DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:Blanc, Charles: La Fontaine Saint-Michel
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LA FONTAINE SAINT-MICHEL. 55
qy'on puisse les bien voir d'en bas et apprécier les qualités de finesse et
d'exécution qui certainement s'y trouvent; car ce sont là des artistes qui
ont tous fait leurs preuves. Quand on est sur le pavé de la place, on ne
peut saisir que les lignes générales des quatre statues, leur désinvolture,
leur assiette. Trois sont entièrement drapées, et le sont avec beaucoup
de goût et de grâce; une seule est à demi-nue: c'est la Force}deM. Guil-
laume. Cette ligure a été critiquée et louée tour à tour; les uns lui
reprochent de n'avoir pas assez de distinction, les autres la jugent heu-
reusement construite dans son attitude un peu vulgaire. La vérité est que
M. Guillaume s'est représenté la Force, non pas sous les traits d'une
grande dame qui met du blanc et du carmin, mais comme une forte
femme aux durs appas, et qu'il a ainsi caractérisé, non pas la force mo-
rale, mais tout simplement la Force. Or, qui peut s'attendre à trouver de
la distinction dans une pareille Vertu, toute cardinale qu'elle est? Si
au lieu d'être fermées dans leur étole, comme il convient d'ailleurs à leur
caractère, les trois autres figures laissaient voir aussi des parties nues,
la statue de M . Guillaume y gagnerait infailliblement. Quand la sculp-
ture4 ne joue qu'un rôle accessoire dans un monument, quand elle est
purement architecturale, il faut bien qu'elle obéisse à ces lois optiques
de pondération, qui permettent la variété précisément parce qu'elles
\ ramènent l'harmonie. Placées sur des colonnes en marbre rouge, les
quatre Vertus cardinales devaient nécessairement se rapprocher un peu
de la symétrie des cariatides.
Somme toute, en dépit des efforts individuels, malgré le talent incon-
testable et bien prévu des sculpteurs qui ont décoré la fontaine Saint-
Michel; malgré les nobles figures de M. Debay, malgré les soins délicats
donnés à l'exécution des ornements par MM. Hubert Lavigne, Biès et Lié-
nard, nous pouvons dire avec tout le monde que cette fontaine est bien
loin d'être un monument réussi. Autrefois, de grands artistes ne dédai-
gnaient point de consulter le public, et de faire sur lui l'essai de leurs
inventions. Michel-Ange, avant de poser cette superbe corniche qui cou-
ronne le palais Farnèse, appela tout le peuple de Rome à en juger,
d'après un modèle en bois qu'il avait fait exécuter sous ses yeux; mais
qous avons aujourd'hui changétout cela, et c'est quand d'énormes erreurs
ont été taillées dans le granit ou dans le marbre, que le public le plus
éclairé du monde est convié à l'inutile jugement des faits accomplis.
Ch. B,
qy'on puisse les bien voir d'en bas et apprécier les qualités de finesse et
d'exécution qui certainement s'y trouvent; car ce sont là des artistes qui
ont tous fait leurs preuves. Quand on est sur le pavé de la place, on ne
peut saisir que les lignes générales des quatre statues, leur désinvolture,
leur assiette. Trois sont entièrement drapées, et le sont avec beaucoup
de goût et de grâce; une seule est à demi-nue: c'est la Force}deM. Guil-
laume. Cette ligure a été critiquée et louée tour à tour; les uns lui
reprochent de n'avoir pas assez de distinction, les autres la jugent heu-
reusement construite dans son attitude un peu vulgaire. La vérité est que
M. Guillaume s'est représenté la Force, non pas sous les traits d'une
grande dame qui met du blanc et du carmin, mais comme une forte
femme aux durs appas, et qu'il a ainsi caractérisé, non pas la force mo-
rale, mais tout simplement la Force. Or, qui peut s'attendre à trouver de
la distinction dans une pareille Vertu, toute cardinale qu'elle est? Si
au lieu d'être fermées dans leur étole, comme il convient d'ailleurs à leur
caractère, les trois autres figures laissaient voir aussi des parties nues,
la statue de M . Guillaume y gagnerait infailliblement. Quand la sculp-
ture4 ne joue qu'un rôle accessoire dans un monument, quand elle est
purement architecturale, il faut bien qu'elle obéisse à ces lois optiques
de pondération, qui permettent la variété précisément parce qu'elles
\ ramènent l'harmonie. Placées sur des colonnes en marbre rouge, les
quatre Vertus cardinales devaient nécessairement se rapprocher un peu
de la symétrie des cariatides.
Somme toute, en dépit des efforts individuels, malgré le talent incon-
testable et bien prévu des sculpteurs qui ont décoré la fontaine Saint-
Michel; malgré les nobles figures de M. Debay, malgré les soins délicats
donnés à l'exécution des ornements par MM. Hubert Lavigne, Biès et Lié-
nard, nous pouvons dire avec tout le monde que cette fontaine est bien
loin d'être un monument réussi. Autrefois, de grands artistes ne dédai-
gnaient point de consulter le public, et de faire sur lui l'essai de leurs
inventions. Michel-Ange, avant de poser cette superbe corniche qui cou-
ronne le palais Farnèse, appela tout le peuple de Rome à en juger,
d'après un modèle en bois qu'il avait fait exécuter sous ses yeux; mais
qous avons aujourd'hui changétout cela, et c'est quand d'énormes erreurs
ont été taillées dans le granit ou dans le marbre, que le public le plus
éclairé du monde est convié à l'inutile jugement des faits accomplis.
Ch. B,