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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 12.1862

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Nr. 5
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Gruyer, François-Anatole: Raphael et l'antiquité: les trois graces
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https://doi.org/10.11588/diglit.17331#0420

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

après mille ans d'oubli et d'obscurité, reparaissant alors plein de force et
de vie, rayonnant d'une exquise beauté, triomphant des injures du temps
et de la barbarie des hommes. Il avait souffert, il est vrai, dè cruelles
blessures; mais de pareils chefs-d'œuvre, tant qu'ils ne disparaissent pas
tout entiers, ne sont jamais mortellement atteints : un fragment seul suffit
pour leur assurer l'immortalité. Depuis Nicolas et Jean de Pise jusqu'à
Beccafumi, tous les grands artistes qui vinrent à Sienne pendant le xiv°
et le xvc siècle élevèrent leur pensée, fortifièrent leur talent en présence
de ce marbre mutilé. L'Église catholique, à cette époque, avec cette géné-
reuse initiative dont on a plus tard faussé le sens et dénaturé la portée,
avait adopté les chefs-d'œuvre de tous les temps et de tous les lieux, et
non-seulement elle respectait l'antiquité, mais elle lui ouvrait la plus
large et la plus magnifique hospitalité. C'est ainsi qu'à Sienne, dans la
bibliothèque de la cathédrale, le groupe des Grâces occupait la place
d'honneur et brillait d'un éclat plus vif et plus doux au milieu des déli-
cieuses miniatures dont peut-être il avait inspiré les plus belles; c'est
ainsi que, dans cette même cathédrale, on voit encore des fragments de
bas-reliefs dont les sujets sont essentiellement profanes, et que le béni-
tier qui fait face à celui de Jacopo délia Quercia est formé par un candé-
labre antique orné de figures mythologiques1.

Deux preuves témoignent de l'impression profonde que ressentit
Raphaël en présence du marbre antique des Grâces : le dessin de l'Aca-
démie des beaux-arts à Venise, et le tableau appartenant à lord Ward à
Londres. — Il importe d'étudier, au début de ce travail, ce dessin et celte
peinture, en les comparant au monument qui les a inspirés'2.

Le marbre de Sienne représente avec éloquence les antiques divini-
tés, dont tous les arts et toutes les sciences reconnaissaient l'empire. 11
appartient, soit directement, soit par réminiscence, à la plus belle époque
de l'art, et c'est ainsi que les Grâces devaient s'offrir à la piété des Grecs
dans les temples d'Élis et de Périnthe, de Delphes et de Lacédémone.
Elles sont entièrement nues, debout, placées sur le même plan, et les

1. Dopais quelques années seulement le souverain pontife a fait retirer le groupe
des Grâces do la libreria du Dôme de Sienne, et l'a fait transporter dans la galerie do
l'Institut des beaux-arts, où il n'a plus la même valeur au point de vue de l'histoire
de l'art. D'ailleurs, pour effacer do cette cathédrale toute trace profane et mythologique,
il faudrait supprimer aussi tout le plafond de cette libreria, car il est couvert de
fresques qui célèbreiU les aventures de Vénus, de Proserpino, d'Antiope, etc. ; il fau-
drait commettre encore bien d'autres mutilations dans l'intérieur même du sanctuaire.

2. La photographie permet maintenant aux personnes qui ne connaissent ni l'Italie
ni l'Angleterre, de juger de la valeur de ces œuvres d'art.
 
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