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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 8.1860

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Nr. 1
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Galichon, Émile: École allemande [3]: Albert Dürer sa vie et ses œuvres
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28 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Mais ce n'est point par son aptitude à rendre la nature sous ses divers
aspects, que ce maître nous étonne le plus; ce qui nous frappe surtout en
lui, c'est l'alliance qu'il nous offre de qualités en apparence inconci-
liables. Visionnaire fantastique, imitateur rigoureux de la réalité, Albert
Durer aime à peupler le monde d'êtres mystérieux, à égarer sa pensée
dans les labyrinthes inextricables du mysticisme philosophique. Il se'
complaît, il s'absorbe entièrement dans la rêverie de ce monde inconnu
et chimérique qu'il s'est créé. Mais veut-il traduire les songes les plus
étranges de son imagination, il ne peut les rendre que sous des formes
réelles jusqu'à la vulgarité, avec un calme et une persistance qui éton-
nent ces nations latines toujours avides de nouveau, et qui, mieux parta-
gées, surent trouver des formes élevées pour peindre les habitants d'un
monde supérieur.

Comme Gœthe, Durer affectionne les contrastes; il aime à écouter les
propos incohérents et familiers des passants, après avoir assisté aux ter-
ribles apparitions de la nuit du Walpurgis. Ici, une femme « incompa-
rable », au dire de Vasari, représente la science. Découragée de l'inanité
du savoir humain, elle a replié ses ailes qui devaient la porter au-dessus
de la terre, et maintenant, triste et résignée, elle considère l'horizon des
mers au delà desquelles elle aurait voulu sonder l'infini. Là, un couple
ignorant, mais heureux, mène un branle à travers la plaine et fait bruyam-
ment éclater sa joie grossière. Plus loin, le soldat du nord erre épou-
vanté au milieu des cités du midi qu'il a dévastées. Tout auprès, un
paysan crie à plein gosier sa marchandise. A côté de deux jeunes gens
qui causent d'amour et de gloire, sans remarquer que la mort, cachée der-
rière un arbre, se rit de leurs vains projets, passe une mère enveloppant
dans l'unique manteau qui la couvre, les membres grelottants de son fils;
esclave plutôt qu'épouse, elle suit en tremblant les pas de son maître qui,
superbement vêtu, marche devant elle. Mais que Durer dessine un ana-
chorète traduisant dans sa cellule les livres saints, ou bien un chevalier
cheminant au travers des forêts sans crainte de la mort et du démon; qu'il
grave des armoiries avec leurs superbes tenants, leur riche cimier à lam-
brequins ou qu'il retrace la scène suprême de la mort d'un Dieu, toujours
il burine avec la même netteté, la même finesse, toujours il précise avec la
même rigueur les contours de ses personnages, sans que jamais sa main,
conduite mais non entraînée par la passion, hasarde un geste sublime.

Vouloir saisir sous tous ses aspects la pensée de ce rêveur, le plus
réaliste des grands maîtres, de ce géomètre visionnaire, est chose impos-
sible. Sachons donc nous borner, et essayons de dégager les leçons pro-
fondes renfermées dans la vie et les œuvres de cet homme cxtraordi-
 
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