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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Wyzewa, Teodor de: Le mouvement des arts en Allemagne, en Angleterre et en Italie
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0096

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86

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Ce que M. Thode a entrepris pour les petits musées d’Allemagne, M. Müntz,
dans la même Revue, l’a tenté pour un musée provincial français, le Musée de
Tours, et l’étude qu'il a consacrée aux deux tableaux de Mantegna que contient ce
musée mériterait de nous retenir longtemps. Les deux tableaux représentent,
comme l’on sait, le Christ aux Oliviers et la Résurrection. Ils constituaient, avec la
Crucifixion du Louvre, la predella de l'autel de San-Zeno, et M. Müntz souhaite,
avec grande raison, que la direction des Beaux-Arts transporte au Louvre les deux
peintures du Musée de Tours, de façon à nous offrir l’ensemble de cette magnifique
predella. La Résurrection est inspirée directement de la fresque peinte en -1445
dans le palais communal de Borgo San-Sepolcro par Piero délia Francesca. Il y a
plus qu’une simple ressemblance, il y a imitation manifeste. Comment Mantegna
a-t-il pu connaître, en 1458 ou 1459, la fresque de Piero délia Francesca ?
M. Müntz avoue l’ignorer; mais il observe que la connaissance des œuvres nouvelles
se propageait alors d’une ville à l’autre de l’Italie avec une rapidité surprenante,
comme suffirait à le prouver l’imitation par Mantegna, dans ses fresques des
Eremitani, du Saint Georges de Donatello. Le Saint Georges n’avait pas quitté
Florence, où il ne paraît pas que Mantegna soit jamais allé.

Il est en effet assez étrange que Mantegna ait pu imiter des œuvres qu’il
n’avait jamais vues; mais quand bien même on saurait de quelle façon il a pu les
connaître, il y aurait encore des gens pour s’étonner qu’un artiste si personnel se
soit permis d’imiter les ouvrages de ses confrères. Et ces gens-là seraient à la fois
édifiés et scandalisés, s’ils lisaient l’étude de M. Claude Phillipps, intitulée Les
Plagiats des maîtres. Ils apprendraient, par exemple, que personne n’a eu moins
de scrupule à imiter les œuvres d’autrui que Michel-Ange : sa fameuse Pietà
reproduit entièrement la disposition d’un groupe d’ivoire italien de la seconde
moitié du xive siècle, aujourd'hui au Brilish Muséum ; son David rappelle par plus
d'un trait le Castor et Pollux de Monlecavallo ; et l’on trouvera au grand portail
de San-Petronio, à Bologne, l’original, sculpté par Jacopo délia Quercia, de la
Création d’Ève de la chapelle Sixtine. Ces imitations n’enlèvent rien au génie de
Michel-Ange; elles ne l’empêchent point de rester toujours original, et d’apporter
à son œuvre des qualités toutes nouvelles. Shakespeare et Molière se sont permis,
eux aussi, de pareilles imitations; ils sont même allés jusqu’à intercaler dans leurs
pièces des scènes entières qu’ils empruntaient à leurs confrères; et cela nous
semble aujourd’hui tout naturel, tandis que nous pardonnons malaisément à un
contemporain les emprunts même les mieux dissimulés. Serait-ce donc que le sens
de l’originalité se serait déplacé, ou est-ce seulement notre paresse de jugement
qui nous porte à estimer les œuvres d’art d’après leurs qualités extérieures, ou
bien le nombre des sujets est-il devenu si restreint qu’il y ait désormais un mérite
exceptionnel à en trouver de nouveaux ?

II.

II serait fort à souhaiter que M. Frizzoni parvienne à nous faire aimer autant
qu’il en est digne l’excellent maître vénitien Lorenzo Lollo. Notre Louvre possède
le premier ouvrage de ce délicat et charmant artiste, un petit Saint Jérôme de
 
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