LA RENAISSANCE AU RUSÉE DE BERLIN.
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insipide, le coloris trop monotone et trop clair et, comparée à celle
des merveilleux petits tableaux aux tons émaillés du même peintre,
l’exécution a quelque chose de décoratif et qui sent le métier.
A cette Madone, j’en préfère une autre de Memlinck représentant
la Vierge en figure entière et trônant. Ce tableau n’est à la vérité
catalogué que comme l’œuvre d’un successeur de Memlinck en 1490,
mais qu’on le rapproche de l’œuvre principale des dernières années
de Memlinck, la Crucifixion, malheureusement trop peu connue, qui
se trouve à la cathédrale de Lubeck et qui porte la date 1491, et l’on
verra s’établir entre ce tableau d’autel et la Madone du Musée de
Berlin la plus étroite parenté : c’est le même coloris solide et un peu
froid, la même facture large; les deux paysages sont semblables et
dans l’un et l’autre tableau se retrouve le même vase Caffagiolo avec
son bouquet de fleurs.
Il est un autre tableau plus petit, un Jugement dernier, attribué à
un « Maitre des Pays-Bas en 1465 », que je voudrais rapprocher
encore de la manière de Memlinck, mais à titre de simple hypothèse.
Malheureusement cette petite toile a été, et sans doute au xve siècle,
complétée dans sa partie inférieure par quelque grossier élève qui,
sur le premier plan a ajouté l’épisode des vierges sages et des vierges
folles. Mais, autant qu’on en peut juger par ce qui reste du tableau
primitif, l’auteur semble être un des premiers successeurs de Rogier
van der AVeyden et avoir eu connaissance du célèbre tableau du
maitre à Beaune. Le coloris est plus chaud, plus lumineux et a plus
de fondu que chez Rogier, les têtes sont plus nobles et plus charmantes,
les nus sont gracieux et sveltes. Ce Jugement dernier du Musée de
Berlin me semble offrir une étroite parenté justement avec la plus
ancienne œuvre connue de Memlinck, le Jugement dernier que l’on
voit à la Marienkirche, à Danzig.
Alors qu’on ne connaissait pas encore son nom, les œuvres de
Thierry Bouts étaient régulièrement attribuées à Memlinck; le
Musée de Berlin possède de lui deux excellents tableaux, volets
d’un tableau d’autel dont le panneau central, représentant la Cène,
se trouve encore à Saint-Pierre, à Louvain. Ce tableau d’autel appar-
tient aux dernières années de ce maitre mort à Louvain le 6 mai 1475,
comme le montre la quittance du payement du tableau datée 1468.
Les deux volets du Musée de Berlin caractérisent au mieux le talent
de Thierry Bouts. Le second de ces volets, représentant la Pâque,
montre combien ce talent était insuffisant dans les sujets mouve-
mentés : l'ordonnance est pauvre, les figures manquent d'expression;
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insipide, le coloris trop monotone et trop clair et, comparée à celle
des merveilleux petits tableaux aux tons émaillés du même peintre,
l’exécution a quelque chose de décoratif et qui sent le métier.
A cette Madone, j’en préfère une autre de Memlinck représentant
la Vierge en figure entière et trônant. Ce tableau n’est à la vérité
catalogué que comme l’œuvre d’un successeur de Memlinck en 1490,
mais qu’on le rapproche de l’œuvre principale des dernières années
de Memlinck, la Crucifixion, malheureusement trop peu connue, qui
se trouve à la cathédrale de Lubeck et qui porte la date 1491, et l’on
verra s’établir entre ce tableau d’autel et la Madone du Musée de
Berlin la plus étroite parenté : c’est le même coloris solide et un peu
froid, la même facture large; les deux paysages sont semblables et
dans l’un et l’autre tableau se retrouve le même vase Caffagiolo avec
son bouquet de fleurs.
Il est un autre tableau plus petit, un Jugement dernier, attribué à
un « Maitre des Pays-Bas en 1465 », que je voudrais rapprocher
encore de la manière de Memlinck, mais à titre de simple hypothèse.
Malheureusement cette petite toile a été, et sans doute au xve siècle,
complétée dans sa partie inférieure par quelque grossier élève qui,
sur le premier plan a ajouté l’épisode des vierges sages et des vierges
folles. Mais, autant qu’on en peut juger par ce qui reste du tableau
primitif, l’auteur semble être un des premiers successeurs de Rogier
van der AVeyden et avoir eu connaissance du célèbre tableau du
maitre à Beaune. Le coloris est plus chaud, plus lumineux et a plus
de fondu que chez Rogier, les têtes sont plus nobles et plus charmantes,
les nus sont gracieux et sveltes. Ce Jugement dernier du Musée de
Berlin me semble offrir une étroite parenté justement avec la plus
ancienne œuvre connue de Memlinck, le Jugement dernier que l’on
voit à la Marienkirche, à Danzig.
Alors qu’on ne connaissait pas encore son nom, les œuvres de
Thierry Bouts étaient régulièrement attribuées à Memlinck; le
Musée de Berlin possède de lui deux excellents tableaux, volets
d’un tableau d’autel dont le panneau central, représentant la Cène,
se trouve encore à Saint-Pierre, à Louvain. Ce tableau d’autel appar-
tient aux dernières années de ce maitre mort à Louvain le 6 mai 1475,
comme le montre la quittance du payement du tableau datée 1468.
Les deux volets du Musée de Berlin caractérisent au mieux le talent
de Thierry Bouts. Le second de ces volets, représentant la Pâque,
montre combien ce talent était insuffisant dans les sujets mouve-
mentés : l'ordonnance est pauvre, les figures manquent d'expression;