DOI Heft:
Nr. 3
DOI Artikel:Burty, Philippe: Les eaux-fortes de M. J.-F. Millet
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.17227#0271
LES
EAUX
- FORTES
DE M. J.-F. MILLET
Les eaux-fortes de M. Jean-François Millet sont le reflet fidèle de sa
peinture et de ses dessins. Quiconque a étudié ses envois aux dernières
expositions, et plus récemment ses dessins à la salle du boulevard des
Italiens, reconnaîtra ses eaux-fortes du premier regard. Procédant d'un
esprit droit et d'une main ferme, elles expriment avec précision une inten-
tion nettement formulée; elles cherchent moins à plaire qu'à satisfaire,
et s'adressent plus directement aux amis sincères de la nature et de l'art
qu'à la foule banale; elles rejettent enfin, avec une certaine hauteur, la
recherche du détail, la grâce abandonnée de l'exécution, coquetteries or-
dinaires aux peintres qui manient la pointe.
La pointe de M. J.-F. Millet va donc droit au but sur le vernis,
comme son fusain sur le papier. Elle n'improvise point : elle met au net
le modèle que l'artiste a choisi parmi ses souvenirs, et qui pose en ce mo-
ment clans son cerveau. Aussi, du premier coup, peut-elle accuser fran-
chement la silhouette, accentuer le contour, masser l'effet par des indi-
cations précises d'ombre et de lumière. Peu importe ce que donnera
la morsure plus ou moins vive de l'acide, le résultat sera forcément
plus fort que séduisant, plus complet qu'imprévu, plus austère que naïf;
il résumera d'une façon plus familière, mais non moins précise que dans
sa peinture, les données du maître sur l'art : faire converger toutes les
forces d'une figure vers le mouvement qu'il veut qu'elle exprime; déga-
ger de toute chose le détail caractéristique; élaguer tout ce qui peut dis-
traire l'attention, demi-teinte ou pli secondaire, et ne conserver que ce
que l'esprit peut facilement percevoir par la direction du mouvement, la
forme ou l'éclairage des plans.
Ce n'est point parmi les productions des maîtres contemporains que
nous chercherons des pièces dont le travail rappelle celles de M. Millet;
mais ceux de nos lecteurs qui collectent des gravures anciennes leur trou-
veront, comme nous, une ressemblance bien frappante, quoique bien
EAUX
- FORTES
DE M. J.-F. MILLET
Les eaux-fortes de M. Jean-François Millet sont le reflet fidèle de sa
peinture et de ses dessins. Quiconque a étudié ses envois aux dernières
expositions, et plus récemment ses dessins à la salle du boulevard des
Italiens, reconnaîtra ses eaux-fortes du premier regard. Procédant d'un
esprit droit et d'une main ferme, elles expriment avec précision une inten-
tion nettement formulée; elles cherchent moins à plaire qu'à satisfaire,
et s'adressent plus directement aux amis sincères de la nature et de l'art
qu'à la foule banale; elles rejettent enfin, avec une certaine hauteur, la
recherche du détail, la grâce abandonnée de l'exécution, coquetteries or-
dinaires aux peintres qui manient la pointe.
La pointe de M. J.-F. Millet va donc droit au but sur le vernis,
comme son fusain sur le papier. Elle n'improvise point : elle met au net
le modèle que l'artiste a choisi parmi ses souvenirs, et qui pose en ce mo-
ment clans son cerveau. Aussi, du premier coup, peut-elle accuser fran-
chement la silhouette, accentuer le contour, masser l'effet par des indi-
cations précises d'ombre et de lumière. Peu importe ce que donnera
la morsure plus ou moins vive de l'acide, le résultat sera forcément
plus fort que séduisant, plus complet qu'imprévu, plus austère que naïf;
il résumera d'une façon plus familière, mais non moins précise que dans
sa peinture, les données du maître sur l'art : faire converger toutes les
forces d'une figure vers le mouvement qu'il veut qu'elle exprime; déga-
ger de toute chose le détail caractéristique; élaguer tout ce qui peut dis-
traire l'attention, demi-teinte ou pli secondaire, et ne conserver que ce
que l'esprit peut facilement percevoir par la direction du mouvement, la
forme ou l'éclairage des plans.
Ce n'est point parmi les productions des maîtres contemporains que
nous chercherons des pièces dont le travail rappelle celles de M. Millet;
mais ceux de nos lecteurs qui collectent des gravures anciennes leur trou-
veront, comme nous, une ressemblance bien frappante, quoique bien