Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 3.1890)

ÉTUDES RÉCENTES SUR L’ÉCOLE HOLLANDAISE. 35a

demi-siècle après lui. C’est également dans le Jalivbuch que M. Jusli a donné une
notice sur les œuvres de Jérôme Bosch. Au cours des longues et minutieuses
recherches qu’il avait dû faire pour la préparation de son admirable livre sur
Velâzquez, l'un des plus remarquables que la critique ait produits de notre temps,
M. Justi avait eu l’occasion de rencontrer en Espagne plusieurs tableaux de ce
peintre rarissime dont la franche originalité tranche si nettement sur la physio-
nomie un peu monotone des successeurs de van Eyek. C’est avec un sens critique
dont l’élévation égale la perspicacité qu’il a remis en lumière cette singulière
figure du créateur de la peinture fantastique, le précurseur de P. Brueghel, de
Callot et de Teniers dans ces plaisanteries macabres dont notre temps est un peu
trop disposé à s’attribuer l’invention. Van Acken est un véritable peintre et il met
au service d’un esprit très personnel une souplesse de talent et une perfection de
technique qui suffiraient à sa renommée. A côté de scs tableaux religieux, comme
la Nativité du Musée du Prado, ses scènes familières, scs proverbes, ses Tentations
de Saint Antoine ou ses Péchés capitaux, forment,comme l’a dit M. Justi, une sorte
« d’album du Diable » plein de mirifiques trouvailles et d'apparitions imprévues
où le terrible se môle au comique.

C’est l’histoire de l’architecture et de la sculpture en Hollande que nous offre
à son tour M. G. Galland dans un livre paru tout récemment1. Le sujet, il est
permis de le dire, était restreint car, dans ces deux arts, l’originalité des Hollan-
dais est assez effacée; mais M. Galland n’a pas cherché à la surfaire et dans les
trois phases différentes qu’il signale : la Renaissance, la période d’expansion
nationale et le retour aux doctrines classiques, il a su démêler nettement la trace
des influences étrangères et caractériser le style des monuments des différentes
villes qu’il passe successivement en revue. C’est là une étude complète et défi-
nitive, intéressante d’ailleurs pour quiconque s’occupe de l’École hollandaise, car,
ainsi que l’a remarqué judicieusement Sl. Moës 2, tout se tient dans cet art, tout
y dérive des mœurs, de la vie intellectuelle, politique et religieuse de ce peuple
dont ses peintres nous ont retracé une image si exacte et traduit si fidèlement
les aspirations. Nous aurons fini avec l’Allemagne en signalant ici les deux excel-
lents catalogues de MM. Eiscnmann et Woërmann pour les musées de Cassel et
de Dresde, deux modèles qu’on pourrait proposer en toute confiance à nos direc-
teurs du Louvre, quand ils sentiront enfin le besoin de remplacer le catalogue
actuel des Écoles flamande et hollandaise qu’on ne se lasse pas de réimprimer
sans aucun changement depuis 1852, bientôt quarante ans! alors que les progrès
de la critique en ont, sur tant de points, modifié les indications biographiques, les
dates et les attributions 3. Qu’il nous soit permis, à ce propos, d'exprimer aussi le
regret qu’à la vente de la collection Secrétan, on n’ait pas su profiter de l’occasion

1. Geschichte der kolliindischen Bauhunsl und DiUnerei; 1 vol. avec gravures; Francfort,
H. Keller; 1890.

2. Die neaen Forschungeu auf dem Gebiele der liollandischen Kunstgeschiclite. Kunslchronik
des 20 juin et 8 août 1889.

8. Au moment même où cet article va paraître nous apprenons qu'un Catalogue
sommaire des peintures exposées nu Louvre vient d’ètre publié. Bien qu’il ne contienne
que les noms des artistes et les lieux et dates de leur naissance et de leur mort, ces
indications et ces noms y sont du moins correctement donnés, d’après les travaux les
plus récents de la critique. Tel qu’il est, sous sa forme très abrégée, il marque un
progrès réel sur ceux qui l’ont précédé et nous permet d’espérer la prochaine publication
d’un catalogue complet et vraiment digne de notre Musée.