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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 15.1877

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Nr. 3
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Ballu, Roger: Diaz: les artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.21844#0303

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292

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

effet; cl’employé subalterne il était devenu artisan, sinon artiste. Dans
cette fabrique de porcelaines peintes, il fit la connaissance de Jules
Dupré, de Gabat, de Raffet. Cette réunion fortuite de ces quatre jeunes
hommes marqués d’avance par le destin pour un grand avenir, dut être
féconde pour l’art. Ils se firent part de leur mutuel dégoût de cette
production anonyme et vulgaire ; ils mirent en commun leurs impa-
tiences, leurs aspirations secrètes, leurs vagues espérances d’un temps
meilleur; c’est dans ce commerce quotidien de l’atelier qu’ils se sen-
tirent artistes et comme tourmentés du désir de tendre plus haut. Les
temps, du reste, étaient propices; l’heure sonnait des généreux enthou-
siasmes; la forte génération de 1830, en pleine sève, allait commencer à
fleurir. Avec son imagination ardente, son tempérament de feu, son
caractère exalté, Diaz devait s’émouvoir du grand mouvement intellec-
tuel qui, cependant, passait alors si haut au-dessus de sa tête. Dans sa
sphère modeste d’artisan à la journée, il en ressentit le contre-coup; il
résolut d’affirmer sa petite indépendance. Un jour, délaissant les types
connus et les modèles consacrés, il s’imagina de décorer un vase selon
son goût et de donner carrière à sa fantaisie. C’était son coup d’Etat.
Le patron, exaspéré, lui enjoignit de rentrer dans l’ordre. Le jeune éman-
cipé répondit par un refus et renonçant pour toujours à l’enluminure
des compotiers, des assiettes et des vases, il se jeta dans l’art libre.

Mais la liberté c’était pour lui la misère. — Qu’allait-il devenir? il se
trouvait sans protections et sans ressources. La terrible question se
posait de nouveau : Comment vivre? et cette fois ce n’était pas un
enfant sans exigences qui devait la résoudre, mais bien un homme qui
avait la conscience de sa dignité. Le passage de l’obscurité complète
aux premières lueurs de la célébrité est pénible d’ordinaire pour un
artiste, mais pour Diaz il dura des années et fut rempli d’angoisses.
L’infortuné eut à lutter non contre la pauvreté, mais contre le dénûment.
Avide de s’instruire, et voyant plus distinctement chaque jour se lever
devant lui son idéal, il méprisait les souffrances matérielles ; vêtu de
haillons, il faisait des repas de hasard. La nécessité impitoyable qui
l’étreignait l’abreuva des plus dures humiliations. Parfois, le soir venu,
quand il se sentait protégé par l’ombre, — je dis cela aux jeunes artistes
qui désespèrent et accusent la fortune de lenteurs, — il descendait dans
la rue, ouvrait les portières des voitures qui s’arrêtaient, et... tendait la
main. Puis, dès que le jour brillait, oubliant ce qu’il avait fait la veille,
il lançait, ailes déployées, son imagination à travers ses rêves de gloire.
« J’aurai plus tard des chevaux et des voitures avec un pilon d’or comme
armoiries, et ce sera mon pinceau qui me les donnera! » s’écriait-il.
 
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