Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

DOI issue:
Nr. 2
DOI article:
Mantz, Paul: Watteau, 5
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0153

DWork-Logo
Overview
loading ...
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
138

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

rants crevaient avoir le droit de frotter à outrance les tableaux
que leur confiaient des amateurs candides. Il y a au Louvi’e, dans la
collection Lacaze, un Watteau qui a subi la redoutable aventure.
C’est le tableau que le catalogue intitule le Faux pas et que, pour,
parler le langage du xvme siècle, on pourrait appeler Y Heureuse chute.
Une jeune femme tombe sur le gazon et elle est soutenue par un
amoureux qui, habile à utiliser l’accident, passe son bras autour de
sa taille. Ce n’est nullement une esquisse, comme le dit le catalogue :
c'est une peinture qui a été parfaite, et qui ne l’est plus parce qu’un
restaurateur barbare en a enlevé la couche superficielle. Grâce à ce
crime, on voit les dessous, et le tableau compromis devient une leçon.
Aux vêtements de la femme tombée, au manteau qui a glissé à terre
et surtout aux mains des personnages, on aperçoit des rouges exces-
sifs. Ainsi que Burger l’a remarqué, ces tons éclatants étaient, avant
le nettoyage, recouverts de glacis qui en atténuaient la franchise.
Cet exemple suffira à démontrer qu’à la façon de Rubens, "Watteau a
peint souvent les chairs au moyen de dessous empâtés et d’un ton
robuste ; il laissait sécher cette première couche et il la recouvrait
plus tard de matières transparentes qui, sous leur glace légère, lais-
saient percer l’éclat des colorations emprisonnées. C’étaient là des
ruses légitimes, des tours de main que tout le monde avait oubliés en
France aux derniers jours de la vieillesse de Louis XIV.

Watteau savait donc les bonnes méthodes pour peindre les chairs ;
mais ces chairs aux morbidesses attendries, aux fossettes persuasives,
il ne les mettait pas toujours sur une construction d’un beau style et
rien n’est moins toscan que son dessin. C’est pour cela qu’il a peint
si rarement des figures nues et que le nombre de ses mythologues est
resté si restreint.

Malgré l’exemple que lui donnaient ses contemporains et Gillot
lui-même, il a été également très sobre de peintures religieuses. lien
avait fait dans sa jeunesse, au temps de misère, lorsque son indigne
patron lui donnait trois livres par semaine. Le fameux Saint Nicolas,
qu’il a reproduit à satiété, et qui a été une des tristesses de son prin-
temps, est absolument disparu : cette sainteté de commande ne devait
pas d’ailleurs être une œuvre très forte, car elle n’était pas de l’in-
vention de Watteau qui ne travaillait alors que comme copiste :1e Saint
Nicolas est, du reste, antérieur au débrouillement chez Gillot et chez
Audran. Tout autre était le Christ en croix peint pour le curé do
Nogent et dont nous avons parlé d’après Caylus. C’était une pein-
ture de 1721, faite deux ou trois mois avant la mort du maître.
 
Annotationen