Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 3.1890)

344

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

dement la chevelure. Les feuilles de celle couronne sont celles du myrte, la
plante favorite de Vénus, aïeule des Jules, et nous avons là une illustration
remarquable du vers de Virgile qui nous montre Auguste « ceignant ses
tempes du myrte maternel j, cingens materna tempera myrte b On peut même
supposer que c’est sous l’influence du poète, devenu rapidement si popu-
laire, qu’un artiste de talent, à l’époque de Claude ou de Néron, aura eu l’idée
de couronner de ce feuillage la tète pensive du second César divinisé.

Nous ne voulons pas insister ici sur deux séries de découvertes très
importantes qui ont été faites en Grèce au cours de l’année 4889, parce que
nous nous réservons d’y revenir avec détail lorsque les monuments exhumés
auront été reproduits par la gravure. Disons seulement qu’il s’agit d’une
tombe à coupole, contenant des trésors analogues à ceux de Mycènes, qui a
été explorée près d’Amyclée dans le Péloponèse, et d’une merveilleuse
nécropole située à Érétrie, dans l’île d’Eubée, qui a fourni des vases et des
lécythes blancs d’une beauté incomparable. Mais nous nous reprocherions de
ne pas signaler plus longuement la curieuse collection de vases béotiens qui a
été recueillie, par l’École allemande d’Athènes, dans les ruines d’un temple
des Cabires près de Thèbes 3.11 y a là une variété de poteries encore presque
inconnue, portant des inscriptions dont il a été possible de conclure que les
vases en question ont été spécialement fabriqués pour être offerts en ex-voto
par les initiés du culte cabirique. Ainsi se trouve établie, pour la première
fois et d’une manière décisive, la possibilité d’une relation entre la céra-
mique peinte et les mystères qui, soupçonnée parles archéologues du siècle
dernier, a été trop obstinément niée par ceux du nôtre. Je ne veux pas dire
que les rêveries de Bœtliger, de Christie, de Millin lui-même, doivent être
réhabilitées par ces documents et réintégrées dans le domaine de la science,
mais on ne pourra plus désormais nier a priori, en alléguant le silence des
textes, que les vases peints de la Grèce propre aient parfois joué un rôle
dans les cultes mystiques.

La plupart des fragments recueillis au temple des Cabires sont d’un style
fort grossier et les dessins noirs qui les décorent éveillent souvent l’idée de
caricatures. Il y a cependant des exceptions, en particulier le beau morceau
que nous avons fait reproduire ici. Les inscriptions, fort heureusement, ne
laissent aucun doute sur les noms des personnages et ne permettent pas d’y
reconnaître une « scène bacchique » indéterminée. Un Cabire barbu, tenant
une coupe, est étendu sur un lit; devant lui, un enfant, ou plutôt l'Enfant
— peut-être Casmilos, peut-être Z agréas3 — verse le contenu d’un vase dans
une grande amphore placée plus bas. A gauche de l’amphore on distingue une
scène étrange : l’enfant Pratolaos, les mains jointes, la mine effarée, regarde
avec étonnement deux autres personnages, Mites et Krateia, qui paraissent
échanger d’intimes tendresses. Pratolaos et Krateia sont des noms nouveaux
pour les mythologues, mais Mitos est heureusement mentionné dans un

4. Virgile, Géorgiques, I, 20.

2. Alhenische Mittlicilungen, t. XIII, j». -412, pi. IX et suiv.

3. Malgré des affirmations téméraires et des erreurs matérielles, furticle Cabiri
de Lcnormant, dans le Dictionnaire de M. Saglio, est encore le plus riche réper-
toire de faits et d’hypothèses que l'on puisse consulter à ce sujet.