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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 2
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Michel, Émile: La jeunesse de Rembrandt, 1: 1606 - 1631
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0121

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LA JEUNESSE DE REMBRANDT.

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aujourd’hui le Jugement dernier de Lucas Huyghensz et le triptyque
d’Engelbrechsz, son maître.

Si vives que fussent pour lui ces jouissances, la campagne des
environs de Leyde lui en fournissait de mieux faites pour lui plaire,
et en dehors des heures de classe il n’était pas en peine de bien
employer ses loisirs. Quoique d’un caractère affectueux et tendre, il
demeura toujours assez sauvage, aimant à observer dans son coin, à
vivre à part et à sa guise. Aussi de bonne heure il manifesta cet
amour de la campagne qu’il devait toujours conserver. La situation
même de la maison paternelle, sur les remparts, à l’extrémité occi-
dentale de la ville et en vue des pâturages qui bordaient l’autre rive
du Rhin, semblait choisie à souhait pour ce solitaire. De tous côtés
des promenades variées s’offraient à lui. Dans le voisinage le plus
proche, c’étaient, vers Rynsbourg et Schans, de vertes prairies
égayées par un nombreux bétail, et çà et là des fermes entourées de
grands arbres, des bateaux aux voiles pittoresques parcourant les
canaux ou le cours même du fleuve. Vers Oestgeest, où son père était
propriétaire d’un jardin d’agrément, il rencontrait de beaux domaines
dont les ombrages respectés s’apercevaient de loin dans la plaine.
Avait-il plus de temps, il poussait jusqu’à la mer, vers Zuytbroeck,
d’où sa mère était originaire et où il avait probablement encore de
la famille. C’était sans doute dans cette direction que ses pas se
portaient de préférence, car il y trouvait la nature entièrement
abandonnée à elle-même, avec le moutonnement confus de ses dunes
et leur végétation rare, tourmentée, courbée sous le vent de la mer.
Au milieu de cette contrée étrange, mais pleine de grandeur et
d’harmonie, il dut s’oublier plus d’une fois à interroger les horizons
infinis de la mer grisâtre et changeante, à voir se former dans le
ciel la troupe légère des nuages que pousse devant elle la brise du
large, à suivre le jeu mobile des ombres qu’ils projettent à tra-
vers l’espace. Frappé par la beauté de ce spectacle, le jeune écolier
essayait peut-être d’en reproduire les aspects les plus saisis-
sants en griffonnant, sur quelque album apporté avec lui, des
croquis ingénus, souvenir de ces bonnes journées de liberté et de
contemplation. Mais, le lendemain, la tâche semblait plus dure au
pauvre reclus et il ne prêtait qu’une attention distraite aux leçons
du maître. Il fallut bien, à la fin, se rendre à l’évidence, et le peu de
goût que Rembrandt montrait pour les lettres, en même temps que
la vivacité du penchant qui l’entraînait vers la peinture, décidèrent
ses parents à le retirer de l’école latine. Renonçant à 1 avenir qu ils
 
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