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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 6.1860

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Nr. 6
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Jacquemart, Albert: Les dessins d'ornement de Polydore de Caravage
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https://doi.org/10.11588/diglit.17222#0350

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LES ORNEMENTS DE POLYDORE DE GARAVAGE. 339

lantes? Pourquoi ce groupe des Grâces ! Pourquoi ces têtes narquoises de
béliers, ces sylvains lascifs, et ailleurs ces tritons, ces coquilles, ces
monstres marins et ces salamandres effroyables? Il ne suffit pas de se
nommer Polydore de Garavage et de laisser courir sa main hardie sur le
papier, en y semant mille fantaisies, pour avoir produit un chef-d'œuvre.
Tci les principes austères, les déductions élevées de la Grammaire de
M. Charles Blanc trouvent leur application et leur preuve : « Pour con-
a server sa dignité, sa grandeur, l'art doit avoir son but en lui-même. »
Profiler la poignée d'une épée, y jeter des groupes heureux, des masques
spirituels, des feuilles nerveusement déchiquetées, ce n'est point remplir
toutes les conditions du programme imposé à l'ornemaniste. Tout cela
forme un corps qui veut être animé par une pensée lisible.

Or, cette pensée, nous la trouvons dans plusieurs des ouvrages de
Polydore, et notamment dans le vase dont nous offrons la gravure à nos
lecteurs. Il faut donc faire deux parts dans l'œuvre du peintre milanais :
l'une, comprenant les compositions ornementales issues d'une idée fé-
conde, mûrement réfléchies, châtiées par leur auteur; celles-là, suivant
nous, avaient une destination connue d'avance, et ne durent apparaître
qu'avec l'assurance de recevoir l'approbation universelle. L'autre part,
formée des caprices du loisir, résultat d'une sorte de gymnastique intel-
lectuelle, nous montre l'artiste ouvrant la digue à son génie, essayant,
sous les formes les plus variées, pour les usages les plus distincts, le
groupement de la figure humaine et des richesses ornementales. Ces
ébauches d'un grand homme, sorties du secret de l'atelier et venues jus-
qu'à nous à travers les siècles, ne sont-elles pas essentiellement curieuses
et respectables ? Quel enseignement pour le dessinateur et pour le cri-
tique ! Gomme on regarde avec une attention soutenue, avec une secrète
émotion, ces débauches du crayon, abandonnées souvent par le maître,
entourées d'un culte d'admiration par les élèves qui s'en inspiraient pour
en jeter les reflets dans les bronzes, les ciselures, l'ivoire et le bois sculptés
du xvie siècle ! On se sent heureux de saisir au passage ces manifestations
de l'art élevé, prêtes à descendre dans la foule, pour animer toutes choses
et mettre en harmonie les monuments publics, les palais splendides et
jusqu'aux modestes boutiques (botleghe), où l'artisan laborieux étalait ses
produits sans prétention, mais non sans art.

ALBERT JACQUEMART.
 
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