Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 8.1860

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Galichon, Émile: École allemande [3]: Albert Dürer sa vie et ses œuvres
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.17224#0030

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
26 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

complu à louiller de son outil le moindre repli de l'épiderme, la plus
légère fossette des chairs de ce corps déforme par les fatigues de la vie,
sans môme chercher à dissimuler l'obésité du ventre, la lourdeur et la
vulgarité des extrémités reliées au corps par des attaches engorgées. De
l'étude attentive des figures d'Albert Durer, il ressort que ce peintre n'a
jamais poursuivi la grâce ni l'élégance; aussi a-t-il mieux réussi à tra-
duire l'homme que la femme, et celui-ci plutôt dans la plénitude de la
vie que dans l'adolescence. Il est clair qu'il chercha plus à rendre la na-
ture qu'à l'interpréter; aussi fut-il un admirable portraitiste, qui toujours
sut conserver à l'individu son caractère personnel. Profondément pénétré
du génie allemand, le peintre de Nuremberg apporta dans les arts l'es-
prit d'examen, il vit la nature plus dans ses détails que dans son en-
semble, et il la traduisit pièce à pièce. Observateur scrupuleux, savant
anatomiste, il ne put résister au plaisir de retracer tout ce qu'il voyait,
tout ce qu'il savait. Il méconnut la loi suprême du sacrifice des acces-
soires au principal, se laissa trop absorber par l'étude consciencieuse du
morceau qu'il reproduisait, et souvent, dans la crainte d'oublier la veine
la plus petite, la ride la plus menue, il oublia le membre voisin de celui
qu'il dessinait, « de façon que si sa figure est bien sur ses pieds, ou
paraît l'être, comme l'a si justement remarqué M. Charles Blanc, c'est
comme par miracle. » Les quelques épreuves inachevées qu'on connaît
de ses estampes confirment cette appréciation; terminées entièrement par
le haut, sans qu'il ait à y revenir en quoi que ce soit, elles sont encore
sans nul travail dans le bas. Cette méthode singulière et vicieuse deman-
dait un praticien aussi consommé que l'était Durer, en qui, au dire de
Camerarius, « l'accord de la main avec les conceptions de l'esprit était
a tel, que souvent il dessinait séparément diverses parties, non-seule-
u ment d'un sujet, mais d'un corps, et que ces parties, rapprochées les
u unes des autres, s'harmonisaient si bien entre elles, qu'il aurait été
« impossible de faire un homme mieux proportionné.))

Si les figures profanes d'Albert Durer méritaient d'être étudiées avec
soin, les personnages sacrés de ce peintre réclament de nous une égale
attention, parce qu'ils expriment bien l'idée que s'en faisaient ces peuples
germaniques peu enclins au mysticisme religieux dont ils allaient bientôt
secouer le joug. La Vierge n'est point, dans les compositions de ce maître,
cette mère née sans la tache originelle qu'ont entrevue les Italiens, cette
mère chaste, candide, attristée dès le premier jour d'un douloureux pres-
sentiment; elle est une mère tendre, habituée aux soins familiers du foyer
domestique, qui remplit avec joie les devoirs de la maternité. Le fils de
Dieu, sur les genoux de la Vierge, ne paraît point également, comme
 
Annotationen