MADEMOISELLE G O D E E R OI D.
A9
la bibliothèque Mazarine, en face du pont des Arts, où M. de Sacy loge
en ce moment1 ; il chargea d’abord Mlle Godefroid de quelques copies, et,
dès qu’il la vit en état de réussir, il lui procura des travaux personnels.
11 trouvait en elle de rares qualités de dessin et une couleur juste et
franche qu’elle devait peut-être à son origine flamande. Elle réussissait
admirablement dans le portrait, elle en a fait un grand nombre et d’ex-
cellents. Nous en possédons la liste écrite de sa main, elle monte à plus de
cinquante en pied ou en buste à l’huile, sans compter une foule de des-
sins et de portraits à l’aquarelle à la manière d’Isabey. Absorbée d’ail-
leurs par le concours actif quelle prêtait aux travaux de son maître,
concours qu’elle a toujours et hautement protesté n’avoir été que celui
d’un ouvrier, Mlle Godefroid n’eut qu’une fois, en 1842, l’occasion de
composer un tableau. Elle exécuta pour une église du Sénégal une
Notre-Dame du Rosaire, où les figures de deux chrétiennes agenouillées
aux pieds de la Vierge, l’une de race blanche et l’autre de race africaine,
formaient un ensemble plein de grâce et d’un style religieux et élevé.
L’intelligence, le zèle, les rapides progrès de l’élève, en firent donc
bientôt un des auxiliaires les plus utiles d’un peintre dont les travaux
se multipliaient en même temps que grandissaient sa renommée, son
crédit et sa fortune. Mais ce ne fut pas seulement un aide intelligent et
laborieux que Gérard rencontra dans MUe Godefroid ; un esprit fin exempt
de toute prétention, une humeur enjouée, beaucoup de tact, un juge-
ment droit et sain, rendaient sa société aussi agréable que sûre. Elle
était capable d’éprouver les plus profondes affections, et l’absence de
tout lien de famille lui fit porter dans l'amitié, avec l’ardeur d’une âme
passionnée, un dévouement sans bornes, une abnégation aussi complète
que rare ; elle eut, en s’attachant à Gérard, l’occasion d’exercer tous ces
trésors de douceur et de dévouement.
Gérard, en dehors des dons spéciaux qui ont fait de lui un peintre
éminent, avait reçu de la nature des facultés supérieures. Il avait pro-
digieusement d’esprit, de la bonté, une générosité instinctive inépui-
sable, le goût des lettres et le sentiment de la grandeur en toutes choses.
Les agréments de sa personne et le charme de sa conversation avaient
valu à Gérard des succès d’homme du monde dans la meilleure com-
pagnie. Mais il était nerveux, ombrageux, sujet à des accès d’humeur
noire et parfois à de profonds découragements : ceci, je crois, n’est pas
1. C’est en 1812 que Gérard s’établit dans la maison qu’il s’était fait construire rue
Saint-Germain-des-Prés, 6, et où Mm« Gérard obtint de M11* Godefroid de venir vivre
avec eux.
i. — T PÉRIODE.
A9
la bibliothèque Mazarine, en face du pont des Arts, où M. de Sacy loge
en ce moment1 ; il chargea d’abord Mlle Godefroid de quelques copies, et,
dès qu’il la vit en état de réussir, il lui procura des travaux personnels.
11 trouvait en elle de rares qualités de dessin et une couleur juste et
franche qu’elle devait peut-être à son origine flamande. Elle réussissait
admirablement dans le portrait, elle en a fait un grand nombre et d’ex-
cellents. Nous en possédons la liste écrite de sa main, elle monte à plus de
cinquante en pied ou en buste à l’huile, sans compter une foule de des-
sins et de portraits à l’aquarelle à la manière d’Isabey. Absorbée d’ail-
leurs par le concours actif quelle prêtait aux travaux de son maître,
concours qu’elle a toujours et hautement protesté n’avoir été que celui
d’un ouvrier, Mlle Godefroid n’eut qu’une fois, en 1842, l’occasion de
composer un tableau. Elle exécuta pour une église du Sénégal une
Notre-Dame du Rosaire, où les figures de deux chrétiennes agenouillées
aux pieds de la Vierge, l’une de race blanche et l’autre de race africaine,
formaient un ensemble plein de grâce et d’un style religieux et élevé.
L’intelligence, le zèle, les rapides progrès de l’élève, en firent donc
bientôt un des auxiliaires les plus utiles d’un peintre dont les travaux
se multipliaient en même temps que grandissaient sa renommée, son
crédit et sa fortune. Mais ce ne fut pas seulement un aide intelligent et
laborieux que Gérard rencontra dans MUe Godefroid ; un esprit fin exempt
de toute prétention, une humeur enjouée, beaucoup de tact, un juge-
ment droit et sain, rendaient sa société aussi agréable que sûre. Elle
était capable d’éprouver les plus profondes affections, et l’absence de
tout lien de famille lui fit porter dans l'amitié, avec l’ardeur d’une âme
passionnée, un dévouement sans bornes, une abnégation aussi complète
que rare ; elle eut, en s’attachant à Gérard, l’occasion d’exercer tous ces
trésors de douceur et de dévouement.
Gérard, en dehors des dons spéciaux qui ont fait de lui un peintre
éminent, avait reçu de la nature des facultés supérieures. Il avait pro-
digieusement d’esprit, de la bonté, une générosité instinctive inépui-
sable, le goût des lettres et le sentiment de la grandeur en toutes choses.
Les agréments de sa personne et le charme de sa conversation avaient
valu à Gérard des succès d’homme du monde dans la meilleure com-
pagnie. Mais il était nerveux, ombrageux, sujet à des accès d’humeur
noire et parfois à de profonds découragements : ceci, je crois, n’est pas
1. C’est en 1812 que Gérard s’établit dans la maison qu’il s’était fait construire rue
Saint-Germain-des-Prés, 6, et où Mm« Gérard obtint de M11* Godefroid de venir vivre
avec eux.
i. — T PÉRIODE.