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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 4
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Funck-Brentano, Frantz: Documents sur quelques peintres français des XIVe et XVe siècles
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0378

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PEINTRES FRANÇAIS DES XIV* ET XV* SIÈCLES. 347

trois en souvenir. Ces indications jettent du jour sur l’art de l’époque. Elles mon-
trent à quel point l’exercice de l’art était soumis à l’organisation des métiers : le
patron instruisant l’apprenti, son serviteur, et lui transmettant les secrets qu’il
possède. Elles semblent également la confirmation d’un fait qui a toujours paru
vraisemblable : que les artistes du moyen âge, illustrant les scènes de la vie reli-
gieuse, travaillaient d’après des modèles établis et consacrés, auxquels il ne leur
était pas permis d’apporter des modifications importantes. Du xie siècle à Léonard
de Vinci, la figuration de la Cène n’a pas varié. C’est le propre de l’art hiératique.
Que seraient, en effet, ces parchemins peints, appelés « patrons », qui servent
d'exemples? Chatard paraît les distinguer des autres peintures de son atelier, ses
œuvres, parmi lesquelles il autorise son fils à en choisir trois.

Une autre disposition, sur laquelle le testateur s’étend avec une évidente com-
plaisance, concerne une dame Jeannette (Johanneta), femme d’un nommé Pierre
de Sainl-Oyen, pelletier. Jeannette tient une auberge et est fort jolie sans aucun
doute. Chatard lui lègue une de ses maisons, sise en la rue qui va du Gourguillon
à l’église Saint-Georges, maison qu’il acheta autrefois à Guichard Ponchon,
citoyen lyonnais; il lui donne également les revenus d’une seconde maison qu’il
possède dans la même rue, plus tout un service de table, y compris les coupes
et vases à verser le vin : souvenir des joyeuses lippées, en compagnie gracieuse
autour de la table de chêne; enfin, détail piquant, il lui lègue tout un mobilier,
qu’il acheta autrefois à une vente forcée, qui fut faite des meubles appartenant
au mari de Jeannette, « sur l’instance du seigneur Étienne de Fontaine, homme
discret, chapelain perpétuel de l’église de Lyon ». Que voulez-vous! les artistes
ont toujours aimé la beauté.

Nous venons de dire que la peinture au moyen âge était un métier. Mais s’il
est vrai que les peintres, en tant que corporation, relevaient de la sellerie, que
les architectes n’étaient que des maîtres maçons, et que les sculpteurs, « tailleurs
d’ymaigcs » se distinguaient à peine des tailleurs de pierre; il est vrai également
que les « œuvres vives » menaient déjà fort loin. Jean Chatard est un gros bonnet,
possédant maisons en ville et bonnes rentes. Un peu plus tard nous trouverons le
miniaturiste Pierre André et Jean Van Eyck, ambassadeurs aux cours de Louis
d’Orléans et du duc de Bourgogne. D’ailleurs MM. Guigue publient un second
testament de peintre lyonnais, daté du commencement du xve siècle (13 juin,
1407). Le nommé Pierre de Sargues nous apparaît également comme un person-
nage d’importance. Ces deux documents suffisent à montrer combien sont exagé-
rées les théories développées par M. Renan sur la condition des artistes au
xiv' siècle '. Mais Pierre de Sargues est une figure bien différente de son confrère
Chatard, le joyeux artiste du siècle précédent. 11 est vrai que Pierre de Sargues
est peintre en titre de l’église de Lyon et que sa dignité lui impose des mœurs
graves. Aussi fait-il son testament, quoique en bonne santé, « observant » que la
condition de l’homme est fragile, que l'homme vit entouré de mille dangers.
« Rien n’est plus certain que la mort, rien n’est moins certain que l'heure de la
mort, et le péril de mort est toujours près de nous. » Là-dessus le testalaire se
recommande à Jésus-Christ, à la Vierge Marie, et dit qu’il veut être enterré à
l’entrée de la grande porte de l’église Sainte-Croix, sous le tombeau qui est son 1

1. Histoire littéraire de la France au xiv° siècle, Discours sur l’État des Beaux-Arts par
Ernest Renan. — Paris, 1863, in-8°.
 
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