Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (1.1859)

L'ATE LIE R D'OVERBEGK

Un des heureux souvenirs de notre voyage à
Rome est celui delà visite que nous fîmes à l'ate-
lier d'Overbeck, un des chefs de cette réforme qui
rendit la vie à l'École allemande en la retrem-
pant aux sources de l'idéal religieux. Fixé depuis
plus de trente ans à Rome, Frédéric Overbeck
habite le palais Cenci, sur la place du même
nom, nom tragique mêlé à une des plus san-
glantes légendes de l'histoire italienne. Il ouvre
sa porte au public tous les dimanches, mais le
public n'est pas admis dans l'atelier proprement
dit du peintre. On livre seulement à sa curiosité
deux petites pièces où sont exposés sur des che-
valets quelques tableaux ou dessins. Le maître
lui-même se tient là, daus un coin. On le salue
en passant, sans qu'il soit nécessaire d'entrer
en conversation avec lui. Il semble même ne pas
le désirer. Il aime mieux s'effacer derrière ses
œuvres, et grâce à cet incognito, il ne perd rien,
—.ôtouttsc- ni de l'enthousiasme, ni des critiques qu'elles
provoquent. Yêtu d'une longue robe de chambre de couleur grenat, dou-
blée de fourrure, coiffé d'une sorte de calotte qui rappelle le bonnet du
roi Saint-Louis, il circule sans bruit, un petit foyer à la main. Mais dans cet
hôte silencieux du logis, seul étranger aux impressions qui se produisent
autour de lui, il est impossible de ne pas reconnaître l'auteur même de ces
œuvres admirées, l'apôtre austère du nouvel art allemand, le pieux légen-
daire du catholicisme au xixe siècle. Overbeck serait un vieillard, si de
longs cheveux bruns n'indiquaient, dans un corps amaigri et presque
exténué, une vie encore active. Son visage n'a plus de teint, niais des

CAPTIVITES