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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
pure essence de son génie ». C’est en effet comme le résumé de tous
les dons qu’il avait reçus, de toute la science qu’il s’était faite.
L’œuvre est caressée et volontaire dans le choix des types, dans le
jeu des lignes et dans l’assortiment des couleurs. Rien de trop voyant :
des rouges rompus, des ombres transparentes quoique chaleureuses,
des carnations doucement ambrées à la vénitienne, et dans les petits
anges voltigeant au ciel des finesses de tons qui dépassent les déli-
catesses les plus subtiles. Etudier ce tableau, à la fois brillant et sage,
c’est revoir du premier jusqu’au dernier jour la vie de Rubens; c’est
le saisir dans la réalisation définitive de son rêve. L’arome de vingt
chefs-d’œuvre se concentre dans ce bouquet merveilleux. Et cette
peinture exquise apporte au cœur un autre bienfait. Si, dans le cours
d'une longue étude, l’admiration s’est montrée çà et là hésitante et
troublée, le Saint Georges la rassure et la raffermit. 11 supprime avec
une autorité victorieuse toutes les réserves qu’on a pu faire à propos
de l’idéal du puissant créateur. Comme le triste groupe des oiseaux
de nuit au retour du soleil réveillé, le sinistre essaim des objections
s’envole vaincu par cette éclatante lumière. C’est le maitre éternel
qui a raison contre la critique, c’est lui qui triomphe et qui com-
mande. Si l’on croit à la justice, si l’on aime la peinture, il faut entrer
dans la chapelle où dort le grand Rubens, l’âme pleine de reconnais-
sance et les mains pleines de fleurs.
PAUL MANTZ.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
pure essence de son génie ». C’est en effet comme le résumé de tous
les dons qu’il avait reçus, de toute la science qu’il s’était faite.
L’œuvre est caressée et volontaire dans le choix des types, dans le
jeu des lignes et dans l’assortiment des couleurs. Rien de trop voyant :
des rouges rompus, des ombres transparentes quoique chaleureuses,
des carnations doucement ambrées à la vénitienne, et dans les petits
anges voltigeant au ciel des finesses de tons qui dépassent les déli-
catesses les plus subtiles. Etudier ce tableau, à la fois brillant et sage,
c’est revoir du premier jusqu’au dernier jour la vie de Rubens; c’est
le saisir dans la réalisation définitive de son rêve. L’arome de vingt
chefs-d’œuvre se concentre dans ce bouquet merveilleux. Et cette
peinture exquise apporte au cœur un autre bienfait. Si, dans le cours
d'une longue étude, l’admiration s’est montrée çà et là hésitante et
troublée, le Saint Georges la rassure et la raffermit. 11 supprime avec
une autorité victorieuse toutes les réserves qu’on a pu faire à propos
de l’idéal du puissant créateur. Comme le triste groupe des oiseaux
de nuit au retour du soleil réveillé, le sinistre essaim des objections
s’envole vaincu par cette éclatante lumière. C’est le maitre éternel
qui a raison contre la critique, c’est lui qui triomphe et qui com-
mande. Si l’on croit à la justice, si l’on aime la peinture, il faut entrer
dans la chapelle où dort le grand Rubens, l’âme pleine de reconnais-
sance et les mains pleines de fleurs.
PAUL MANTZ.