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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 3
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Fourcaud, Louis de: Francois Rude, 6
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0215

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494

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

naître en plusieurs d’entre eux des modèles d’atelier, enrôlés
d’enthousiasme, mais conservant dans tout leur corps, en dépit
d’eux-mêmes, un fond de tradition. Il s’agit de nous rendre le sen-
timent de ce peuple d’ouvriers, de faubouriens, de va-nu-pieds, de
paysans, de Lourgeois, de patriotes de toutes les classes, qui se jeta
aux frontières en 1792. Pourquoi faire de ces héroïques rustres, de
ces citadins fanatisés, de ces soldats improvisés que le danger de la
patrie a fait surgir de la terre de France, des guerriers, sans con-
tredit admirables d’élan, mais sans le moindre signe qui les décèle
français, et en lesquels nous verrions tout aussi bien les Grecs de
Léonidas partant pour les Thermopyles? Admettons l’emploi du nu
comme particulièrement sculptural ; accepterons-nous aussi facile-
ment ces casques et ces cuirasses antiques, ces cottes de mailles, ces
glaives, ces arcs? Quoi I vous commémorez un événement d’hier et
vous empruntez aux arsenaux des Anciens les armes des recrues de
Sambre-et-Meuse ! Pas une arme à feu, pas une baïonnette, pas un
lambeau, pas une indication trahissant l’époque! L’illogisme est
flagrant. Seulement, c’est la postérité seule qui consacre des obser-
vations pareilles, après qu’on a fait une longue marche dans les voies
de l’émancipation et de la logique. Si indépendant que soit Rude, il
subit, sur quelques points, sans s'en apercevoir, la tyrannie de son
éducation académique et des préjugés invétérés. Et, cependant, son
chef-d’œuvre demeure intact, saisissant, grandiose, toujours neuf, en
possession de notre admiration intégrale. Le sculpteur n’a point,
comme Puget, fait trembler devant soi le marbre : il s’est contenté
de lui infuser la vie et un incomparable frémissement d’humanité l’a
traversé. Jamais, en aucun pays, une semblable poussée n’avait
secoué la dure matière. Qu’il subsiste, çà et là, des vestiges de
tradition, nous n’en avons cure : ils succomberont bientôt à la puis-
sante énergie qui se révèle et fait humainement palpiter, se mouvoir
et crier les statues. Et le jour où François Rude a terminé son
sublime groupe, on peut l’avancer hardiment, la statuaire française
est libre.

XXL

Pendant que l’on s’évertue à mener à bien les sculptures com-
mandées, une importante question commence à préoccuper le Minis-
tère. L’Arc est debout : il est immense, plein d’une épique majesté ;
 
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