DOI Heft:
Nr. 2
DOI Artikel:Burty, Philippe: L' impression et la reliure à l'Exposition Universelle
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.19884#0122
L'IMPRESSION ET LA RELIURE A L'EXPOSITION. 115
de hauteur, ni au moins passer en revue un grand nombre de titres
d'ouvrages, comme dans les bibliothèques à volets multiples et mobiles
des Anglais. Aussi « le secteur » où l'on rencontre les produits français
d'imprimerie et de librairie est-il des moins visités par la foule, par
cette même foule qui entre et s'arrête si volontiers dans les magasins
de MM. Marne et Hachette, dans l'avenue d'Iéna, parce qu'elle peut y
apprendre quelque chose.
Cela est triste. Il est regrettable qu'on ait ainsi mesuré le terrain, l'air,
la lumière, à ces livres d'où la pensée humaine jaillit en mille rayons qui
portent pour noms : Progrès, Civilisation,Travail, Harmonie... Toute votre
Exposition entière, si surprenante et si éloquente dans son ensemble, si
féconde dans ses résultats généraux, c'est du livre de science, du livre
d'art, du livre d'éducation populaire qu'elle est sortie. C'est dans ce
livre que vous tenez fermé que votre ingénieur a appris les mathéma-
tiques transcendantales et qu'il en a conclu les courbes de votre palais de
tôle ! C'est dans ces gravures dont vous lui disputez la vue que l'artiste
s'est confirmé dans les lois du beau et qu'il a puisé le sentiment des
restitutions archaïques intelligentes! C'est par ce livre dont vous ne
tolérez qu'une seule page ouverte que l'ouvrier a désappris les heures
d'oisiveté et de rudesse !
Si quelque chose, clans l'Exposition universelle, devait échapper à
l'implacable loi des secteurs et des zones, c'était l'Imprimerie. Il fallait,
comme on aurait dû le faire aussi pour les Beaux-Arts, lui réserver une
place à part, lui consacrer ou une construction ou une salle spéciale,
recueillie, bien ornée, que les indifférents auraient traversée d'un pas
rapide, mais où le penseur et l'homme d'étude de tous les pays au-
rait pu se recueillir, apprendre, travailler. J'imagine que tous les édi-
teurs et tous les libraires se seraient empressés de mettre à la disposition
du public un exemplaire de chacun de leurs livres, et je suis certain que
cette bibliothèque internationale aurait fait parler de la France dans tout
l'univers. Chaque nation aurait pu avoir son casier, comme dans la zone
des Beaux-Arts elle a sa salle. Ainsi, l'ordre établi n'aurait point été
rompu, et l'on aurait encore pu constater rapidement la quantité, sinon la
qualité de production intellectuelle de chaque peuple.
Bien n'était plus praticable que ce projet et mieux dans les vues de
propagation intellectuelle qui triomphent aujourd'hui. Mais si cela devait
être écarté comme entraînant une dérogation à l'ordre établi sur le plan,
il y avait au moins un moyen de montrer aux peuples en quelle estime
la France tient cet irrésistible levier de la pensée, l'Imprimerie : c'était
de placer au cœur même de l'Exposition, dans ce pavillon consacré aux
de hauteur, ni au moins passer en revue un grand nombre de titres
d'ouvrages, comme dans les bibliothèques à volets multiples et mobiles
des Anglais. Aussi « le secteur » où l'on rencontre les produits français
d'imprimerie et de librairie est-il des moins visités par la foule, par
cette même foule qui entre et s'arrête si volontiers dans les magasins
de MM. Marne et Hachette, dans l'avenue d'Iéna, parce qu'elle peut y
apprendre quelque chose.
Cela est triste. Il est regrettable qu'on ait ainsi mesuré le terrain, l'air,
la lumière, à ces livres d'où la pensée humaine jaillit en mille rayons qui
portent pour noms : Progrès, Civilisation,Travail, Harmonie... Toute votre
Exposition entière, si surprenante et si éloquente dans son ensemble, si
féconde dans ses résultats généraux, c'est du livre de science, du livre
d'art, du livre d'éducation populaire qu'elle est sortie. C'est dans ce
livre que vous tenez fermé que votre ingénieur a appris les mathéma-
tiques transcendantales et qu'il en a conclu les courbes de votre palais de
tôle ! C'est dans ces gravures dont vous lui disputez la vue que l'artiste
s'est confirmé dans les lois du beau et qu'il a puisé le sentiment des
restitutions archaïques intelligentes! C'est par ce livre dont vous ne
tolérez qu'une seule page ouverte que l'ouvrier a désappris les heures
d'oisiveté et de rudesse !
Si quelque chose, clans l'Exposition universelle, devait échapper à
l'implacable loi des secteurs et des zones, c'était l'Imprimerie. Il fallait,
comme on aurait dû le faire aussi pour les Beaux-Arts, lui réserver une
place à part, lui consacrer ou une construction ou une salle spéciale,
recueillie, bien ornée, que les indifférents auraient traversée d'un pas
rapide, mais où le penseur et l'homme d'étude de tous les pays au-
rait pu se recueillir, apprendre, travailler. J'imagine que tous les édi-
teurs et tous les libraires se seraient empressés de mettre à la disposition
du public un exemplaire de chacun de leurs livres, et je suis certain que
cette bibliothèque internationale aurait fait parler de la France dans tout
l'univers. Chaque nation aurait pu avoir son casier, comme dans la zone
des Beaux-Arts elle a sa salle. Ainsi, l'ordre établi n'aurait point été
rompu, et l'on aurait encore pu constater rapidement la quantité, sinon la
qualité de production intellectuelle de chaque peuple.
Bien n'était plus praticable que ce projet et mieux dans les vues de
propagation intellectuelle qui triomphent aujourd'hui. Mais si cela devait
être écarté comme entraînant une dérogation à l'ordre établi sur le plan,
il y avait au moins un moyen de montrer aux peuples en quelle estime
la France tient cet irrésistible levier de la pensée, l'Imprimerie : c'était
de placer au cœur même de l'Exposition, dans ce pavillon consacré aux