Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 3.1890)

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

sions du tout et, réciproquement, du tout à la mesure de la moindre
de ses parties : c’est ce que les Grecs appelaient la symétrie. Le
Doryphore était une généralisation représentant le Grec dans la plé-
nitude de ses aptitudes; pour ces derniers le sens numéral du mot
doigt veut dire, un travers cle doigt, il y avait donc quatre travers de
doigt dans le palme, le module d’une statue grecque était tiré d’elle-
même; d’après Galien, le palme, avec ses subdivisions et ses multiples,
était le module de son canon. L'Antinous est exécuté d’après ces
données; on trouve six fois le palme dans la hauteur de la jambe, six
fois depuis le dessus de la rotule jusqu’au nombril; six fois, de ce
point, au bas du lobe de l’oreille ou mieux du trou auditif; six fois
de l’attache du col, c’est-à-dire à la jonction des clavicules, jusqu’au
bas de la région pubienne, etc.

A propos de la question qui nous occupe, nous croyons pouvoir
résumer l’impression qui nous est restée de l’enseignement du con-
sciencieux statuaire, professeur d’esthétique au Collège de France, en
disant que l’étude de la nature étant le premier devoir de l’artiste
sérieux, on est cependant forcé de reconnaître que l’influence du
modèle opère d’une façon bien différente sur chaque individu,
et cela sera-toujours ainsi, parce que l’œil ne photographie pas, mais
qu’il compose, obéissant à l’imagination et au tempéramment du des-
sinateur auquel on ne doit, dans beaucoup de cas, demander que la
vraisemblance issue d’une apparence fictive répondant à la réalité;
ajoutons que le spectateur gagnera, généralement, à cette interpré-
tation, ses qualités personnelles la transformera en une création
plus spirituelle que nature, puisqu’elle éveillera une idée plus élevée
du sujet.

Aujourd’hui l’antique est un enseignement fructueux comme
étude d’un idéal fort, d’une beauté puissante, mais nos idées sont
changées, nous vivons au jour le jour et avec la vitalité et le mouve-
ment de notre époque, l’art est plus à la portée de tous ; il s’est un
peu amoindri en étendant ses libertés, les petits détails de la sculp-
ture fouillée nuisant à la facture magistrale du statuaire; la France
n’en est pas moins très forte et très indépendante dans l’art difficile
de faire vivre le marbre et d’animer le bronze; nos artistes savent
produire un travail d’expression ayant la souplesse naturelle en
serrant la nature de très près et le progrès s’accusera, d’autant plus,
qu’on sentira l’instruction première, établissant une base exactement
proportionnée, soutenant avec harmonie la construction des détails;
•il n’est plus question d’arrangements classiques, mais seulement