DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:Blanc, Charles: Ingres, [4]: sa vie et ses ouvrages
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INGRES. ^3
mande du ministère de l'intérieur. On le chargeait de peindre un
tableau pour la cathédrale de Montauban, et on l'invitait à s'entendre
directement avec le préfet de Tarn-et-Garonne. La somme allouée n'était
que de 3,000 fr., somme en vérité bien misérable pour un ouvrage qui,
devant figurer dans une cathédrale, ne comportait que des figures de
grandeur naturelle. Les seuls frais à faire pour l'exécution d'une pareille
toile devaient dévorer le tiers de là somme. Toutefois, en écrivant au
préfet, comme on l'y avait invité, Ingres n'osa point aborder la question
d'argent. Ce qu'il lui répugnait d'écrire, il pria son ami Gilibert de l'ex-
poser verbalement. Dans sa lettre au préfet il ne parlait que de la donnée
du tableau.
« Au moment de mettre la main à ce grand œuvre, me serait-il per-
mis de vous présenter quelques réflexions que j'ai faites sur la compo-
sition du tableau, dont le sujet présenté est le Vœu de Louis XIII,
mettant sous la protection de la Vierge le royaume de France.
« Le vœu de ce roi me paraît ici un double sujet et peut détruire
l'intérêt et l'unité du principal, Y Assomption de la Vierge. Ce premier
pourrait même fournir à lui seul matière à un tableau important. Par
suite de mes constantes études sur l'art en Italie, où ces sortes de sujets
anachroniques abondent, j'ai toujours été choqué de leur inconvenance,
surtout lorsque, placés dans un grand temple, ils ne devraient rappeler
que la seule Divinité. J'ajouterai encore que les costumes modernes de
notre monarchie cessent d'être beaux et pittoresques à cette époque ;
que, peignant ce tableau à Florence, il me serait fort difficile et même
impossible de me procurer de Paris tous les matériaux nécessaires, comme
portraits, costumes, choses indispensables pour sa parfaite exécution. Je
préférerais le seul sujet de Y Assomption... »
Après rôllexion, cependant, le peintre finit par se réconcilier avec son
sujet, et il l'accepta tel quel.
XXVIII.
Fixé à Florence, où Bartolini l'avait accueilli avec une généreuse
amitié, Ingres y demeura trois mois sans trouver un atelier à sa conve-
nance, et Dieu sait quelles impatiences lui causèrent ces petites tracas-
series du sort et la lenteur diabolique des ouvriers florentins, qu'il disait
vomis de l'enfer pour faire enrager un honnête homme. Un autre de ses
déboires était de ne pas rencontrer à Florence de beaux modèles d'hom-
mes, alors que les modèles de femmes y abondaient. Florence est, sous
ce rapport, le contraire de Naples, où la beauté des femmes est beaucoup
mande du ministère de l'intérieur. On le chargeait de peindre un
tableau pour la cathédrale de Montauban, et on l'invitait à s'entendre
directement avec le préfet de Tarn-et-Garonne. La somme allouée n'était
que de 3,000 fr., somme en vérité bien misérable pour un ouvrage qui,
devant figurer dans une cathédrale, ne comportait que des figures de
grandeur naturelle. Les seuls frais à faire pour l'exécution d'une pareille
toile devaient dévorer le tiers de là somme. Toutefois, en écrivant au
préfet, comme on l'y avait invité, Ingres n'osa point aborder la question
d'argent. Ce qu'il lui répugnait d'écrire, il pria son ami Gilibert de l'ex-
poser verbalement. Dans sa lettre au préfet il ne parlait que de la donnée
du tableau.
« Au moment de mettre la main à ce grand œuvre, me serait-il per-
mis de vous présenter quelques réflexions que j'ai faites sur la compo-
sition du tableau, dont le sujet présenté est le Vœu de Louis XIII,
mettant sous la protection de la Vierge le royaume de France.
« Le vœu de ce roi me paraît ici un double sujet et peut détruire
l'intérêt et l'unité du principal, Y Assomption de la Vierge. Ce premier
pourrait même fournir à lui seul matière à un tableau important. Par
suite de mes constantes études sur l'art en Italie, où ces sortes de sujets
anachroniques abondent, j'ai toujours été choqué de leur inconvenance,
surtout lorsque, placés dans un grand temple, ils ne devraient rappeler
que la seule Divinité. J'ajouterai encore que les costumes modernes de
notre monarchie cessent d'être beaux et pittoresques à cette époque ;
que, peignant ce tableau à Florence, il me serait fort difficile et même
impossible de me procurer de Paris tous les matériaux nécessaires, comme
portraits, costumes, choses indispensables pour sa parfaite exécution. Je
préférerais le seul sujet de Y Assomption... »
Après rôllexion, cependant, le peintre finit par se réconcilier avec son
sujet, et il l'accepta tel quel.
XXVIII.
Fixé à Florence, où Bartolini l'avait accueilli avec une généreuse
amitié, Ingres y demeura trois mois sans trouver un atelier à sa conve-
nance, et Dieu sait quelles impatiences lui causèrent ces petites tracas-
series du sort et la lenteur diabolique des ouvriers florentins, qu'il disait
vomis de l'enfer pour faire enrager un honnête homme. Un autre de ses
déboires était de ne pas rencontrer à Florence de beaux modèles d'hom-
mes, alors que les modèles de femmes y abondaient. Florence est, sous
ce rapport, le contraire de Naples, où la beauté des femmes est beaucoup