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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 3
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Fourcaud, Louis de: Francois Rude, 6
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0223

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202

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Sainte confiance d’un artiste que rien ne démonte et qui n’admet
pas qu’on le puisse leurrer !

Entre temps, le maître a terminé, d’après d’anciennes études, le
modèle d’un bas-relief destiné à la façade du Palais-Bourbon, du
côté de la Seine. : Prométhée animant les Arts. Deux praticiens,
en 1834, vaquent à le mettre au point sous sa haute surveil-
lance. De quel œil Rude voit-il, à présent, cette composition d’un
goût un peu suranné et qui rappelle sa frise du château de Ter-
vueren? L’enfant qui forge une cuirasse à grands coups de mar
teau, le vieillard mesurant au compas un plan déroulé devant lui, la
jeune femme jouant delà lyre, toutes ces figures s’éveillent froidement
dans la pierre, selon les conventions classiques. Encore que l’élève
de Cartellier raisonne assez confusément d’esthétique, son instinct
le pousse en avant ; le sens de la vie et du mouvement le tourmente.
Aussi réserve-t-il le meilleur de lui pour l’exécution du groupe du
Départ, également aux mains des praticiens.

On lui a accordé 720 journées de maçon afin d’opérer, dans le
bloc de Chérence, le refouillement préliminaire. Maintenant, les
masses inutiles sont abattues ; les sculpteurs font vivre ces corps
héroïques dont les chairs palpitent davantage à chaque morsure du
ciseau ; le maître assiste à la graduelle évocation de son rêve. Presque
tous les jours, on le rencontre à l’atelier de l’Arc, revêtu de la blouse
des ouvriers, tâchant à faire passer en ses colosses de pierre quelque
étincelle du feu de son âme. Deux longues années, l’effort se pro-
longe, — deux années pleines, à son propre aveu, d’inquiétudes et
de joies. Ce que font ses rivaux, il n’en a souci. Sa porte est fermée à
tous. Il n’entend pas que l’on juge son œuvre avant qu’il l’ait en-
flammée de sa passion autant qu’il est en lui, qu’elle tressaille et
qu’elle crie. L’Arc de triomphe, de 1834 à 1836, est pareil à une
ruche énorme où, dans leur abri de planche et de verre, les statuaires
font parler l’Histoire de ce siècle, mais Rude seul la fait rugir. Là-
haut, sur la plate-forme, l’acrotère s’arrondit, nu et morne. C’est
l’unique partie du monument qu’on diffère de décorer. De tous les
projets de couronnement offerts à M. Thiers, n’en a-t-on reconnu
aucun digne de sonner la grande fanfare des triomphes de nos armées?
A-t-on reculé devant la dépense? Hélas ! bien des labeurs humains,
entrepris avec enthousiasme et longtemps continués, sont voués à
rester ainsi sans couronne! Et, comme ces cathédrales, six fois sécu-
laires, dont les tours attendent, de génération en génération, leur
flèche hautaine, le triomphal portique de l’Étoile se dressera, dans
les lointains avenirs, sublime et inachevé.
 
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