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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 21.1866

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Delaborde, Henri: Des opinions de M. Taine sur l'art italien
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https://doi.org/10.11588/diglit.19278#0033

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OPINIONS DE M. TAINE SUR L’ART ITALIEN.

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sement du pinceau au réel et sa fidélité au vrai la même différence
qu’entre l’exactitude du procès-verbal et l’ample justesse du langage
historique ou poétique; qu’enfin l’image matérielle des objets n’est et ne
saurait être qu’un moyen de nous apprendre ce que le peintre a senti à
propos de ces modèles. Ce sont là des vérités si élémentaires, si banales,
que nous osons à peine en recommander le souvenir, et qu’il a fallu, pour
nous forcer à les répéter, l’étrange sérénité des affirmations contraires.

Est-ce tout? Avons-nous tout dit? Non certes, si nous nous étions
proposé de relever chaque erreur de détail, chacune des omissions ou
des contradictions que nous avons pu remarquer en lisant le Voyage en
Italie. Notre dessein n’était pas celui-là. Nous avons voulu seulement
indiquer quelque chose d’une théorie mauvaise et inacceptable à notre
avis, d’une doctrine qui blesse nos sentiments les plus chers, nos
croyances les mieux justifiées, nos admirations les plus vives. Cette
doctrine, on peut la résumer dans les deux termes suivants :

1° Négation complète de l’inspiration personnelle, des facultés innées,
de ce mens divinior, en un mot, qui anime les élus de l’art, et d’où ré-
sultent les grandes œuvres, pour ne reconnaître à celles-ci d’autre ori-
gine que l’état général des esprits à un moment donné et l’influence
fatale des mœurs environnantes.

2° En ce qui concerne l’objet de la peinture et le moyen pittoresque,
négation non moins formelle de l’opportunité des efforts pour nous mon-
trer ou nous faire pressentir autre chose que les dehors de l’être. Donc,
pour les artistes, non-seulement le devoir de s’interdire dans la compo-
sition d’une scène les éléments dramatiques ou moraux, mais encore
celui de supprimer dans la représentation de l’homme l’expression de la
vie intérieure et de dérober l’âme sous la chair.

Veut-on de l’art à ce prix? Se résignera-t-on à ces sacrifices? Dieu
nous garde de calomnier, même à notre insu, les intentions de l’écrivain
dont nous avons essayé d’analyser le travail! Mais si ce travail tend par
le fait à abroger les lois du beau, à humilier l’art devant le métier et
l’esprit devant la matière, nous ne regretterons pas d’avoir appelé sur
lui les sévérités de l’opinion, quelque justice qui lui soit due d’ailleurs et
quelque talent qu’il atteste; car il y a quelque chose au-dessus de ce
qui intéresse un homme : c’est la cause et l’intérêt de tous ; quelque
chose de plus respectable encore que le talent : c’est la vérité.

HENRI DELABORDE.
 
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