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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 2
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Mantz, Paul: Watteau, 5
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0147

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132

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

jamais à Caylus d’avoir écrit : « Au fond, il étoit-infiniment ma
niéré. » Voilà ce qu’on osait dire en pleine Académie en 1748, en
présence de Charles Coypel et de beaucoup d’autres qui étaient, je
suppose, des maniéristes suffisamment authentiques et qui ne bron
chèrent pas. Ce mot de Caylus fait croire, de sa part, à un accès
d’égarement intellectuel. Je professe sur Watteau une opinion abso-
lument contraire; je vois en lui le peintre de l’attitude exacte et du
geste vrai, et j’ose dire que c’est surtout en se servant de la vérité
qu’il a pu parvenir à ruiner l’ancien idéal et à accomplir sa révolu-
tion.

Watteau réaliste pourrait être le sujet d’une étude qui n’a jamais
été faite. Dès son enfance, il dessine d’après nature et s’intéresse aux
plus humbles spectacles. Gersaint est curieux à entendre sur ce
point. Alors qu’il était encore à Valenciennes, dit-il, « il profitoit de
tous ses instans de liberté pour aller dessiner sur la place les diffé-
rentes scènes comiques que donnent ordinairement au public les
marchands d’orviétan et les charlatans qui courent le pays ». — Ce
monde des petits et des pauvres, ces bohèmes de la vie en plein air
ont toujours passionné Watteau. Il y est revenu bien des fois. De
nombreux crayonnages, la plupart à la sanguine,, le montrent obser-
vateur assidu des types populaires. Pour ne pas multiplier les
exemples, je me bornerai à citer le Rémouleur, dessin qui a successi-
vement appartenu à Julienne et à Mariette, et qui est aujourd’hui
dans les portefeuilles du Louvre. L’allure générale, le vêtement usé,
le mouvement des mains attentives à la besogne, la construction
rudimentaire de la machine à repasser, tout parle d’une étude faite
d’après nature.

Un autre type, rencontré dans les rues ou à la campagne, a aussi
préoccupé Watteau qui l’a reproduit plusieurs fois. C’est le Savoyard,
promenant dans sa boite la marmotte de la montagne natale. C’est
d’ordinaire un jeune garçon assez dépenaillé qui n’est pas assez fier
pour refuser une aumône. Nous l’avons en dessin dans les Figures
de différents caractères, nous l’avons aussi en peinture dans un tableau
du Musée de l’Ermitage, qui a appartenu au décorateur Audran, con-
cierge du Luxembourg et l’un des maîtres de Watteau. Ce n’est pas
une invention frivole et souriante. Un jeune savoyard, la tète nue,
le corps pauvrement vêtu d’une mauvaise houppelande brune, est
debout à l’entrée d’un village. Il porte une marmotte sur sa boite et
tient à la main un flageolet démesuré; à droite, le clocher pointu
d’une église ; à gauche, une rangée de maisons qu’on aperçoit entre
 
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