Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 3.1890)

ÉTUDES RÉCENTES SUR L’ÉCOLE HOLLANDAISE. 357

au service d’un seigneur de celle ville nommé Juslus de la Grange. Ces Lagrange,
qui paraissent êlre venus de Leyde, avaient d’abord tenu un grand état. En 1653,
un autre des valels de chambre de ce personnage ayant disparu et emporté,
sans doute, quelques objets à son maître et au peintre, son compagnon, tous deux
furent autorisés par les échevins de La Haye à s’indemniser sur le produit d’une
vente de ses nippes. Plus tard, Justus de La Grange ayant dissipé une partie de
sa fortune, dut fournir une garantie à l’un de ses créanciers, un sieur Persyn de
Hoorn,et dans l’inventaire dressé à cet effet, nous relevons une grande quantité de
tableaux d’artistes célèbres qui composaient sa collection : Lievens, G. Dou, Yan
Beyeren, Van Goyen, Fabricius et, parmi ces tableaux, dix ouvrages que Pieter de
Hooch avait peints pour son maître à ses moments de loisir. Leurs évaluations, plus
que modestes, varient de 6 à 20 florins.

Une autre communication de M. Bredius est relative à une de ces expertises
très fréquentes au xvne siècle et relatives à des tableaux dont il s’agissait de fixer
l'authenticité. Les marchands ou les amateurs qui provoquaient ces expertises
citaient par devant notaire des connaisseurs ou des artistes afin d’apprécier le bien-
fondé des attributions proposées. Comme les notaires donnaient, à la date où ils
étaient requis, les noms et les âges des comparants, ces sortes de documents nous
ont valu des informations précises sur un grand nombre d’artistes, sur leur nais-
sance, ou sur le lieu de leur résidence il une époque déterminée. Dans Pacte en
question, daté du 16 septembre 1653, il s’agissait de se prononcer sur l’authen-
ticité d’un grand paysage vendu comme étant de P. Bril. Les signataires sont tous
d’accord pour la certifier et, parmi leurs noms, nous rencontrons ceux de Marten
Kretzer, un des connaisseurs les plus célèbres de ce temps ; de Lodewyk van Ludiclc
qui figure également dans plusieurs actes relatifs à la situation financière de Rem-
brandt après la catastrophe de 1656 ; enfin de llendrick van Uilenburg, le mar-
chand bien connu, avec lequel Rembrandt s’élait lié dès sa jeunesse et chez lequel
même il logeait pendant les séjours momentanés qu'il venait faire en 1630 et dans
le courant de 1631, à Amsterdam, avant de s’y fixer tout il fait. C’est probablement
aussi chez ce marchand que le jeune maître devait rencontrer la cousine de
celui-ci, Saskia, qui devenait sa femme peu de temps après. Au nombre des pein-
tres se trouve B. van Breembcrg qui, né en 1599, déclare avoir vécu à Rome
pendant sept ans en relations suivies avec P. Bril dont il connaît bien la manière,
puisqu’il a, à ce moment, copié plusieurs de ses tableaux. B. van der Ilelsl,
Ph. Koninck et W. Kalf interviennent également à la requête du marchand, un
certain Abraham de Cooge, de Delft, peintre lui-même, en même temps que gra-
veur et céramiste. 11 est curieux qu’à la suite des signatures de ces artistes ou ama-
teurs, Rembrandt figure séparément, dans la même expertise, avec deux de scs
élèves, l’un Jan van Glabbeeck, dont on ignorait jusqu’ici le nom, et l’autre, Jacob
Lavecq, qui est cité par C. Weyerman et sur lequel M. Yelh nous a fourni quel-
ques indications. Rembrandt qui, dans cet acte, se déclare âge d'environ 46 ans,
certifie qu après « un examen attentif et minutieux », il se range tout à fait à l'avis
des préopinants et déclare exacte l’attribution de ce paysage à P. Bril. Ce témoignage
demandé au grand maître nous est d'ailleurs une nouvelle preuve île son goût
constant pour les œuvres d’art et de l’autorité qui s'attachait à ses jugements. —
l n autre document du même genre, relatif à une expertise provoquée par le même
marchand au sujet de 1 authenticité d’une marine de Jan Porcellis, avait déjà fourni