fille Marie a livré au bour-
reau ea rivale Jane Grey; sa fillo Elisabeth a retenu
«eim ans captive, pour la jeter ensuite^Bons la_ hacho,
la romanesque et innocente Alarie Situait. Et noua ne
tenons point le compte de» autres victimes moins illus-
tres.
Nul eentimciit de chevalerie ne pouvait donc pré-
Taloir duns l'âme haineuse de Oeil SVouUman contre
l'intérêt ou, du moins, co qu'il estimait 1 intérêt du sa
patrie. Par Alice, il avait cru teuir Philippe de Jeu-
mont. Le jour où il e'etait aperçu que le frère et la
sœur, élevant loura ameg à la hautfiir des plus ru-
blimes renoncements, consentaient lueine au lacri&M
d une jeune existence promise à la gloire: «t au bon-
heur, l'Anglais avait, eu grinçant des deuti, juré' que
aa victime serait, du moins, iflimolee aux vengeances
de r Angleterre vaincue. Et, peut-être Alice eût^ells
■uccombe sous cette lâche compensation des défaites
de la UranJe-Bretagne, si le eoit n'eût mis Ayle^ford
aux mains de Philippe de Jeumont.
Or, ta vie d'Aylesford repondait de oellf d'Alice, «t
"Woodman y tenait plus qu'à la sienne propre.
Sir tiborges Aylesford, en otiet, était l'alter ego du
grand savant anglais, en mémo temps que son collabo-
rateur assidu et eon frère dans la haine qu'il a\ait
vouée à la l'rance. Il y avait même en Angleterre des
5ens qui aasiiiaieat que le baronnet fait prmftnnier par
eurnont était le véritable inventeur du ballon diri-
geable at quo son absence ailolait Woodman, lequel,
à œ moment même, a'apprêtait à lancer duns les airs
toute une escrdrille d'neroetate militaires destinés 4
incendier plusieurs des grandes villes françaises et dei
arsenaux de la côte. L'iueconcilinble ennemi ne s'etart-
il pas vanté de venir planer au-dessus de P;iris et d'y
faire pleuvoir des centaines de bombes explosibles ?
conçoit quo de tels- nrwtifs inspirassent a l'ingé-
nieur anglais une colèro eullir-aute pour le porter aux
violences contre sa captive.
Une autre inimitié, d'ailleurs, etimulait la sienne,
eelle du misérable traître qui, troquant son nom exécré
de Tyirel contre celui de AlicbtL'an, venait de pousser
#l'aud3ce jusqu'à débarquer eur la côte de liieUgne et
pénétrer dan» le» propres rangs de l'armée française.
Et lui, Jacob Tyrrel, n'avait pas les mêmes raisons
que Woodman de diliérer l'accomplissement de ses
odieux desseins. Il avait voué k Philippe un ressenti-
ment que les plus atroces vengeances pouvaient eeulei
apaiser.
Tel» étaient les deux hommes, ou plutôt les deux
monstres aux mains desquels Alice était tombée.
Cependant, la crainte de terribles représailles, ou
plutôt la nécessité de sauver la vie d'Aylesford, avait
retenu le biaa de Woodman.
Inquiet, malgré tout, de» suites de l'aventure,
épouvante des coups terrible» portes par le ■ Ven-
geur », il avait iuge prudent de mettre la jeune tille,
ton otage, à l'abri d un coup de main de libérateurs
dévoués. C'était dans ce dessein qu'après l'avoir uu
instant mise en garde sur 1« i Sirdar Kitchener s, il
était venu l'y reprendre pour l'emporter, doux jourt
durant, dans les airs.
Mais il s'était aperçu que la prisonnière devenait
littéralement un fardeau encombrant pour lui.
t Eardeau • était le mot, pursoue le ballon ne
▼ait porter que six passagers et qu Alrce tenait la
de l'un d eux.
Aussi avait-il décidé de l'interner au plus tôt «d
Irlande et avurt-il inaudé-i»>« e^ir * Quli depuis le
commencement de la guerre, auconipagimit l'aérostat
vers tuus les rivages où celui-cr devait atterrir. Les
relations se maintenaient constantes entre eux.
Mais, avant d'embarquer la jeune fille sur le repid*
bateau, Woodman avait décidé d'adresser un ultima-
tum aux commandant! français.
Depuis la capture d'Aylesford, il avait jugé impru-
dent d'éparpiller ses couipagnuaa. Pateraon et ilichi-
gnu, qui, d'ailleurs, no s'étaient pas encore séparés de
sir Georges au moment de l'aventure do Ouidel, avaient
remis k plus taid leur descente à terre.
Ce fut le traître qui fut chargé par Woodmau de
signifier ses volnutes à la prisonnière.
« Mademoiselle, — lui dit-il avec une politesse in-
solente, — sir Cecil Wooiliruin a osé compter sur tous
pour vous faire ton intcrnu-diaire auprès de vos com-
patriotes. Poovoii8-7ious e.-qjfier que vous nous occor-
derea ce témoignage de bienveillance ?
— (Jue désirez-vous leur faire savoir par uiun in-
e pou-
plaoe
♦armédiaire f — questionna tranquillement la tétine
âlbs.
— Simplement oeci i Que votre eecurité parmi
bous dépend du sort qu'ils réservent à notre ami Ayles-
iord, leur prisonnier.
— E»t-oe tout t — demanda encore Alice, sans sa
départir de son calme,
— C'eet tout, pour le moment », — répondit le
transfuge avec la mémo impudeur d'une courtoisie vi-
siblement ironique.
Aiioe n'avait gardé que de rapides impressions de
la terrible nuit où elle avait vu tomber sous le fer des
assassins le vieux Pol Le Louarn et la tidele Anne, sa
Sardienne et sa nourrice. Mais ces irnpreasron» étaient
t celle* que rien ne peut eûacer.
Si, au milreu d'une demi-obscurité, elle n'avait pu
distinguer les traita de Jacob Tyrrel assez pour le re-
•onnaitre plus tard rasé et semblable à un cabotin, si
Us émotions de la lutte, la soudaineté de la violence)
enu lui était faite, lui avaient ôté la faculté de réflé-
anir et de coordonner ses pensées, une sensation du
moins, nette et d'une enrayante précision, s'était per-
pétuée en elle. Elle avait gardé dans son oreille ■ la
Voix s du criminel.
Or, oette voix, elle venait do la reconnaître dans
l'organe onctueux et grasseyant du faux llieuigaa,
Klie le regarda bien en face.
« Avant de vous répondre, — dit-elle, — ]■ den
■lande k vous poser une question moi-même.
— Quelle question voulez-vou» me poser t — fit I*
misérable aveo un ricanement. — .Faut-il vous répétée
Mes paroles ?
— Nullement. Si j'accepte, vous me les dicteresv
Toioi oe qu» j'ai à vous demander i pourquoi vous, qui
me pararssez aussi au courant que moi-même des deli«
mttsse» de la langue française, ne vous charges-vou*
p&j de rédiger le message- A nos compatriotes ? *
Et, comme le scélérat, interloqué et mal à son ais«|
demeurait muet, Alice, d'une voix éclatante, loi jet*
Mtte flétrissure a U face :
t Parce que vous craignez, sans doute, qu'on n*J]
reconnaisse la main d'un traître, n'est-oe pas, moa*
sieur Jaoab Tyrrei f a
(A suiure.J
N- 315.
Tirage : 140,000 Exemplaires.
Charleville, le 17 Décembre 1916.
Gazette de
JOURNAL DES PATS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE POIS PAR SEMAINE
* Ou s'abonne dans tous les bureaux de poste
UN BOT DE GUERRE
Four les gens vraiment informés sur les origines
Hl la catastrophe mondiale, la grave responsabilité
sk> 1» Russie ne (ait pas l'ombre d'un douta. C'est
r'ce quelle se sentait protégée, voire encouragée sur
puissant parti m panSlaviste » que la Serbie osa
fcanigancer ses complote contre l'Àutriche-Hongrie,
rt le dernier se termina par le criminel assassinat
l'archiduc-héritier Franz-Ferdinand et de son
épouse a Sérajévo.
C'est enfin la mobilisation russe, menaçante pour
TAllemagne, qui provoqua la mobilisation allemande,
donnant ainsi aux événements leur tournure fatale eu
dépit des efforts faits par le gouvernement de Berlin,
pour écarter le péril. Ce sont la des faits qui ont été
suffisamment éclaircis ici-même, avec preuves à
Tappui, pour qu'il soit inutile d'y revenir aujourd'hui.
Une autre question mérite par contre d'être ex ami"
*ée, au moment où le grave problème des buts de la
iruerre se trouve plus que jamais posé devant l'Eu-
rope. Pourquoi la Russie fait-elle la guerre? La
réponse est simple : dans un but de conquête, dont
fobjectif est Conslaniinople avec ses détroits.
Longtemps la Russie officielle et la presse des
Alliés ont gardé un prudent silence sur ce vaste plan
de conquête, qui cadre si mal avec la « guerre pure-
ment défensive », que prétend faire la Quadruple
Entente. Comment pourrait-on, en effet, accorder
avec le principe des nationalités et la prétendue « libé-
ration des opprimés » ce projet d'incorporation par
la force d'une capitale étrangère a l'Empire russe.
La conquête de Constantinople est donc restée
longtemps le but inavoué de la Russie. Commence-
ment février 1915 cependant, dans une mémorable
■éance à la Douma'(voir au N* 23 de la « Gazette des
'Ardcnnes ») le chef du parti des cadets avait déjà
lâché cet aveu longuement applaudi par les partis de
la guerre :
. « Nous sommes persuadés que l'accomplissement
sic notre tâche principale, qui est l'acquisition de*
Détroits et de Constantinople, aura reçu à temps les
garanties nécessaires, tant au point de vue diploma-
tique qu'au point de vue militaire. »
L'aveu était déjà assez net. II confirmait ce que
■wveient depuis longtemps les gens renseignés. Au-
jourd'hui, plus de doute possible I M. Trépoff, le
nouveau président du conseil russe, a donné, dans
•on discours-programme prononcé devant la Douma,
le 2 décembre, ea sanction officielle à l'aveu de M.
ftfiljoukoff. Voici le passage essentiel de la décla-
ration du successeur de M. Stuermer (
« Je ne puis pas ne pas toucher, dit-il, i une
fjueslion qui tient au cœur de chaque Russe. Depuis
plus de mille ans, la Russie tend A obtenir vers le
midi une issue libre dans une mer ouverte.
« Les clefs du Bosphore et des Dardanelles, le
l>ouclier d'Oleg sur la porte de Constantinople, voilà
tes rêves séculaires intimes du peuple russe dans
toutes les époques de son existence.
« Eh bien, ces aspirations sont près de se
réaliser (I)......
« Les intérêts vitaux de la Russie sont aussi bien
tompris par nos fidèles alliés que par nous-mêmes
et c'est pourquoi l'accord que nous avons conclu en
1015 avec la Grande-Bretagne et la France, et auquel
c adhéré l'Italie, établit d'une façon définitive le droit
de la Russie aux DétroîU et à Constantinople.
« Le peuple russe doit savoir pourquoi il répand
■on sang et, de concert avec nos alliés, la déclaration
de cet accord se fait ici aujourd'hui du haut de cette
FEUILLETON DE L* tGAZhTIU DUS A/iDm\WgS» Î9
LE SCUS-MAH1N « LE M
Par Pierre Maël.
C'était, en effet, sur ce rapide coureur que, le soir
même du jffur où lé ballon avait jeté au Préfet mari-
time de Lonent... sa menace de faire payer à Alice de
Jaumont toute l'infortune de sir Aylesford, la jeune
ftlle, désormais prisonnière de anistre* ennemis, avait
été embarquée a destination de l'Irlande, où une prison
jJus rigouieuse lui était innigéo.
€• n'est pas une nouveauté dans l'histoire de r An-
Ê«terre que cette guerre aux faibles, oette violation de
utes les lois de l'humanité.
Aucun peuple n'a jamais fait pareille cou sommation
•V tim de femmes et d'enfants.
Carthage, son ancêtre et son modèle, adorait le Ma-
ison devorateur et lui otirait des sacrifices de petites
victimes innocentes.
A vingt-quatre siècles de Carthage, l'Angleterre a
tuyauté les c camps de concentiatiou » du Transvaal où
SU* égorge les petits enfanta dans la proportion de
treize sur vingt, ou de soixante-cinq pour cent. Ce sont
su propres »tati=tiques qui l'affirment..
N'est-ce pas un peu la contim.utum des procédés de
faerre qui l'ont illustrée dans l'histoire du monde ?
•an Sans-Terre no tua-t-il pas, d- sa propre main, son
■eveu Arthur do llreta^e r Pticliard 1IÏ n'étoutfa-t-il
»od, dans la tour de Londres, ses neveux, les « Enfants
à'IMouard ■ P
Et les femmes ? — Sans parler de Jeanne d'Arc
•u'il» brûlèrent a Rouen, uprès un procès dont la Lonio
péaera sur l'Angleterre aussi longtemps que dureront
le uom de l'h^ioiiie et celui du houricau, quels autres
■ommes que les Anglais ont frappé plus impitoyable-
ment les têtes jeunes et belles, nobles et séduisantes, ds
lemmes célèbres par leurs grâces ou leurs vertua P
tribune ; je le répète, l'accord complet sur ce point
**t fermement établi entre les Alliés et il n'y a pas de
doute que la Russie, après avoir obtenu la possession
souveraine d'un passage libre dans la Méditerranée,
accordera la liberté de navigation nu pavillon roumain -
•jui flotte, non pour la première foie dans les com-
bats, à côté des drapeaux russes. »
Cet aveu, fait à cette heure, est particulièrement
éloquent. Quand M. iMiljoukuff dévoila le plan de
conquête russe, l'armée et la flotte alliées assiégeaient
les Dardanelles, " et l'espoir dé forcer le chemin de
Constantinople remplissait les cœurs des ennemis de '
la Turquie. Mais aujourd'hui le rêve est envolé. Les
vaillants défenseurs ottomans ont rejeté a la mer les ;
corps anglo-français lancés à l'assaut de leur capitale.
Et jamais encore les Russes ne furent plus éloignés de
Constantinople qu'à cette heure, où la Roumanie t
s'effondre et où la Dobroudja leur a échappé. N'était- I
ee pas par ce couloir que l'armée russe comptait at- |
teindre, à travers la Bulgarie écrasée, 1 antique
Byzance, devenue la hère Stamboul, pour clouer sur*
sa porte le bouclier d'Oleg?
Opposant aux paroles les simples faits, on ne
pourrit donc que sourire des dernières promesses
solennelles du premier ministre russe. Espérait-il faira
revivre une fois encore les vieilles illusions du pansla-
visme conquérant, que tant d'échecs subis ont dû
rappeler a la .réalité.
£spérail-il rendre au peuple russe, tant éprouvé
déjà, le courage de l'effort suprême ?
La Douma a-l-elle senti ce que le discours du chef 1
responsable du gouvernement avait de follement exa-
géré ? A-t-elle compris que la tentative de réalisation
2e ce vaste projet ne pourrait qu'imposer au peuple
russe de nouveaux sacrifices incalculables ? Toujours
•st-ïl que l'accueil que la Douma fit au nouveau prési- 1
dent du conseil fut peu engageant. L' « Humanité »
de Paris avoue que cette séance a la Douma « fut
passée complètement sous silence par les agences. »
Le « Times » eu a donné cependant un compte rendu
qui avoue qu' « il est impossible de nier que l'écra-
sante majorité de la Douma fit à A/. Trépoff un
accueil très froid. »
Les socialistes et les travaillistes se sont livrés
contre lui à une manifestation violente, en faisant
claquer leurs pupitres. Le président du conseil dut
même passagèrement quitter la tribune.
Quelles que soient les raisons.de cette opposition,
l'aveu de M. Trépoff ne pouvait passer inaperçu.
En Fiance, ceux qui voulurent entendre savent
à quoi s'en tenir maintenant. Plusieurs osèrent même
parler, les uns avec prudence et circonspection, les
autres avec une franchise qui fut bien vite bâillonnée.
Dans 1' « Humanité » du 5 décembre, M. Pierre
Renaudel, consacrant au discours de M. Trépoff tout
un article, s'exprima ainsi :
« ...II faut noter que c'est, pour la première fois,
Taffirmation publique — non pas des buts que pou-
vait se proposer la Russie et qui n'étaient pas incon-
nus — mais d'un accord conclu en 1915 entre Us puis-
sances alliées au sujet des Dardanelles et de Cons-
tantinople. L'existence de l'accord était connue, mais
il semblait qu'il laissai des points encore à définir, et
que ceux-ci seraient précisés enLre les Alliés au mo-
ment, maintenant assez reculé, où les armées de
TEntenle pourraient occuper Constantinople.
« Il ne faut pas se dissimuler que la déclaration
de M. Trépojf jettera quelque trouble et pourra avoir,
dans l'esprit d'un certain nombre d'éléments français
et anglais, 4e jûcheusvs répercussions. 11 ne suffirait
à rien de se le cacher .d'autant que le langage tenu
par le président du Conseil russe a été muet sur
d'autres points e\ est en contradiction avec celui qui
a été tenu en Angleterre comme eu France sur les
formes de la paix durable et organisée de demain...
* M. Trépoff, pour Bboutir a la paix durable, n'a
lait aucune allusion à quelque autre moyen que es
soit qu'A celle destruction de deux cents millions
d'habitants de la coalition ennemie, qui ne peut être
isolée de l'Allemagne.
« Des socialistes, quel que soit leur désir de ne
pas troubler l'union d'action des Alliés, ne peuvent
pas s'associer a de telles paroles. Ils ne peuvent pas
ne pas signaler qu'elles risquent d'aller à l'enconlre
du but qu'elles se proposaient. M. Trépoff ne parlait
pas seulement pour la Russie «t pour l'Allemagne ;
11 parlait pour le monde. Nous espérons que. d'ac-
cord a\ec les autres gouvernements alliés, il sppor-
tera prochainement des explicalions dont la fermeté
n'exclura pas la prudence. »
A la Chambre française, au cours du débat public
sur l'ordre du jour qui termina le comité secret, le
député Mistral a cru devoir souligner également
T « imprudence » du discours de M. Trépoff. Il î'est
•xprimé ainsi :
a La guerre actuelle eàt une guerre d'immobilité.
Dans ces conditions, nous devons redoubler d'efforts
pour donner aux combattants tout le réconfort dont
ils ont besoin. Donnons aussi au pays toutes les
forces morales nécessaires. ■ Affirmons que notre
idéal est toujours le même qu'au début de la guerre.
Nous avons dit que nous subissions Cette guerre,
que nous lultions pour le « droit, la liberté et la civi-
lisation ». Affirmons que nous n'avons pas changé
nos buts de guerre. Or, des discours imprudents ont
été prononces, notamment par le président du conseil
de lîussie... »
M. Mistral ne put en dire davantage. Des protes-
tations sur les bancs nationalistes, auxquelles répon-
dirent les applaudissements de l'extrême gauche, lui
coupèrent la parole. Mais on sait ce qu il a voulu
dire. On se rappelle encore qu'à la séance du 21 no-
vembre un autre député, M. Brizon, expliquant pour-
quoi il voterait contre le recensement de la classe de
1918, . avait osé parler, des responsabilisés russes,
disant :
ii Dans ces conditions, je déclare voler non seule-
ment contre l'appel, mais contre le recensement de la
classe 18.....C'est à ceux qui ont des 170 et des
180 millions d'hommes dans leur pa\s et qui sont res-
ponsables de la guerre. . . (protestations ; bruit pro-
longé.) . . . autant que les Empires d'Allemagne et
d'Aulriche. . . »
Pas plus que M. Mistral, M. Brizon n'a pu termi-
ner sa phrase. Mais il a achevé sa pensée en disant à
la fin de son discours :
« Je répète que M. le président du Conseil n'a pas
le droit de demander la classe 1918, parce que celle
classe servira à atteindre les buts de guerre non pas
de la France, dont l'indépendance nationale est mili-
tairement assurée, ....mais aux buts de guerre de
la Russie pour conquérir Constantinople.,.. »
Aujourd'hui un simple coup d'œil *ur la carte de
guerre permet de juger combien de temps il
faudra que le sang de l'Europe coule encore
pour permettre à la Ku^ie de M. 'ÎVépoff d'atteindre
militairement son but de guerre proclamé. Les Neu-,
très, eux ne s'y sont pas trompés. Le grand journaj
hollandais « Nieuwe Courant » écrit ;
Dans les circonstances actuelles, il nous semble
bien que l'existence de cet accord entre Alliés, qui
promet Conslaniinople à la Russie et dont la réali-
sation serait l'une des conditions de paix de l'Entente,
ne peut que prolonger la guerre.
BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS
Orand Quartier [énèrsl, 16 décembre 1918.
• Théâtre de la guerre à l'Ouest.
ÀrwUê du 'feldmaréchal duc Albrecht de Wurtemberg*
Dana l'arc d'Ypree «t de Wytscbaete la lutta d'artilleris
atteignit par moments une grande puissance. Nos groupe*
4'alUqu« pénétrèrent, su Sud-Lit de ZiUeLKxke, dans la
4*uxième Ugnt anglais», dont les occupants avaient pris la
Mte.
Groupe d'arméei du Kronprim allemand.
La i& décembre, l«s Français réussirent, lur le front
Mord-Est de Verdun, à nous refouler de notre première posi-
tion dans une deuxième ligne préparée, ssvoir : erfitc da
TsJou — hauteurs au Nord ds Louvemcnl — ferme Chara-
bretteâ — Sud de Bezonyaux.
Théâtre d» la guerre à l'Est.
Front du feldvxaréchal Prince Léopold de Bavière.
A l'Ouest de Luck, des troupes austro-hongroises pené-
irtrent, après un coup da raina réuni, dans les tranchéca
«inemiea endommagées, et s'en retournèrent, apr^s les avoir
*<truiles davantage, en ramenant un certain nombre de pri-
sonniers et quelque butin.
Front du colonel'général archiduc Joseph.
Au Sud de la vallée de Luck une double attaque russe
tmt arrêtée par feu d'artillerie.
Groupe^ d'armées du feldmaréchal von Mackensen.
Dans des combats sans répit, l'exile gauche de la
■rmée s atteint ia route de Busau-Himicul-Sarat. A l'Est de
Buzau, le secteur du Ucuve du même nom ut enle\é ; 1 m te
érojta a forcé le passage de la depiession du ColmatuiuJ;
■ou; avons encore fait a.ooo prisonniers.
L'armée du Danubo'progresse irrésistiblement *crs le Nord
Kat. fcu Dobroudja, le llusse a abandonné ses positions,
■ltuées le plus su Sud. Des troupes bulgares, turques et alle-
atisnde* ont franchi, dans une rapide poursuite, la ligne de
Cogealac-Cartal-Uarsova.
Front de Macédoine.
Pas d'événement particulier.
BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS
Paris, 11 d'ici.!;, l&lfl, iuir,
Au eours de la journée, luttes d artillerie violentes dans <ta
lefion de la Vil!o-du-Boie (Nord-Ouest do Reims) et dans te aec-
•sur ds Douaumont. Un coup de oain eiéculo par mjus aur le*
»rsnchéô« adverses au bols Le Prélre (Ouest de Ponl-a-J^O |
a donne de boas résultats. Rica a aignoler sur le reste du Iront!
Ptxla, 12 décembre IU1C, 2 heures.
Dans la région au Nord de Lassjfa-ny, hier eu fin de journée,
épris un vu* bombardement, les Allemands ont atlaqué nos Lrall-
ai**» i la baièis est du Bois-des-Loget. Nos tirs de barrage ont
Aeloque l'sttaque. Quelques fractions ennemies qui ayamil pna
sied daas nos éléments avancés en ont éle chassées a^rés un
eembst a la grenade. Notre ligne est entièrement nilablic Canua-
kade habilueiie sur la reale du front.
BULLETINS OFFICIELS ANGLAIS
{front occidental.)
Londres, II décembre 1916, 10 h. 20 soir.
Des eoups de main heureusement exécutés la nuit dernier*] à
Fiat m Ne u ville-Saint-Y s ast et au Sud-Est d Armentiércs nous
eu permis de détruire des emplacement* ds ouïratlleuses et de
smmenar ita e*rtaui nombre de priaouiiiera. L'ennemi a tente sans
succ*s tu raid t l'Est de la Coulellene. Des groupes de tra-
Henry VIII, à lui sou!, a décapité deux époiises et
répudié deux autres. Sa fille Marie a livré au bour-
reau ea rivale Jane Grey; sa fillo Elisabeth a retenu
«eim ans captive, pour la jeter ensuite^Bons la_ hacho,
la romanesque et innocente Alarie Situait. Et noua ne
tenons point le compte de» autres victimes moins illus-
tres.
Nul eentimciit de chevalerie ne pouvait donc pré-
Taloir duns l'âme haineuse de Oeil SVouUman contre
l'intérêt ou, du moins, co qu'il estimait 1 intérêt du sa
patrie. Par Alice, il avait cru teuir Philippe de Jeu-
mont. Le jour où il e'etait aperçu que le frère et la
sœur, élevant loura ameg à la hautfiir des plus ru-
blimes renoncements, consentaient lueine au lacri&M
d une jeune existence promise à la gloire: «t au bon-
heur, l'Anglais avait, eu grinçant des deuti, juré' que
aa victime serait, du moins, iflimolee aux vengeances
de r Angleterre vaincue. Et, peut-être Alice eût^ells
■uccombe sous cette lâche compensation des défaites
de la UranJe-Bretagne, si le eoit n'eût mis Ayle^ford
aux mains de Philippe de Jeumont.
Or, ta vie d'Aylesford repondait de oellf d'Alice, «t
"Woodman y tenait plus qu'à la sienne propre.
Sir tiborges Aylesford, en otiet, était l'alter ego du
grand savant anglais, en mémo temps que son collabo-
rateur assidu et eon frère dans la haine qu'il a\ait
vouée à la l'rance. Il y avait même en Angleterre des
5ens qui aasiiiaieat que le baronnet fait prmftnnier par
eurnont était le véritable inventeur du ballon diri-
geable at quo son absence ailolait Woodman, lequel,
à œ moment même, a'apprêtait à lancer duns les airs
toute une escrdrille d'neroetate militaires destinés 4
incendier plusieurs des grandes villes françaises et dei
arsenaux de la côte. L'iueconcilinble ennemi ne s'etart-
il pas vanté de venir planer au-dessus de P;iris et d'y
faire pleuvoir des centaines de bombes explosibles ?
conçoit quo de tels- nrwtifs inspirassent a l'ingé-
nieur anglais une colèro eullir-aute pour le porter aux
violences contre sa captive.
Une autre inimitié, d'ailleurs, etimulait la sienne,
eelle du misérable traître qui, troquant son nom exécré
de Tyirel contre celui de AlicbtL'an, venait de pousser
#l'aud3ce jusqu'à débarquer eur la côte de liieUgne et
pénétrer dan» le» propres rangs de l'armée française.
Et lui, Jacob Tyrrel, n'avait pas les mêmes raisons
que Woodman de diliérer l'accomplissement de ses
odieux desseins. Il avait voué k Philippe un ressenti-
ment que les plus atroces vengeances pouvaient eeulei
apaiser.
Tel» étaient les deux hommes, ou plutôt les deux
monstres aux mains desquels Alice était tombée.
Cependant, la crainte de terribles représailles, ou
plutôt la nécessité de sauver la vie d'Aylesford, avait
retenu le biaa de Woodman.
Inquiet, malgré tout, de» suites de l'aventure,
épouvante des coups terrible» portes par le ■ Ven-
geur », il avait iuge prudent de mettre la jeune tille,
ton otage, à l'abri d un coup de main de libérateurs
dévoués. C'était dans ce dessein qu'après l'avoir uu
instant mise en garde sur 1« i Sirdar Kitchener s, il
était venu l'y reprendre pour l'emporter, doux jourt
durant, dans les airs.
Mais il s'était aperçu que la prisonnière devenait
littéralement un fardeau encombrant pour lui.
t Eardeau • était le mot, pursoue le ballon ne
▼ait porter que six passagers et qu Alrce tenait la
de l'un d eux.
Aussi avait-il décidé de l'interner au plus tôt «d
Irlande et avurt-il inaudé-i»>« e^ir * Quli depuis le
commencement de la guerre, auconipagimit l'aérostat
vers tuus les rivages où celui-cr devait atterrir. Les
relations se maintenaient constantes entre eux.
Mais, avant d'embarquer la jeune fille sur le repid*
bateau, Woodman avait décidé d'adresser un ultima-
tum aux commandant! français.
Depuis la capture d'Aylesford, il avait jugé impru-
dent d'éparpiller ses couipagnuaa. Pateraon et ilichi-
gnu, qui, d'ailleurs, no s'étaient pas encore séparés de
sir Georges au moment de l'aventure do Ouidel, avaient
remis k plus taid leur descente à terre.
Ce fut le traître qui fut chargé par Woodmau de
signifier ses volnutes à la prisonnière.
« Mademoiselle, — lui dit-il avec une politesse in-
solente, — sir Cecil Wooiliruin a osé compter sur tous
pour vous faire ton intcrnu-diaire auprès de vos com-
patriotes. Poovoii8-7ious e.-qjfier que vous nous occor-
derea ce témoignage de bienveillance ?
— (Jue désirez-vous leur faire savoir par uiun in-
e pou-
plaoe
♦armédiaire f — questionna tranquillement la tétine
âlbs.
— Simplement oeci i Que votre eecurité parmi
bous dépend du sort qu'ils réservent à notre ami Ayles-
iord, leur prisonnier.
— E»t-oe tout t — demanda encore Alice, sans sa
départir de son calme,
— C'eet tout, pour le moment », — répondit le
transfuge avec la mémo impudeur d'une courtoisie vi-
siblement ironique.
Aiioe n'avait gardé que de rapides impressions de
la terrible nuit où elle avait vu tomber sous le fer des
assassins le vieux Pol Le Louarn et la tidele Anne, sa
Sardienne et sa nourrice. Mais ces irnpreasron» étaient
t celle* que rien ne peut eûacer.
Si, au milreu d'une demi-obscurité, elle n'avait pu
distinguer les traita de Jacob Tyrrel assez pour le re-
•onnaitre plus tard rasé et semblable à un cabotin, si
Us émotions de la lutte, la soudaineté de la violence)
enu lui était faite, lui avaient ôté la faculté de réflé-
anir et de coordonner ses pensées, une sensation du
moins, nette et d'une enrayante précision, s'était per-
pétuée en elle. Elle avait gardé dans son oreille ■ la
Voix s du criminel.
Or, oette voix, elle venait do la reconnaître dans
l'organe onctueux et grasseyant du faux llieuigaa,
Klie le regarda bien en face.
« Avant de vous répondre, — dit-elle, — ]■ den
■lande k vous poser une question moi-même.
— Quelle question voulez-vou» me poser t — fit I*
misérable aveo un ricanement. — .Faut-il vous répétée
Mes paroles ?
— Nullement. Si j'accepte, vous me les dicteresv
Toioi oe qu» j'ai à vous demander i pourquoi vous, qui
me pararssez aussi au courant que moi-même des deli«
mttsse» de la langue française, ne vous charges-vou*
p&j de rédiger le message- A nos compatriotes ? *
Et, comme le scélérat, interloqué et mal à son ais«|
demeurait muet, Alice, d'une voix éclatante, loi jet*
Mtte flétrissure a U face :
t Parce que vous craignez, sans doute, qu'on n*J]
reconnaisse la main d'un traître, n'est-oe pas, moa*
sieur Jaoab Tyrrei f a
(A suiure.J