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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 5
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Courajod, Louis: Eugéne Piot et les objets d'art légués au musée du Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0438

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EUGÈNE PIOT.

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souvenir d’un des cabinets les plus justement célèbres, les plus intel-
ligemment formés, celui du baron Vivant-Denon, vendu en 1826 *.
Dans la composition de ce cabinet, toute la partie de l’arcliéologie
antique est irréprochable comme celle des arts proprement dits,
peinture, gravure, dessins. Mais on ne peut pas en dire autant du
chapitre de la curiosité. A côté de monuments de première impor-
tance, comme des figurines de pleureurs extraites des tombeaux des
ducs de Bourgogne, à côté de bronzes italiens de la plus belle Renais-
sance du xvc siècle, on rencontre la défroque du tribunal du Saint-
Office de Yalladolid, certains costumes imposés aux condamnés de
l’Inquisition et d’autres futilités aussi puériles. Au moment de l’ad-
judication, tandis que les plus nobles objets, les plus fières sculptures
s’adjugent à vil prix, les enchères les plus hautes sont atteintes par
un reliquaire de cuivre doré assez banal (n° 646), mais contenant
des fragments d’os du Cid et de Chimèno, des os d’Héloïse et d’Abé-
lard, des cheveux d’Agnès Sorel et d’Inès de Castro, la moustache
de Henri IV et la prétendue mâchoire de Molière3. Voilà quel fut
l’objet le plus disputé de la collection. On le retrouvera encore
en 1865, à la vente Pourtalès. Il viendra enfin échouer au Musée de
Cluny. Oui, à cette date, on en était encore là et il faut appliquer
à une partie considérable du monde curieux de ce moment, ce que
Piotasi bien dit du goût des livres au commencement du xixe siècle.
« Ce monde avait grandement besoin d’une infusion de sang nouveau
qui le vivifiât. Il était tombé dans l’enfance, il se mourait... Je ne
sais quel engouement pour de déplorables niaiseries s’empara des
amateurs : la mode fut longtemps aux petites choses. » Le mal une
fois reconnu, le remède ne se serait pas fait longtemps attendre si
on l’avait immédiatement accepté de la main qui le présenta.

En résumé, pour toute une catégorie très importante d’objets
d’art, l’éducation publique n’étant pas faite, le monument ne parlait
que par le sens extérieur, historique, littéraire et anecdotique à
l’imagination des amateurs. Cette éducation publique, il fallait 1 en-
treprendre. 11 fallait expliquer la valeur individuelle, intrinsèque et
esthétique de toutes les merveilles méconnues de nos industries du
passé. Il fallait, — ce que nombre d’artistes étaient seuls à penser,
sans le dire, — il fallait faire comprendre de la foule que tout cela

1. Description des objets d'art qui composent le cabinet de feu M. le baron
V.-l)enon, par L. J.-J. Dubois. Paris, 182Ü, 3 volumes in-8°.

2. La Relique de Molière du cabinet du baron Vivant-Denon, parM. U. Richard-
Desaix, p. î).

m. — 3e PÉRIODE.

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