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LE FIFRE

NOTES SUR L'ART

Un homme qui ne va pas s'em-
bêter en rentrant dans son pays,
c'est Monseigneur le duc d'Aumale.
Puisque tous les journaux annoncent qu'à
son arrivée à Paris, il ne doit faire qu'un
saut de la gare au palais Mazarin, il lui
sera loisible d'assister à l'élection du
remplaçant de feu Cabanel à l'Institut. Là
son Altesse, pourra se convaincre une fois
de plus que, malgré les Révolutions, la
Guerre et son exil, c'est et ce seront
toujours de persistants médiocres qui
seront élus dans cette boîte-là. Ingres et
Delacroix en ont été, mais bien par hasard.
— Ça devait tenir à ce qu'ils habitaient le
quartier.

Trois candidats sont sur les rangs :
MM. Henner, Détaille et Lefèvre. Eh
bien ! nous parions tout ce qu'on voudra
que c'est vers M. Lefèvre qu'iront tous
les suffrages. Pourquoi? — parce qu'il n'a
jamais rien fait pour être un artiste.
M. Lefèvre est, avant tout, un professeur.
Un peintre qui peut, deux fois par se-
maine, aller montrer impartialement à
une cinquantaine de jeunes gens comment
ça se fait, peut et doit être assimilé à ceux
qui enseignent le billard dans les cafés.—
Comment, l'art de Watteau, de Delacroix,
d'Ingres, de Corot, de Millet, de Courbet
et de Manet pourrait être démontré à
ces jeunes hommes qui entourent une
table sur laquelle pose un modèle éclairé
et vu de la même façon d'un bout de
l'année à l'autre ! — C'est de la démence.
Ils appellent ça « apprendre leur métier».
C'est « un métier », qu'on devrait dire.

Non, jeunes élèves, jamais vous ne sau-
rez rien à cette gamelle commune . On
n'apprend que chez soi, tout seul et au
Louvre, dès qu'on commence à voir.
M. Lefèvre estenpeinture ce que M.Geor-
ges Ohnet est en littérature; l'un et l'autre
travaillent assidûment pour les classes
aisées. Tenez, nous défions qu'on nous
prouvequ'il y ait quelque part un homme
pauvre épris d'art, mettant tous les mois
un peu d'argent de côté afin d'acquérir un
jour un de ses tableaux.

Nous avons sous les yeux la photogra-
phie d'une de ses toiles, le plus haut cotée.
Ça représente une Diane entourée de ses
nymphes. La déesse est en buis et les
nymphes en fer-blanc, comme l'eau, le
ciel et les rochers. C'est propre et bête
comme les 35e" leçons de calligraphies

qu'on voit exposées dans les rues. Ces
nymphes sont des nymphes à tout faire;
elles étaient, il y a dix ans, au Champ de
Mars, dans VEntrée de Charles-Quint à
Anvers ; ce sont elles qui tiennent le che-
val de l'empereur par les rênes. Nous ne
savons plus de qui Mackart les tenait
avant de les repasser à M. Lefèvre, mais
nous n'en sommes nullement inquiet; il
nous suffit de savoir qu'elles ne sont pas
perdues et que nous les retrouverons dans
un panneau décoratif au prochain Salon.

Que MM. Henner et Détaille retour-
nent à leurs chères études; l'un est trop
artiste et l'autre a trop de talent pour pon-
tifier sous la coupole. Les fruits qu'ils
donnent ne sont pas encore assez secs.

Qu'on ne s'y trompe pas, l'élection de
M. Lefèvre sera avant tout le triomphe de
Y Académie Julian. M. Julian, peintre
moins que médiocre, eut, il y a vingt ans,
une idée de génie : à l'aide de quelques
tabourets, de chevalets en bois blanc et de
M. Lefèvre, il rendit la peinture accessible
à tous, et depuis vingt ans tous les élèves
sont dirigés sur le Salon par tas de cin-
quante et soixante. Il y eut des années où
la fournée était plus considérable encore.
Une fois là, les élèves reconnaissants ont
toujours voté pour le professeur et, au-
jourd'hui, sur la liste des membres du
jury, on peut lire :

M. Lefèvre ou Bouguereau, 1.725 voix;

M. Puvis de Chavannes, 42 voix.

Et c'est d'un poids considérable pour la
distribution des médailles, but unique et
moyen suprême des 9/10 des exposants.

Si j'avais un fils et que je désirasse pour
lui une protection viagère, je lui dirais :
« Entre à l'atelier Julian, et ne t'inquiète
de rien ; puisque le bourgeois n'achète que
de la peinture primée, sois sage et fais la
queue; à ton tour tu passeras devant le
guichet, et quand tu verras des artistes
inquiets, découragés, cherchant en eux
leur personnalité et croyant que c'est tou-
jours demain qu'ils feront une belle œuvre,
tu pourras sourire et bénir ma mémoire.
Toi, tu feras tout ce qu'il te plaira; avec ton
pinceau tu pourras suivre les moindres
fluctuations de la mode, tu pourras être
tour à tour et compréhensiblement
Louis XIII et Louis XV; travaille ton
Directoire, et de temps en temps peins-moi
en pleine pâte, — si c'est encore la mode,
un bel épisode de la Terreur. Ne néglige
pas pour la vente les parties laxvn-
tennys... avec une bonne Chambre claire
on arrive à tout. Tu peux sans inquiétude
tout entreprendre, car tu sais ton métier,
et tu seras soutenu et encouragé par tes

maîtres, que tu pousses aux honneurs,
parce que tu as la démonstration tangible
et patente de l'infaillibilité du procédé.

Et c'est à ces gens-là que vous avez
livré Chantilly, monseigneur ! Ce palais
avec toutes ses merveilles, pour en faire
les Invalides et la récompense de tous ces
tièdes, les Petits-Ménages do. tous ces gens
qui sont entrés dans l'Art et dans les Lettres
comme dans une administration où l'a-
vancement est lent, mais certain !

Vos descendants l'eussent enrichi d'in-
discutables belles œuvres. Avec vous, le
château sera mort. Ça ne sera plus qu'un
lointain musée.

Il est tiré chaque semaine dix exemplaires sur
japon numérotés, teintés et signés par l'auteur.
— Prix du numéro : 20 francs.

NOTRE MOISSON

A Th. Féret.
Nous ensemençons de nos rêves
Les champs très vastes de l'azur —
En bas, le vieux sol n'est pas sûr;
Et c'est là-haut que sont les grèves

Où love la fleur vigoureuse

Que sème à son premier printemps,

Insoucieuse des autans,

Notre àme jeune, aventureuse.

Puis nous comptons, béats voyants,
Les beaux fruits verts tant alléchants
Que fait la fleur. — Pendant l'extase

L'automne vient, — le printemps court,
Passe vite ! et le fruit trop lourd
Crève l'azur et nous écrase.

Champigneull.es.

BiBLiOG^HPljie:

Le Député Ronquerolle, roman contemporain
par Hippolyte Buffenoir, 1 beau volume. Prix :
3 i'r. Chez Alph. Lemerre, Paris.
Dans ce livre bien moderne, Hippolyte Buffe-
noir raconte l'histoire de deux êtres, jeunes et
beaux, nés dans des milieux diamétralement
opposés, séparés par toutes les conventions
sociales, mais s'attirant invinciblement par un
besoin supérieur de véritable amour, et finissant
par s'éteindre dans la frénésie d'une passion su -
blime.

Le romancier, qui est de l'école de Stendhal, a
pris le théâtre de nos luttes politiques pour y
placer ces amants superbes, une jeune marquise
et un jeune républicain, qui nous éblouissent
comme une vision; de là encore l'intérêt palpi-
tant du Député Ronquerolle. Le drame se dresse
à côté de l'idylle, et nous voyons la joie des uns
naitre du malheur des autres.

Ce beau roman annonce qu'Hippolyte Buffe-
noir est non seulement un poète, mais un ana-
lyste profond et un prosateur de race. Le Député
Ronquerolle sera un»des livres à sensation de
la saison, non seulement dans le monde parle-
mentaire, mais dans les salons, et aussi parmi la
jeunesse dont il résume les aspirations et les en-
thousiasmes.
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