Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Hinweis: Ihre bisherige Sitzung ist abgelaufen. Sie arbeiten in einer neuen Sitzung weiter.
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 9.1874

DOI Heft:
Nr. 3
DOI Artikel:
Marcille, Eudoxe: Les dernières lettres de Prud'hon
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.21838#0303

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
290

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

« madame savait que je suis le gendre d’un grand peintre qui a peint un enfant qui se
« balance au-dessus de l’eau. J’avais près d’ici un commerce de bois, mon chantier a
« été pillé. Ruiné, je n’ai plus aujourd’hui que ma cognée pour vivre et faire vivre ma
« femme. Ma tâche est d’autant plus difficile qu’un asthme paralyse souvent tous mes
« efforts. » M1 11' H... ajouta : « M. et MmeQuoveser 1, voulant rester Français, sont venus
se réfugier à Bois-de-Colombes,près Paris. » L’adresse de ce ménage me fut donnée.
Peu de jours après, j’étais auprès de la fille de l’homme sensible dont vous aimez tant
les peintures et les dessins qui vous ont inspire de si belles pages. Après avoir gravi un
escalier couvert par un appentis, je passai une demi-heure chez Mmc Quoyeser. Avant
de la quitter, je jetai un coup d’œil autour de moi. Sur les murs, trois lithogra-
phies étaient accrochées : le Portrait de Prud’hon, sa Famille malheureuse et l’une
des saintes Femmes du tableau du Christ en croix > figure qui, arrangée par M. de
Boisfremont, tient une urne dans laquelle l’élève supposait qu’étaient les cendres de son
maître et de son ami. Devant la Famille malheureuse, Mme Quoyeser pleura en me
disant : « Mon père répétait souvent à mes frères et à moi que ce sujet était l’emblème
de notre famille. » Nouvelles larmes à la vue de la lithographie du Portrait de Prud’hon
d’après le dessin de M. Jules Boilly, dessin qui a été détruit au mois de mai 1871, lors
de l’incendie de la Bibliothèque du Louvre. Ces larmes étaient accompagnées de ces
paroles, prononcées par Prud’hon le jour de sa mort : « Ne pleure pas, ma fille, ne
pleure pas, ce jour est un jour de bonheur pour moi. »

Je sortis le cœur navré de cet intérieur. Il fallait au plus tôt apporter un remède à
une si grande misère. J’écrivis à M. le baron Taylor, président de l’Association des
artistes; à MM. les Administrateurs et Rédacteurs de la Gazette des Beaux-Arts,
qui voulurent bien, avec un empressement et une générosité que je n’oublierai jamais,
accueillir ma demande, comme elle fut accueillie par l’excellent M. Corot, qui m’offrit
200 francs. Avant le mois de juillet, j’avais reçu -1,500 francs par l’entremise delà
Gazette, et 900 francs qui m’avaient été remis directement.

Je continuai mes visites à Bois-de-Colombes. J’appris un jour que Mme Quoyeser
avait des lettres de son père; ces lettres me furent confiées, je pus les copier; après,
elles m’ont été offertes. Je puis, monsieur, à l’aide de ces lettres, ajouter quelques pages
à votre ouvrage, pages dont toutes les lignes sont empreintes des idées les plus sombres.
Prud’hon ouvre son cœur à sa fille; il lui exprime sa douleur, douleur si vive que les
larmes forçaient noire grand artiste à interrompre son travail. Mme Antoine Passy, en
premières noces Mme Frochot, m’a dit que lorsque son portrait était peint, en 1822, par
Prud’hon, elle était souvent témoin de son désespoir.

Le jour où il perdit Mlle Mayer, Prud’hon avait à regretter une personne qui avait
été remplie de soins, d’attentions pour lui ; qui, comme l’a dit Théophile Gautier, avait
été son Égérie; mais ces regrets ne pouvaient être ressentis par Mlle Prud’hon, quoi-
qu’elle eût été mariée par MUe Mayer, qui avait donné une partie de la dot. Pour
Mlle Emilie, le charme de la vie de famille était inconnu; elle vivait dans un intérieur
que ses frères ne fréquentaient pas; elle y vivait forcée de supporter des caprices.
Ces détails nous sont communiqués dans une lettre que Philopœmen Prud’hon écrivait
de l’île Bourbon à sa sœur, à la date du 14 juin 1820, lorsqu’il eut appris le mariage
de cette sœur.

1. Mlle Emilie Prud’hon épousa, en premières noces, M. Deval, négociant en vins à I.orient ; veuve,

elle se remaria à Metz, le 29 septembre 1858, à M. Quoyeser (Jean-Clément), né le 22 janvier 1809 à Nébing,
canton d’Albestroff (Meurthe). ,
 
Annotationen