180
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
comme une des productions les plus faibles de M. Menzel. Sans m'arrêter à critiquer les
détails de l'exécution, essentielle pourtant dans un sujet qui appartient plutôt au genre
qu'à l'histoire, et où tout doit être traité avec.beaucoup de finesse et de soin, je repro-
cherai seulement à l'artiste d'avoir trop sacrifié le véritable intérêt de cette scène à
des détails inutiles. Les deux figures principales ne sont pas d'ailleurs sans défauts.
Celle de Frédéric sourit d'une manière désagréable; de celle de Joseph II il n'y a rien
à dire, elle est insignifiante; mais son mouvement est exagéré : le jeune empereur se
précipite avec tant de furie au-devant du roi, qu'il semble impossible qu'il s'arrête
au point précis où le peintre a jugé à propos de faire embrasser les deux souverains.
Parmi les œuvres qui figurent actuellement à l'exposition, il y en a de dignes d'é-
loges après tout. Je mentionnerai rapidement les Vues de monuments, de M. Neher, une
Nuit du Midi de M. Stange, un petit Paysage d'Italie de M. A. Zimmermann, peintre
distingué, naguère professeur à l'Académie des Beaux-Arts de Milan, et qui vient
d'être appelé par l'empereur d'Autriche à celle devienne; plusieurs sujets enfin de
la dernière guerre d'Italie, dont le plus remarquable, de la main de M. Schulze, ap-
partient au roi Louis, de Bavière.
C'est une peinture d'une line exécution et d'un sentiment profond, une scènetou-
c'.iante, comme se plaisait à en peindre un de vos bons artistes, le regrettable Ary
Scheffer, particulièrement au commencement de sa carrière. On voit dans une église la
veuve et le jeune enfant d'un officier tué à la dernière bataille : un long deuil après un
bonheur bien court. Quelle douleur est enfermée dans ce petit cadre! Ceux qui savent
que ce drame lamentable est malheureusement une histoire trop réelle ne peuvent se
défendre, en en voyant l'image, d'une vive émotion.
Je devrais, à présent, quitter la Société des beaux-arts pour visiter les ateliers de
quelques-uns de nos artistes, et sans doute j'aurais à vous signaler un assez grand
nombre d'ou\rages plus intéressants que la plupart de ceux qui sont en ce moment
exposés. J'entreprendrai quelque jour ce voyage d'exploration et j'en écrirai le compte
rendu pour les lecteurs de la Gazette des Beaux-Arts. Aujourd'hui, je ne veux vous
parler que de la dernière œuvre de M. Henri de Hess, l'auteur de ces belles fresques
des églises de Munich qui sont des modèles du style religieux. L'illustre maître, tou-
jours actif, malgré l'âge et les souffrances, vient d'achever le carton d'une Cène que
lui a commandée le roi Louis. Ce dessin m'a laissé une impression profonde. Il est
d'une grande simplicité; les lignes sont nobles et gracieuses, le sentiment austère et
l'exécution d'une délicatesse charmante.
Deux sculpteurs, MM. Steiner et Niederkofer, d'Innspruck ont reproduit dans le
bois, avec beaucoup de talent, des compositions empruntées à Albert Diirer. L'art de
la sculpture en bois est cultivé avec succès, comme vous savez, dans la Bavière et
le Tyrol. C'est un art populaire dans ce pays. On rencontre, quand on s'avance dans
les montagnes, des villages dont tous les habitants sont occupés à tailler et à ciseler le
bois, quelques-uns avec une adresse merveilleuse. Les encouragements ne manquent
pas à ceux qui promettent de devenir des artistes. Le roi Louis a fondé à Berchtesgade
une école de dessin, ouverte à tous les jeunes gens qui veulent acquérir l'instruction
qui leur manque. Partout où l'art est intéressé, partout où il y a un germe précieux
à recueillir, à mettre en bonne terre, à faire fructifier, on est assuré de voir s'étendre
la protection toujours active du vieux roi. Combien de pays, peut-être plus favorisés
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
comme une des productions les plus faibles de M. Menzel. Sans m'arrêter à critiquer les
détails de l'exécution, essentielle pourtant dans un sujet qui appartient plutôt au genre
qu'à l'histoire, et où tout doit être traité avec.beaucoup de finesse et de soin, je repro-
cherai seulement à l'artiste d'avoir trop sacrifié le véritable intérêt de cette scène à
des détails inutiles. Les deux figures principales ne sont pas d'ailleurs sans défauts.
Celle de Frédéric sourit d'une manière désagréable; de celle de Joseph II il n'y a rien
à dire, elle est insignifiante; mais son mouvement est exagéré : le jeune empereur se
précipite avec tant de furie au-devant du roi, qu'il semble impossible qu'il s'arrête
au point précis où le peintre a jugé à propos de faire embrasser les deux souverains.
Parmi les œuvres qui figurent actuellement à l'exposition, il y en a de dignes d'é-
loges après tout. Je mentionnerai rapidement les Vues de monuments, de M. Neher, une
Nuit du Midi de M. Stange, un petit Paysage d'Italie de M. A. Zimmermann, peintre
distingué, naguère professeur à l'Académie des Beaux-Arts de Milan, et qui vient
d'être appelé par l'empereur d'Autriche à celle devienne; plusieurs sujets enfin de
la dernière guerre d'Italie, dont le plus remarquable, de la main de M. Schulze, ap-
partient au roi Louis, de Bavière.
C'est une peinture d'une line exécution et d'un sentiment profond, une scènetou-
c'.iante, comme se plaisait à en peindre un de vos bons artistes, le regrettable Ary
Scheffer, particulièrement au commencement de sa carrière. On voit dans une église la
veuve et le jeune enfant d'un officier tué à la dernière bataille : un long deuil après un
bonheur bien court. Quelle douleur est enfermée dans ce petit cadre! Ceux qui savent
que ce drame lamentable est malheureusement une histoire trop réelle ne peuvent se
défendre, en en voyant l'image, d'une vive émotion.
Je devrais, à présent, quitter la Société des beaux-arts pour visiter les ateliers de
quelques-uns de nos artistes, et sans doute j'aurais à vous signaler un assez grand
nombre d'ou\rages plus intéressants que la plupart de ceux qui sont en ce moment
exposés. J'entreprendrai quelque jour ce voyage d'exploration et j'en écrirai le compte
rendu pour les lecteurs de la Gazette des Beaux-Arts. Aujourd'hui, je ne veux vous
parler que de la dernière œuvre de M. Henri de Hess, l'auteur de ces belles fresques
des églises de Munich qui sont des modèles du style religieux. L'illustre maître, tou-
jours actif, malgré l'âge et les souffrances, vient d'achever le carton d'une Cène que
lui a commandée le roi Louis. Ce dessin m'a laissé une impression profonde. Il est
d'une grande simplicité; les lignes sont nobles et gracieuses, le sentiment austère et
l'exécution d'une délicatesse charmante.
Deux sculpteurs, MM. Steiner et Niederkofer, d'Innspruck ont reproduit dans le
bois, avec beaucoup de talent, des compositions empruntées à Albert Diirer. L'art de
la sculpture en bois est cultivé avec succès, comme vous savez, dans la Bavière et
le Tyrol. C'est un art populaire dans ce pays. On rencontre, quand on s'avance dans
les montagnes, des villages dont tous les habitants sont occupés à tailler et à ciseler le
bois, quelques-uns avec une adresse merveilleuse. Les encouragements ne manquent
pas à ceux qui promettent de devenir des artistes. Le roi Louis a fondé à Berchtesgade
une école de dessin, ouverte à tous les jeunes gens qui veulent acquérir l'instruction
qui leur manque. Partout où l'art est intéressé, partout où il y a un germe précieux
à recueillir, à mettre en bonne terre, à faire fructifier, on est assuré de voir s'étendre
la protection toujours active du vieux roi. Combien de pays, peut-être plus favorisés