DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:Montaiglon, Anatole de: La famille des Juste en France, [2]
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
décorée, dit le Dictionnaire de Hurtaut et Magny (1779) ; mais dans la description
qu’il en donne il n’est pas question de Vierge en marbre. Comment cette Vierge était-
elle entrée dans les magasins de Versailles ? Voilà ce que je n’ai pas encore pu décou-
vrir ; vous le savez peut-être. En tout cas c’est déjà quelque chose que de savoir où
il faut chercher.
Est-il besoin de dire que j’ai été voir la Vierge de Versailles?
M. Courajod a raison ; elle est de l’Ecole de la Loire, un peu, mais
très-peu postérieure, mais elle n’est pas de la même main. Au premier
coup d’œil ce sont les ressemblances qui saisissent, le terrain est de même
légèrement en pente ; le soulier est rond de la même manière; les plis
du manteau sont aussi simples; l’enfant est de même sur le bras droit,
et la tête de la Vierge est aussi celle cl’une fdle de la Loire. Ensuite
on voit les différences et les infériorités. La tête est seulement calme et
n’a pas d’expression. Si les plis de la partie inférieure sont larges, ils
sont minces dans tout le vêtement, qui est inutilement compliqué; ainsi
les manches de la robe sont bouillonnées et boutonnées tout le long
de l’avant-bras, avec, au poignet, des manchettes tuyautées et rabattues,
et les deux bouts du voile, réunis sur la poitrine et dont l’enfant tient
de même un des côtés, ont trop d’épaisseur et d’importance. De plus,
ce qui est bien autrement grave, le hanchement est bien plus sensible,
tellement même que le buste trop court semble presque ne pas être
d’aplomb sur le corps. L’enfant est tourmenté et mauvais, cl’une ligne
désagréable ; la pose des mains de la Vierge semble la même, mais sa
gauche tient l’un des pieds nos du bambino. Le meilleur est la tête de
la Vierge, jeune et charmante, dont les cheveux légers, ni droits, ni
frisés, ni ondés, sont crépelés avec beaucoup de grâce.
En réalité ce n’est pas une copie, mais c’est une imitation évidente
de la figure du Louvre, faite dans l’école, et postérieurement, mais par
un véritable élève, qui ne s’est pas rendu compte des délicatesses et
des simplicités du vieux maître, et qui en ajoutant des détails et du mou-
vement, a cru mieux faire et: a moins bien fait.
ANATOLE DE M ON T A IG L 0 N.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
décorée, dit le Dictionnaire de Hurtaut et Magny (1779) ; mais dans la description
qu’il en donne il n’est pas question de Vierge en marbre. Comment cette Vierge était-
elle entrée dans les magasins de Versailles ? Voilà ce que je n’ai pas encore pu décou-
vrir ; vous le savez peut-être. En tout cas c’est déjà quelque chose que de savoir où
il faut chercher.
Est-il besoin de dire que j’ai été voir la Vierge de Versailles?
M. Courajod a raison ; elle est de l’Ecole de la Loire, un peu, mais
très-peu postérieure, mais elle n’est pas de la même main. Au premier
coup d’œil ce sont les ressemblances qui saisissent, le terrain est de même
légèrement en pente ; le soulier est rond de la même manière; les plis
du manteau sont aussi simples; l’enfant est de même sur le bras droit,
et la tête de la Vierge est aussi celle cl’une fdle de la Loire. Ensuite
on voit les différences et les infériorités. La tête est seulement calme et
n’a pas d’expression. Si les plis de la partie inférieure sont larges, ils
sont minces dans tout le vêtement, qui est inutilement compliqué; ainsi
les manches de la robe sont bouillonnées et boutonnées tout le long
de l’avant-bras, avec, au poignet, des manchettes tuyautées et rabattues,
et les deux bouts du voile, réunis sur la poitrine et dont l’enfant tient
de même un des côtés, ont trop d’épaisseur et d’importance. De plus,
ce qui est bien autrement grave, le hanchement est bien plus sensible,
tellement même que le buste trop court semble presque ne pas être
d’aplomb sur le corps. L’enfant est tourmenté et mauvais, cl’une ligne
désagréable ; la pose des mains de la Vierge semble la même, mais sa
gauche tient l’un des pieds nos du bambino. Le meilleur est la tête de
la Vierge, jeune et charmante, dont les cheveux légers, ni droits, ni
frisés, ni ondés, sont crépelés avec beaucoup de grâce.
En réalité ce n’est pas une copie, mais c’est une imitation évidente
de la figure du Louvre, faite dans l’école, et postérieurement, mais par
un véritable élève, qui ne s’est pas rendu compte des délicatesses et
des simplicités du vieux maître, et qui en ajoutant des détails et du mou-
vement, a cru mieux faire et: a moins bien fait.
ANATOLE DE M ON T A IG L 0 N.