Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (1.1859)

LE SCULPTEUR HUBAC

Le musée du Louvre, qui s'enrichit tous les jours, a reçu en don
récemment un bas-relief en marbre dont nous sommes heureux de pou-
voir offrir dès à présent un dessin à nos lecteurs, en attendant qu'il soit
exposé dans la salle des sculptures modernes avec les œuvres qui appar-
tiennent à la première moitié de ce siècle ; hélas ! avec celles aussi de
quelques hommes que nous avons connus en pleine possession de la
vie et du talent. David, Rude, Pradier ont aujourd'hui leur place parmi
les morts dans les musées.

Ce bas-relief, qui représente Hébé versant le nectar à l'aigle de
Jupiter, est, bien qu'inachevé, un ouvrage très-remarquable. Il réunit en
effet des qualités qui semblent indispensables à la beauté d'une œuvre
plastique et qui cependant s'excluent quelquefois, le sentiment pur et
délicat, l'expression énergique de la forme. Certes, il possédait à un haut
degré l'une et l'autre, l'artiste qui a taillé dans le marbre cette figure de
jeune fille souple, fine, élégante, cet aigle aux ailes puissantes, aux
serres vigoureuses. Notre gravure suffit à faire juger du goût de la compo-
sition, de la grâce et de la noblesse du dessin : ainsi réduit, ce médaillon
a l'aspect d'un camée antique; mais ce qui fait du camée un morceau de
grande statuaire, c'est la largeur et, dans les parties terminées, le fini de
l'exécution, l'accent imprimé au marbre par le ciseau d'un véritable scul-
pteur, la vie qu'il y a fait circuler; tout cela ne peut être bien apprécié
qu'en présence du marbre même. Nous engageons nos lecteurs à l'aller
voir, afin qu'ils ne taxent pas d'exagération les éloges que nous donnons
à un artiste trop peu connu.

L'auteur de ce bas-relief, le sculpteur Louis Hubac, s'est dérobé
toute sa vie à la réputation qu'il méritait. Aussi ne s'est-elle guère éten-
due jusqu'à présent hors des murs de Toulon, sa ville natale, et n'a-t-elle
jamais été vraiment grande que dans les ateliers de sculpture de la marine,