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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 34.1886

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Nr. 3
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Crowe, Joseph A.: Sandro Botticelli, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.19428#0189

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178

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

créés avec une même puissance. Quant à Michel-Ange, rude et altier
et d’une laideur repoussante, il n’aurait été qu’un réaliste sans élé-
gance, lin rimeur sans poésie, un violent sans courage, un artiste
dans tous les éléments de son art, un créateur égoïste dont le but
exclusif était de donner à la forme rêvée un caractère singulier qui
devait à tout jamais le distinguer des autres.

Si je rappelle ce contraste, ce n’est pas pour essayer d’y faire la
part de la vérité et de l’exagération, mais pour rappeler qu’une même
amitié unissait ces deux grands rivaux, si diversement appréciés, à
Sandro Botticelli. En effet, Michel-Ange, lorsqu’il voulut, en 1496,
correspondre avec Laurent II de Médicis, n’eut pas d’autre confident
que le vaillant élève de Fra Filippo, et Léonard dans un des rares
passages de ses écrits où il fait allusion aux peintres, ses contem-
porains, ne parle qu’avec respect de « notre Botticelli ».

Elève de Fra Filippo ! Voilà qui nous transporte en plein xve siècle
au cœur de la Toscane, dans l’atmosphère de cette cour florentine où
nous trouvons Laurent le Magnifique, ce prince superbe qui, tout en
protégeant les traditions religieuses auxquelles il reconnaissait une
importance politique capitale, cultivait en même temps et avec une
égale ardeur les idées de la Renaissance qui ramenaient en Italie la
libre pensée. Est-il nécessaire d’insister sur le caractère ambigu de
ces Mécènes doublés de tyrans qui flattaient et choyaient toutes les
communautés monacales, mais qui à l’occasion ne faisaient que rire
quant un protégé, comme le vieux Lippi, séduisait et enlevait une
des nonnes de Prato. « Nous avons bien ri, dit Giovanni de Médicis,
faisant allusion dans une lettre aux peccadilles du moine, nous avons
bien ri de l’erreur de Fra Filippo. »

Chez frère Philippe la peinture est un mélange surprenant de
traditions du cloître et d’expériences mondaines. Élève de Fra
Angelico, il n’a conservé de lui que l’enveloppe de son art, dont il ne
connaît ni la candeur ni l’idéalisme. En formant ses élèves il leur
communique un style original et plein de charme. Il n’a pas dépendu
de lui que Sandro Botticelli ne soit pas devenu un artiste absolument
profane. A sa mort, Fra Filippo laisse après lui Filippino, le fils de
cette Lucrezia Buti qu’il avait séduite au couvent de Prato, couvent
dont il était le chapelain ; il confie ce fils à Fra Diamante et à Botti-
celli qu’il reconnaît ainsi comme le meilleur peintre de son époque à
Florence. Botticelli est alors assez jeune pour pouvoir se retremper
à la vue des œuvres rudes, mais énergiques des Pollajuoli et d’Andrea
del Castagno. Il voit poindre à ses côtés le talent plus froid, mais plus
 
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