LETTRES ANGLAISES.
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d’esprit, ayant, par-dessus le marché, du talent et beaucoup, merveilleusement fait do
sa personne, instruit comme on ne l’est guère, parlant sept ou huit langues dans la
perfection, gentleman accompli, respirant dans ses moindres actes une genllemanship
native qui est la bonne et la vraie,— l’argent ne la donne pas, — ayant pleine conscience
de sa valeur, mais trop de tact pour le laisser soupçonner, toujours naturel comme les
gens vraiment forts, ne posant jamais pour l’excentricité comme les natures réellement
originales, ignorant l’orgueil, cette énorme sottise qui est l’écueil de tant de gens bien
doués, n’ayant qu’à paraître, à peine à parler, pour séduire par la fascination de ses
dons multiples les organisations les plus rebelles à se laisser dominer, avoir en un mot
à traduire les traits de ce charmeur qui a nom Frederick Leighton, et vous contenter
de le faire ressemblant en l’embourgeoisant, ah! monsieur, c’est à vous chercher
sérieuse querelle, et querelle mille fois méritée quand on a, comme vous, quelque
chose de plus que du talent!
ir.
F AIR PLAY.
Nous nous promettions de parler le plus tard possible de l’exposition de M. Leighton,
qui est l’une de nos grosses colères du Salon anglais, quand son nom est venu se pla-
cer forcément sous notre plume. Dans ces conditions, reculer d’un seul instant ce que
nous avons à en dire nous paraîtrait un manque de franchise, pour ne pas dire de
loyauté; franc jeu est en bon français la traduction du [air play si cher aux Anglais;
nous n’y tenons pas moins qu’eux et nous allons droit au but.
M. Frederick Leighton, membre de la Royal Acaclemy, est aussi membre corres-
pondant de l’Institut de France; on doit plus qu’à tout autre à un homme de cette
position et de cette intelligence, la stricte vérité.
M. Leighton a exposé : Clytemnestra [rom the Bâillements o[ Argos walches
for the Beacon-Fires which are to announce the return of Agamemnon; il semble
s’y être donné pour mission de lutter avec M Lecomte-Du-Nouv ; c’est se montrer
charitable à l’excès que de s’abstenir de parler du coloris. Moorish Garden : a
Dream of Granada, ce rêve moresque fait ardemment désirer que la réalité n’ait
rien, absolument rien de commun avec le rêve. L’artiste s’est contenté d’imaginer et
de nous faire voir un jardin cotonneux orné d’une petite fdle et de deux paons porce-
laineux, ensemble à base chocolatée, peu faits à souhait pour le plaisir des yeux. Old
Damascus : Jews' Quarter et Antique Juggling Girl ramènent involontairement sur
les lèvres la vieille épi gramme :
« Après l’Agésilas
« Hélas!
« Mais après VAttila,
« Holà! »
Contentons-nous de dire un mot de Y Antique Juggling Girl. Concédant volontiers
que le sujet est, en général, chose accessoire en peinture, nous ne sommes nullement
disposé à reprocher à M. Leighton la parfaite insignifiance de celui-ci, mais nous
laissons à ses compatriotes l’audacieuse ou aveugle flatterie de qualifier : « A very
pure and refined classical conception s>, cette Jongleuse, nue comme la main, ce
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d’esprit, ayant, par-dessus le marché, du talent et beaucoup, merveilleusement fait do
sa personne, instruit comme on ne l’est guère, parlant sept ou huit langues dans la
perfection, gentleman accompli, respirant dans ses moindres actes une genllemanship
native qui est la bonne et la vraie,— l’argent ne la donne pas, — ayant pleine conscience
de sa valeur, mais trop de tact pour le laisser soupçonner, toujours naturel comme les
gens vraiment forts, ne posant jamais pour l’excentricité comme les natures réellement
originales, ignorant l’orgueil, cette énorme sottise qui est l’écueil de tant de gens bien
doués, n’ayant qu’à paraître, à peine à parler, pour séduire par la fascination de ses
dons multiples les organisations les plus rebelles à se laisser dominer, avoir en un mot
à traduire les traits de ce charmeur qui a nom Frederick Leighton, et vous contenter
de le faire ressemblant en l’embourgeoisant, ah! monsieur, c’est à vous chercher
sérieuse querelle, et querelle mille fois méritée quand on a, comme vous, quelque
chose de plus que du talent!
ir.
F AIR PLAY.
Nous nous promettions de parler le plus tard possible de l’exposition de M. Leighton,
qui est l’une de nos grosses colères du Salon anglais, quand son nom est venu se pla-
cer forcément sous notre plume. Dans ces conditions, reculer d’un seul instant ce que
nous avons à en dire nous paraîtrait un manque de franchise, pour ne pas dire de
loyauté; franc jeu est en bon français la traduction du [air play si cher aux Anglais;
nous n’y tenons pas moins qu’eux et nous allons droit au but.
M. Frederick Leighton, membre de la Royal Acaclemy, est aussi membre corres-
pondant de l’Institut de France; on doit plus qu’à tout autre à un homme de cette
position et de cette intelligence, la stricte vérité.
M. Leighton a exposé : Clytemnestra [rom the Bâillements o[ Argos walches
for the Beacon-Fires which are to announce the return of Agamemnon; il semble
s’y être donné pour mission de lutter avec M Lecomte-Du-Nouv ; c’est se montrer
charitable à l’excès que de s’abstenir de parler du coloris. Moorish Garden : a
Dream of Granada, ce rêve moresque fait ardemment désirer que la réalité n’ait
rien, absolument rien de commun avec le rêve. L’artiste s’est contenté d’imaginer et
de nous faire voir un jardin cotonneux orné d’une petite fdle et de deux paons porce-
laineux, ensemble à base chocolatée, peu faits à souhait pour le plaisir des yeux. Old
Damascus : Jews' Quarter et Antique Juggling Girl ramènent involontairement sur
les lèvres la vieille épi gramme :
« Après l’Agésilas
« Hélas!
« Mais après VAttila,
« Holà! »
Contentons-nous de dire un mot de Y Antique Juggling Girl. Concédant volontiers
que le sujet est, en général, chose accessoire en peinture, nous ne sommes nullement
disposé à reprocher à M. Leighton la parfaite insignifiance de celui-ci, mais nous
laissons à ses compatriotes l’audacieuse ou aveugle flatterie de qualifier : « A very
pure and refined classical conception s>, cette Jongleuse, nue comme la main, ce