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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 13.1862

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Nr. 3
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Blanc, Charles: Un tableau de Francia: la Madone des Guastavillani
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https://doi.org/10.11588/diglit.17332#0264

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

du peintre d'Urbin, qu'il fût élevé à la hauteur des plus grands maîtres,
de ceux qui occupent les sommets de l'art. De là une réaction qui, à son
tour, n'a pas été rigoureusement équitable. C'est ainsi que nous trouvons
un peu sévère le jugement porté sur Francia, dans Y Histoire des peintres,
par un de nos critiques les plus experts, M. Henri Delaborde: «Sa manière,
dépourvue sans doute, dans les sujets sacrés, de cette simplicité éner-
gique, de cette ferveur que respirent les œuvres des Giotteschi, est
exempte du moins de l'élégance païenne dont l'art, dit de la Renaissance,
devait se faire d'abord une ressource auxiliaire et bientôt un moyen d'ex-
pression principal. Si Francia n'appartient déjà plus à l'austère famille
des peintres religieux avant tout, il ne vient pas encore grossir les rangs
de ces artistes exclusivement habiles qui ne verront dans les scènes
chrétiennes qu'un prétexte à l'agencement pittoresque, aux hardiesses
du dessin ou aux séductions du colons, comme aussi par les caractères
un peu effacés du style, par la prudence un peu timide du sentiment, il
demeure exclu de ce groupe d'élite qui personnifie les derniers progrès
de la peinture italienne. Ses œuvres, en un mot, sont une sorte de trait
d'union entre les travaux, incomplets à certains égards, des maîtres pri-
mitifs et les œuvres parfaites des Léonard et des Raphaël. » Pour nous,
il s'en faut de peu, de très-peu sans doute, que Francia ne soit digne du
rang suprême ; mais ce très-peu, il faut en convenir, c'est beaucoup. 11
a manqué peut-être au Rolonais le je ne sais quoi, une étincelle de ce
feu divin qui, chez Raphaël, jette des flammes. Son Pégase, comme s'il ne
battait que d'une aile, n'atteint pas à la cime. S'il était vrai cependant
que Francia fût l'auteur de Y Homme vêtu de noir, il aurait eu là une
de ces rencontres qui suffisent à rendre un nom à jamais célèbre. Nous
avons toujours pensé que cette peinture sublime avait inspiré le poëte
des Contes d'Espagne lorsqu'il écrivit la Nuit de décembre :

Comme j'allais avoir quinze ans,
Je marchais un jour à pas lents
Dans un bois, sur une bruyère.
Au pied d'un arbre vint s'asseoir
Un jeune homme vêtu de noir
Qui me ressemblait comme un frère.

N'eût-il été que l'inspirateur d'une pareille élégie, Francia aurait bien
mérité de ces deux muses qui ne sont jamais plus belles que lorsqu'elles
se ressemblent, la poésie et la peinture.

CHARLES BLANC.
 
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