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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 2
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Mantz, Paul: Watteau, 5
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0145

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GAZETTE DES BEAUX-AIITS.

outi’e, les dernières années de la vieillesse de Louis XIY avaient été
infiniment tristes et légitimaient l’intervention de la révolte dont
l’instrument suprême est le sourire. Un immense ennui pesait sur
la France. Le temps était venu de liquider définitivement le xvne siècle
et de mettre fin aux solennités de l’idéal attardé dans la rhétorique
et dans les pesanteurs officielles. A la fin du long règne de Louis XIY,
l’Académie, exacte représentation des forces de l’École, croyait
encore à l’art du passé et se perdait dans les redites. C’est l’àge des
colorations rousses et aussi du style à panache, mauvaise suite des
Bolonais, toujours adorés, toujours dangereux, et des pauvres pasti-
cheurs de la décadence. Si cette mode avait persisté, le déraillement
eût été complet et irrémédiable : il fallait arrêter la peinture française
sur le glissant chemin de l’abîme. Watteau arriva, et il fut le sauveur
attendu.

Il ne connut pas tout d’abord le maniement de l’outil par lequel il
devait vaincre, il ignora longtemps la puissance de la couleur et de
la lumière, il hésita même à se servir de l’esprit qui tranche tous les
noeuds gordiens. Au point de vue du coloris, dont il devait si bien
exalter la fleur, ses premiers tableaux sont, comme on pouvait le
prévoir, les manifestations embrouillées d’un contemporain de
Charles de la Fosse. La jeunesse commence toujours par parler le
langage de son temps. Watteau eut quelque peine à se débarrasser des
tons bruns : il y en a beaucoup, avec un peu de confusion, dans les
deux petits tableaux que nous avons retrouvés au Musée de l’Ermi-
tage. Ce sont, comme on sait, des scènes de la vie militaire; mais ici
un sentiment nouveau apparaît. Si les colorations restent brûlées à la
mode de 1710, les soldats que Watteau nous montre en marche ou au
repos dans un camp ne sont pas des guerriers romains de l’École de
Versailles; ce sont les fantassins de l’armée française telle qu’elle
était à Malplaquet, telle qu’elle allait être àDenain. Ces petits soldats
ne sortent point des galeries italiennes ; ils sont pris à la nature
vivante, ils ont été vus et dessinés d’après le vif, et ils ont le mouve-
ment assoupli, l’allure libre que peuvent seuls connaître les artistes
armés d’un crayon loyal. Dès le début, Watteau est en retard pour la
couleur, mais il parle déjà le langage de la vérité.

Il l’aima toute sa vie. Dans les livres qu’on lisait au temps de
notre jeunesse, dans les opinions anciennes dont l’écho se fait çà et
là entendre encore, Watteau est représenté comme un pur fantaisiste
qui aurait créé un monde artificiel et vécu dans la chimère. Rien
n’est moins exact que cette appréciation. Pour moi, je ne pardonnerai
 
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