MOYEN AGE. — XIIIe , XIVe ET XVe SIECLES. — HABITATIONS SEIGNEURIALES.
Homme du pays sans doute et dès lors versé dans les ressources qu'offrait un élément connu, il
comprit le rôle qu'on pouvait lui faire jouer dans une telle œuvre, et bientôt il eut pris ses réso-
lutions, c'est-à-dire conçu son plan et tracé les dépendances. Intimement pénétré des intentions
du duc, mais plus encore des idées de son époque, il créa donc l'édifice tel que nous le voyons, et
l'on remarque qu'il y fit un large emploi de la terre cuite dont il n'ignorait aucune des pro-
priétés; car, à l'exception des portes, des fûts de colonnes et des consolas de mâchicoulis,
tout, à l'extérieur, fut construit en briques. La part donnée au marbre fut beaucoup plus con-
sidérable à l'intérieur.
Le plan y est traité d'une manière large, et sa composition offre quelque similitude, mais en
petit, avec celle de notre château-palais, à Vincennes. Comme dans ce dernier, une construction,
vraisemblablement fortifiée et constituant le donjon, c'est-à-dire la demeure ou la résidence du
maître, fut établie sur l'un des côtés ou à la partie postérieure ; la grande cour fut bordée d'ar-
cades formant de vastes galeries qui donnent accès dans les pièces (4) distribuées sur chaque face
de l'enceinte. Les murs sont percés de fenêtres ouvertes à distances égales, et des ponts-levis
s'abattent sur des piles, construites dans les fossés, afin d'établir des communications avec
l'extérieur. Quatre tours carrées, d'une forme pyramidale, furent encore bâties aux angles, et les
faces du château surmontées de mâchicoulis ; des merlons à ouvertures, pour les gens de trait
et les défenseurs, couronnent l'édifice. On fit même des merlons de deux espèces; car, aux
tours d'angle comme dans la cour, ceux-ci sont en construction pleine. La figure 2 de notre
première planche de détails représente une coupe de la partie supérieure de l'un des murs ;
on y peut très-aisément voir la disposition des courtines ainsi que la forme des archères et celle
des mâchicoulis. — Il nous paraît inutile de décrire séparément tous les moulages en terre
cuite qui ornent et décorent les diverses parties de la cour. Un coup d'ceil jeté sur notre
ensemble et les planches de détails en apprendra beaucoup plus qu'une longue description.
Après avoir tracé une étude de ce monument, bâti, au XiVr siècle, dans un but de résidence
seigneuriale, c'est-à-dire réunissant, selon les idées de l'époque, tout ce qui constitue à la fois
et les besoins de la vie civile et les exigences ou les précautions commandées dans des vues
de défense ou militaires, après avoir esquissé cette étude et comparé les constructions de ce
genre, on acquiert la preuve que celle-ci doit être regardée comme l'une des plus impor-
tantes et des plus caractéristiques, je veux dire comme l'une de celles qui traduisent le
mieux les idées sous l'influence desquelles on construisait alors ces sortes de demeures. Il y a
là, pour qui aime à faire des études d'histoire et d'archéologie, tout un long chapitre d'ensei-
gnements et une foule de documents précieux à recueillir. Ainsi, et pour ne parler que des
traits principaux, nous dirons que son aspect offre un intéressant tableau de l'état de la haute
société à cette époque. Il peint bien cet instant où le seigneur, quoique encore ombrageux et
craintif, cède cependant malgré lui au mouvement général, et se laisse aller jusqu'à entrer en
communication avec le dehors. La pensée militaire se traduit toujours dans le système général
de défense; la tour y exprime encore l'esprit féodal, et dans l'ouverture des murailles apparaît
la marche de la civilisation; en un mot, tout démontre que le maître, plus rassuré parce qu'il
a moins à craindre, ose enfin trouer ses murs pour y laisser pénétrer la lumière, et, avec elle,
un commencement de participation à la vie commune des peuples. C'est, selon nous, un des
plus curieux moments de l'histoire du moyen âge révélé par les œuvres de l'architecture.
('1) On ignore où était la bibliothèque dont Pétrarque fut, dit-on, l'un des conservateurs.
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Homme du pays sans doute et dès lors versé dans les ressources qu'offrait un élément connu, il
comprit le rôle qu'on pouvait lui faire jouer dans une telle œuvre, et bientôt il eut pris ses réso-
lutions, c'est-à-dire conçu son plan et tracé les dépendances. Intimement pénétré des intentions
du duc, mais plus encore des idées de son époque, il créa donc l'édifice tel que nous le voyons, et
l'on remarque qu'il y fit un large emploi de la terre cuite dont il n'ignorait aucune des pro-
priétés; car, à l'exception des portes, des fûts de colonnes et des consolas de mâchicoulis,
tout, à l'extérieur, fut construit en briques. La part donnée au marbre fut beaucoup plus con-
sidérable à l'intérieur.
Le plan y est traité d'une manière large, et sa composition offre quelque similitude, mais en
petit, avec celle de notre château-palais, à Vincennes. Comme dans ce dernier, une construction,
vraisemblablement fortifiée et constituant le donjon, c'est-à-dire la demeure ou la résidence du
maître, fut établie sur l'un des côtés ou à la partie postérieure ; la grande cour fut bordée d'ar-
cades formant de vastes galeries qui donnent accès dans les pièces (4) distribuées sur chaque face
de l'enceinte. Les murs sont percés de fenêtres ouvertes à distances égales, et des ponts-levis
s'abattent sur des piles, construites dans les fossés, afin d'établir des communications avec
l'extérieur. Quatre tours carrées, d'une forme pyramidale, furent encore bâties aux angles, et les
faces du château surmontées de mâchicoulis ; des merlons à ouvertures, pour les gens de trait
et les défenseurs, couronnent l'édifice. On fit même des merlons de deux espèces; car, aux
tours d'angle comme dans la cour, ceux-ci sont en construction pleine. La figure 2 de notre
première planche de détails représente une coupe de la partie supérieure de l'un des murs ;
on y peut très-aisément voir la disposition des courtines ainsi que la forme des archères et celle
des mâchicoulis. — Il nous paraît inutile de décrire séparément tous les moulages en terre
cuite qui ornent et décorent les diverses parties de la cour. Un coup d'ceil jeté sur notre
ensemble et les planches de détails en apprendra beaucoup plus qu'une longue description.
Après avoir tracé une étude de ce monument, bâti, au XiVr siècle, dans un but de résidence
seigneuriale, c'est-à-dire réunissant, selon les idées de l'époque, tout ce qui constitue à la fois
et les besoins de la vie civile et les exigences ou les précautions commandées dans des vues
de défense ou militaires, après avoir esquissé cette étude et comparé les constructions de ce
genre, on acquiert la preuve que celle-ci doit être regardée comme l'une des plus impor-
tantes et des plus caractéristiques, je veux dire comme l'une de celles qui traduisent le
mieux les idées sous l'influence desquelles on construisait alors ces sortes de demeures. Il y a
là, pour qui aime à faire des études d'histoire et d'archéologie, tout un long chapitre d'ensei-
gnements et une foule de documents précieux à recueillir. Ainsi, et pour ne parler que des
traits principaux, nous dirons que son aspect offre un intéressant tableau de l'état de la haute
société à cette époque. Il peint bien cet instant où le seigneur, quoique encore ombrageux et
craintif, cède cependant malgré lui au mouvement général, et se laisse aller jusqu'à entrer en
communication avec le dehors. La pensée militaire se traduit toujours dans le système général
de défense; la tour y exprime encore l'esprit féodal, et dans l'ouverture des murailles apparaît
la marche de la civilisation; en un mot, tout démontre que le maître, plus rassuré parce qu'il
a moins à craindre, ose enfin trouer ses murs pour y laisser pénétrer la lumière, et, avec elle,
un commencement de participation à la vie commune des peuples. C'est, selon nous, un des
plus curieux moments de l'histoire du moyen âge révélé par les œuvres de l'architecture.
('1) On ignore où était la bibliothèque dont Pétrarque fut, dit-on, l'un des conservateurs.
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