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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 3
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Mantz, Paul: Watteau, 6
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0247

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226

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

yeux ses amis de la Comédie italienne : il se console en faisant
poser d’autres personnages, en utilisant les croquis dont il a, avant
le départ, gonflé son portefeuille. Assises ou debout sur les marches
d’un palais de fantaisie, les figures, colorées comme des pierreries,
s’enlèvent, remuantes et vives, sur un fond d’un gris chaud. Le prin-
cipal personnage, celui qui occupe le centre de la composition et qui
domine de sa haute taille tous ses camarades, c’est Gilles, reconnais-
sable à son costume, à son attitude symétrique, et aussi à son
sérieux, car il semble désormais démontré que le caractère essentiel
de ce protagoniste de la Comédie, c’est qu’il conserve sa gravité au
milieu des lazzi les plus fous. Ici encore, la tête, très soignée et
très voulue, est un portrait; mais le modèle n’est pas celui qui
a posé pour le tableau de la galerie Lacaze. La fière comédienne,
placée à côté de Gilles et qui parait regarder l’humanité d’un air
dédaigneux, n'est pas non plus un type familier à Watteau :
pendant son séjour à Londres, l’artiste n’avait pas sous la main son
personnel accoutumé et il a été obligé de faire poser des voisins
ou des amis : cette altière coquette est vraisemblablement une
Anglaise. Et comme on voit bien, dans ce tableau, que Watteau avait
besoin de la nature! Il a trouvé des modèles pour tous les rôles de
la Comédie, il n’en a pas trouvé pour les deux enfants qui jouent au
premier plan, et il a été contraint de les inventer : de là une légère
faiblesse dans cette peinture où toutes les têtes sont des merveilles
d’individualité et d’esprit. La rentrée à Paris de ce tableau égaré
depuis plus d’un siècle doit être saluée comme une conquête faite
sur l’Angleterre.

Presque au même moment, la France remportait une seconde
victoire. Elle faisait revenir au bercail une autre peinture exilée
dans les environs de Londres, la Diane au bain, dont nous avons
parlé d’après la gravure de P. Aveline. Le tableau est aujourd’hui
chez M. Stéphane Bourgeois. C’est un Wratteau extraoi’dinaire et
digne du plus glorieux musée. L’estampe nous donnait une vague
idée du modelé des chairs palpitantes, mais elle ne disait pas le
charme de la couleur, la magie de la lumière qui inonde le paysage
et la baigneuse. Diane est assise sur une draperie blanche qui
recouvre en partie une étoffe d’un rose assez vif. Cette note rose
joue dans la peinture un rôle capital. Elle n’est pas complètement
isolée, en ce sens qu’elle trouve un écho dans les blancheurs rosées
du corps de la déesse, carnations souples et brillantes peintes par
un adorateur de Rubens; elle a une autre raison d’être, cette note
 
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