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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 10.1874

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Nr. 3
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Mantz, Paul: Exposition en faveur de l'œuvre des Alsaciens et Lorrains, 2: peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.21839#0205

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194

GAZETTE DES BEAUX-'ARTS.

attendu. Certes on peignait avant lui des scènes familières et Chardin
y brillait au premier rang ; mais Chardin ne faisait pas de drame, il
n’avait pas le don des pleurs ou du moins il gardait son émotion pour
sa bonne femme, Marguerite Pouget. Il n’était point d’ailleurs un homme
de théâtre. Or la situation des âmes sentimentales se précise ici par une
date. L’auteur des tragédies larmoyantes, Nivelle de la Chaussée, étant
mort en 1754, on lui cherchait un remplaçant.

L’attente ne fut pas longue. C’est au Salon de 1755 que Greuze
exposa pour la première fois et nous avons précisément au palais Bourbon
le tableau qui vint consoler les cœurs affligés, la Leclure de la Bible
(collection de Mme la baronne Bartholdi). L’attendrissement fut universel :
penser à la Bible en 1755, c’était déjà une chose rare; la faire lire par
des paysans, c’était le comble de la hardiesse. On connaît ce tableau
pour l’avoir vu longtemps dans la galerie Delessert; on en rencontre
tous les jours la gravure. Faut-il le confesser? nous ne sommes pas abso-
lument certain d’être ému et nous nous demandons avec angoisse si c’est
là une bonne peinture.

On doit reconnaître cependant que, dans la Lecture de la Bible, la donnée
est relativement simple. Greuze, qui a tant aimé le mélodrame, a encore
les timidités de la jeunesse; il cherche à être naïf. Son ambition était sans
doute d’arriver au maximum de la douceur convaincue et de la tendresse
vénérable dans la figure du vieillard qui, ses lunettes à la main, vient de
lire quelques versets du texte biblique et lève un peu les yeux pour voir
l’effet que sa lecture a produit sur son auditoire. Malheureusement cette
figure est manquée : la tête est informe et molle. Ce qu’il y a de meilleur
dans le tableau, c’est la composition, qui révèle un effort personnel, et
aussi les visages des jeunes filles penchées devant l’aïeul et attentives à
sa parole.

Ces petites têtes innocentes et étonnées appartenaient, pour le
temps, à un type inédit; elles contenaient tout juste autant de rusticité
qu’il était décent d’en faire paraître sous le règne de Mme de Pompadour
et de Carie Vanloo. Pour les amateurs de 1755, c’était presque une révé-
lation. Boucher, qui se piquait aussi d’être champêtre, avait bien montré
des rosières; on s’en était contenté, faute de mieux, mais dès ce jour elles
devinrent suspectes. Greuze introduisait au Salon du Louvre une exilée,
la vertu.

Ce tableau est intéressant à un autre point de vue. Nous étions tous
disposés à croire que Greuze avait commencé à faire de la peinture un peu
sèche et qu’avec les années sa manière était devenue souple, fondante,
vaporeuse, telle enfin qu’on la voit dans certaines de ses œuvres où tout
 
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