Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (2. Pér. 33.1886)

DE L’ART ANTIQUE

L’art a des exigences et des dédains que
l’archéologie ne connaît pas. Comme il a
pour but l’étude de l’antiquité d’après ses
monuments et non point une jouissance
esthétique, l’archéologue, magistrat ins-
tructeur, recherche et provoque partout
des témoignages; homme de goût, il salue
la beauté quand il la rencontre, mais il
n’hésite point à s’arrêter devant un objet
d’aspect vulgaire ou désagréable s’il peut
en espérer quelque éclaircissement sur tel
détail du passé qui le préoccupe. Pour
l’archéologue, il est parfois vrai de dire
que le beau c'est le laid, en ce sens que, au
point de vue spécial où il se place, il y a
souvent plus de profit à tirer d’une œuvre
grossière, primitive, mais nouvelle, que
de quelque réplique achevée d’un motif connu. L’ar-
tiste est dans des dispositions toutes différentes. L’an-
tiquité, pour lui, n’est pas une énigme obscure à
pénétrer, mais une conseillère lumineuse à laquelle
il demande des enseignements; ce qu’il recherche dans les musées, ce n’est,
pas ce qui ne lui rappelle rien de connu, mais, au contraire, ce qui atteste
une fois de plus l’éternelle fraîcheur de l’art antique et la fixité de l’idée du
beau à travers les âges. Aussi, parmi les centaines d’objets inédits que les
fouilles amènent chaque année à la lumière ou qui sont exhumés des col-
lections par la photographie ou la gravure, en est-il bien peu qui méritent
à la fois les regards de l’artiste et de l’antiquaire. Mais ces monuments
privilégiés, ces happyfew, il faut que les érudits ne soient pas seuls à les
connaître et cela, non seulement dans l’intérêt des artistes, de tous les amis

XXXIII. — 2e PÉRIODE.

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