Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (7.1860)

284 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

donation, toute municipale. Telles collections, qui n'ont point d'héritiers
dignes d'elles, ne trouvent-elles pas dans le Musée Gorrer un abri bien
sûr contre la dispersion de l'enchère publique? Nous en avons eu des
exemples dans ces derniers temps : la raccolta Corrcr n'est déjà plus seu-
lement la raccolta Corrcr, mais, par suite de donations diverses, elle est
la raccolta de plusieurs hommes de goût et de patience, qui ont fait,
sinon dans des proportions égales, du moins avec autant d'ardeur, ce que
fit M. Sauvageot. Aussi importe-t-il que la municipalité de Venise, aug-
mente l'édifice de ce musée si précieux. Le Fondaco dei Turchi, cette ruine
admirable, est trop voisin de la raccolta pour n'être pas quelque jour rele-
vée et entretenue au bénéfice comme à l'honneur des donateurs. Que des
collections nouvelles se forment par suite de nouvelles donations, où les
placera-t-on? C'est à peine si les salles actuelles suffisent aux richesses
qu'elles doivent contenir. L'idée de l'adjonction du Fondaco dei Turchi
au Museo Corrcr est excellente : le podestat Alessandro Marcello l'a eue,
le podestat comte Bembo doit l'exécuter. S'il rencontre des obstacles, il
doit les franchir. Que fera-t-on, si l'on n'a des salles prêtes à la rece-
voir, de cette autre inestimable raccolta qui, dit-on, doit écheoir à la
ville par la volonté généreuse du chevalier Gicogna, cet érudit de Venise,
aussi profond que modeste, cet homme de bien par excellence, cet inap-
préciable auteur des Inscrizioni Veneziane et de la Bibliografia Vene-
ziana? N'a-t-il pas consacré ses jours, ses heures, toute son activité et
son intelligence aux choses qui sont de la curiosité vénitienne en histoire?
Ne doit-on pas une hospitalité aussi prompte qu'honorable à cette collec-
tion Gicogna qui, ajoutée à celle de Gorrer, sera la fleur des possessions
municipales? A des hôtes si recommandables, que l'on prépare donc une
hospitalité digne d'eux.

Pour nous qui, depuis quelques années, recherchons singulièrement
à pénétrer dans la Venise ancienne, et mettons une persévérance exclu-
sive à ne rien méconnaître ni oublier sur ce champ qui, dans la politique
comme dans l'art, nous semble si vaste, nous avons voulu proclamer
dans cette Revue les ressources offertes aux études les plus séduisantes
et les plus attrayantes une collection dont la renommée comme la valeur
s'étend chaque jour, et que viennent de consacrer d'une manière si
avantageuse les notices publiées par son savant et affable conservateur,
M. Vincenzo Lazari.

J'ai dit les origines de ce musée; il me reste maintenant à faire con-
naître avec quelque détail ses principales richesses.

ARMAND

BASCIIET.