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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 12.1862

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Nr. 5
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Gautier, Théophile: Meissonier: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.17331#0436

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

réalisé plusieurs de ses tableaux avec cette volonté, ce fini et cette per-
fection apportés par lui à toutes choses. Il y a des chambres qu'il faudrait
encadrer; elles valent presque les peintures du maître, dont elles sont
les copies.

La première fois que le nom de Meissonier éveilla notre attention,
ce fut chez l'éditeur Gurmer, qui nous montrait avec une complaisance
admirative un fleuron enluminé à la façon des miniaturistes du moyen
âge, pour quelqu'un de ces beaux livres où il se plaît à faire lutter la
typographie moderne contre la calligraphie gothique. L'E adossé à l'M,
monogramme que l'artiste a gardé, marquait déjà ce charmant dessin,
mais ne désignait encore que l'inconnu. Gurmer nous en donna la clef, et
bientôt nous retrouvâmes les deux lettres accolées au bas de cette mer-
veilleuse illustration de la Chaumière indienne, prodige de finesse,
d'exactitude et de couleur locale, où toute l'Inde est résumée dans des
bois de quelques centimètres, avec ses étrangetés de types, de végétation
et d'architecture. On dirait l'œuvre de quelque peintre attaché à la Com-
pagnie hollandaise des Indes au dernier siècle, et ayant poussé une pointe
de Batavia à Masulipatnam ou à Ghandernagor.

Nous insistons sur ces vignettes, d'une composition ingénieuse, spi-
rituelle, humouristique, qui indiquaient chez le jeune artiste une veine
de talent que ses succès en peinture l'ont bien vite détourné de suivre, le
dessin d'illustration. Il est impossible de mieux comprendre le sentiment,
l'esprit et le style d'un auteur que ne l'a fait Meissonier en interpré-
tant l'œuvre de Bernardin de Saint-Pierre. G'est même à cette illustration,
si amoureusement soignée dans ses détails microscopiques, que le peintre
a emprunté le sujet du premier tableau exposé par lui, à notre connais-
sance. Ce petit cadre reproduit la vignette où l'on voit l'honnête docteur
revenu de son voyage et fumant dans son fauteuil la pipe dont son ami
le paria lui a fait cadeau.

Ce Docteur, d'une grande finesse de couleur et d'une exécution déjà
magistrale, fut suivi d'unMoine au chevet d'un malade, puis d'un Homme
fumant sa pipe, une longue pipe de terre blanche, et bientôt après d'un
Buveur de bière. Désormais le public avait les yeux sur Meissonier, et
depuis la faveur qu'il mérita si bien ne l'a plus quitté.

Meissonier, quoique la date de son apparition le permît encore, ne
se rattache par aucun fil au mouvement romantique. Il n'eut rien de com-
mun avec Delacroix, Decamps, A. Scheffer, Jules Dupré, Devéria, Bou-
langer, Boqueplan et les autres. Ses sympathies littéraires furent pour
l'école du bon sens; il aima Ponsard et Augier, comme les truculents
de 1830 avaient aimé Hugo et de Musset. Il fit leurs portraits, dessina les
 
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