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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 22.1880

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Nr. 1
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Chennevières-Pointel, Charles Philippe de: Le Salon de 1880, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.22842#0080
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70

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Delacroix et Géricault n'ont pas, que je croie, manqué de style, et Ingres
a été proscrit pendant les trois quarts de sa vie, comme n'ayant pas celui
de l'école ; on le conspuait, dans sa jeunesse, du nom de Holbein, bien
que Holbein et aussi Ingres n'en aient pas été dépourvus. Le vrai style,
c'est l'envers de la convention; le style, c'est la sincérité, c'est la force
et la profondeur de l'expression. Si le monde des arts devait périr, il
périrait par l'académique; le comble de l'académique n'est-il pas le
byzantin? — Toute école malade n'a qu'un moyen de salut : c'est de
. revenir à la sincérité, à la naïveté, j'entends à la naïveté vraie, à celle
qui regarde tout droit la nature et l'exprime sans système, avec la viva-
cité juvénile, si elle peut, des Italiens du xve siècle, des Hollandais du
xvii% même des Anglais du xix6 et de nos premiers romantiques, qui
eurent l'horreur du convenu. Nous avons eu, à notre époque, des
voyants extraordinaires de la nature, des yeux d'une pénétration tout à
fait singulière. M. Ingres a été, en ce sens, un des artistes les plus éter-
nellement jeunes que pourra jamais citer notre pays; Th. Rousseau en a
été un autre; Courbet, le paysan Courbet, a eu, lui aussi, un œil admi-
rable ; Meissonier a dû à ce même privilège une influence de quarante
ans; et, oserai-je le dire? ces impressionnistes, que l'on raille, ont rendu,
quand ils n'étaient pas complètement fous, et rendront encore, j'imagine,
de grands services à l'école, car leur point de départ est bien près du
vrai. En peinture, le tout est de voir, et aussi, cela va sans dire, d'expri-
mer sans banalité ce que l'on voit. Une école peut s'épuiser longtemps
dans le poncif de certaines formes et de certains tons. L'élégance elle-
même, ce don adorable de la Renaissance, a pu devenir insupportable de
maniérisme à notre génie national, dont elle est l'essence. La clarté
vigoureuse du Poussin et de David a pu fatiguer, à la longue, notre goût
si amoureux de lumière. 11 a fallu, à chaque période, se retremper dans
le naturel. Un homme vient, qui découvre des lunettes nouvelles à tra-
vers lesquelles apparaît en une sorte de nouveauté cette même éternelle
nature, et voilà un maître derrière lequel chacun se range, et voilà une
école qui reverdit. Nous en sommes là; le maître est attendu. C'est à
chacun de nos artistes à le chercher, c'est-à-dire à se chercher soi-même ;
mais soyez sûrs que, si ce maître doit venir, vous ne le trouverez point
parmi les demi-en terrés sous les ruines des anciennes écoles, vous ne le
trouverez point en dehors de ceux qui tournent et retournent pieuse-
ment les secrets de la mère nature; là est la palme, là est le trésor.

PII. DK GHENNEVIÈRES.
 
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