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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 3
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Fourcaud, Louis de: Francois Rude, 6
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0213

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GAZETTE DES BEAUX-AllTS.

du Génie qui jette aux horizons son formidable appel aux armes, il
fait poser Mme Rude, l’incitant à crier de toutes ses forces, s’exaltant
lui-même aux cris qu’elle pousse et clamant : « Plus fort ! plus
fort!... » De ses études de détail, il nous est resté deux masques
puissants, modelés en grandeur d’exécution, moulés, depuis, et même
passés dans le commerce, celui du Génie de la Patrie et celui du
mâle guerrier qui prend la tête des volontaires. En travaillant,
l’artiste s’enfièvre et sa passion gagne ses héros. Voyez donc !
Élancée en plein ciel, les ailes éperdument élargies, la France
appelle, appelle, appelle. Des quatre coins du pays, vous tous qui
pouvez opposer à l’ennemi la barrière de votre corps, levez-vous,
accourez. Le cri se propage aux plus lointains espaces : cri viril,
sans éclat de colère et sans râle de plainte, cri de défense et non de
haine ; cri de vertu sans tache et non d’orgueil ; cri d’appel irrésis-
tible et non de désespoir. Chacun, à l’entendre, se sent fort et hardi,
transporté de courage. Ce chef, au premier plan, en cotte de mailles,
en cuirasse antique, en grèves ciselées, agite son casque pour rallier
tous les vaillants et entraîne un jeune homme nu, le heaume au
front, la main au glaive. A droite, marche un homme d’âge, ayant
déjà tiré l’épée et repliant son manteau. A gauche, un jeune homme
au torse nu s’incline vers la terre, en train de courber son arc. Un
autre, tout proche, sonne de la trompette. Le drapeau flotte. L’ar-
deur éclate. Et l’on croit voir s’ébranler dans la pierre la trombe
humaine soulevée par un souffle supérieur, vibrante d’une voix
surnaturelle1.

Les figures n’ont pas loin de six mètres de proportion ; mais ce
n’est pas seulement par les dimensions que l’œuvre est colossale :
c’est surtout par l’impression qui en jaillit. L’ouragan de l’indépen-
dance nationale passe, discipliné, invincible; le frisson vous en
reste au cœur. Sans doute l’avenir aura des critiques à faire. Qu’im-
porte, lorsqu’on songe à cette soudaine proclamation des droits du
mouvement? Il est clair que Rude ne s’est pas entièrement affranchi
du joug classique : l’emportement superbe de sa composition, l’expres-

cètés est drapé à l'antique, dans le modèle, et lire son fer au lieu de le serrer
d’une main crispée. Le soldat qui sonne de la trompette est drapé à l’antique au
lieu d’èlrc revêtu de la colle de mailles. L’esquisse nous présente, enfin, deux
têtes de vieillards, au fond, à droite, au lieu d’une seule qu’on voit à l’exécution.
La préoccupai ion de Rude à remplacer les draperies par des pièces d’armure est
également digne d’être notée.

1. Voir l’eau-forte de Gôry-Bichard, Gazette, t. XXXVIII, 2» pér., p. 478.
 
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