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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 6.1860

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Nr. 3
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Blanc, Charles: Grammaire historique des arts du dessin, [2]: Architecture, sculpture, peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.17222#0136

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I

150 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

habita ces contrées, que ce peuple eut un bon sens délicat, un goût pur,
un sentiment exquis de la grâce, et qu'il poussa le culte de la beauté jus-
qu'à diviniser l'homme et humaniser les dieux. Oui, un portique en ruine,
une tête de marbre nous suffisent pour remonter en idée à ces temps
héroïques, où le ciel vivait et respirait sur la terre, comme dit le poëte :

Où Venus Astarté, fille de l'onde amère,
Ruisselait, vierge encor, des larmes de sa mère,
Et fécondait le monde en tordant ses cheveux.

Il semble que les nations aient pressenti que leur gloire serait mesu-
rée aux œuvres du poëte et de l'architecte, du sculpteur et du peintre,
car il n'est pas de peuple qui n'ait honoré les artistes, comme s'il eût vu
en eux les témoins futurs de sa grandeur. Dans le primitif Orient et
dans la vallée du Nil, Fart, confondu avec le plus haut sacerdoce, était
aussi vénéré que le pontife. En Grèce, la fable de Prométhée ravissant
le feu du ciel pour animer l'argile, symbolisait assez clairement l'au-
guste origine des arts. Aussi n'est-on pas étonné d'apprendre que le
plus sage des philosophes, le maître de Platon , était sculpteur, et
qu'il avait modelé les trois Grâces. Chez les Éléens, un sentiment de
respect religieux s'attachait au souvenir cle Phidias, et les descendants
de ce grand homme avaient, de père en fils, la charge de montrer
aux étrangers, comme un lieu vénérable, l'atelier où il avait sculpté
son Jupiter Olympien. L'effigie du statuaire Alcamène était placée au
faîte du temple d'Eleusis. La ville de Pergame, en Mysie, acheta, des
deniers publics, un palais ruiné, pour sauver quelques murailles où il
restait encore des peintures d'Apelles; et les habitants suspendirent la dé-
pouille de ce peintre illustre dans un réseau de fils d'or. Plus rudes que
les Grecs, les Romains avaient hérité cependant de leur souveraine estime
pour les artistes. Gicéron rapporte que Lélius Fabius, qui comptait parmi
les siens tant de consuls, et dont la famille avait tant de fois triomphé,
voulut mettre son nom sur les peintures qu'il avait exécutées cle sa main
dans le temple du Salut, et se fit appeler Fabius pictor. Enfin, clans les
temps modernes, ce fut le plus fier des empereurs d'Allemagne, celui qui
réunissait en lui l'orgueil germanique à la hauteur castillane, ce fut
Charles-Quint qui prononça cette parole fameuse : « Titien mérite d'être
servi par César. »

Si l'art tient un rang aussi élevé dans l'esprit des hommes et dans
l'opinion des premiers peuples de la terre, cela seul nous avertit que sa
mission est grande. C'est à nous maintenant de la définir.
 
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