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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 5
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Courajod, Louis: Eugéne Piot et les objets d'art légués au musée du Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0443

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

marché alimenté pour près de cinquante ans. Les fournisseurs inté-
ressés ne feront plus défaut. Qu’elle se lève maintenant la nouvelle
génération des amateurs du xixe siècle! La Bourse de la curiosité
nettoyée et remise à neuf, le marché public purifié les attendent. Ils
peuvent désormais s'asseoir à la table et au premier rang les Timbal,
les Davillier, les Seillières, les Rattier, les Cottier, les Édouard
André, les Albert Goupil, les Gustave Dreyfus, les Edmond Foule,
les Gavet, les Leclanché! Les enjeux sont devenus dignes de les
tenter. Les plus nobles goûts pourront se satisfaire maintenant.

On a reproché à Eugène Piot d'avoir fait des ventes et d’avoir
vécu du commerce des objets d’art. Pouvait-il faire autrement?
D’abord il lui fallait vivre, ce que ne lui permettait plus sa fortune
personnelle, alors dissipée par ses publications, et il lui fallait ensuite
alimenter son entreprise de la réformation du goût public, ce qui,
par la voie des revues illustrées, est très dispendieux. Et puis, pour
le réformateur, ces ventes étaient un énergique moyen d’action sur
l’opinion publique, un procédé de vulgarisation, un enseignement
indirect. Pendant le feu ou durant le refroidissement des enchères,
il appliquait en quelque sorte son oreille sur le cœur de la curiosité
contemporaine et lui tâtait le pouls.

Au fond, quand on a sous les yeux les prix d’adjudication, piètres
opérations commerciales que ces ventes publiques! Le vendeur
même, le plus souvent, était obligé de retirer, faute d’enchères
honorables, les plus beaux objets qu’il offrait en vain à une galerie
quelquefois inattentive et froide, trop fréquemment aveugle et
muette. Quand on parcourt, comme je viens do le faire, les catalogues
successifs des ventes organisées par Piot, dès qu’il était à court
d’argent, on est navré de constater qu’il dut s’y reprendre à plusieurs
fois pour trouver, même à des prix dérisoires, un acquéreur à ses
plus nobles conquêtes. Le bas-relief en bronze do Donatello, l’in-
comparable Saint Sébastien, heureusement fixé aujourd’hui chez
M. Édouard André, ne rencontra pas du premier coup la durable
hospitalité d’une galerie d’élite. Il dut revenir plusieurs fois sur la
table des commissaires-priseurs. Retiré, en 1864, au prix de 2,700
francs, il n’atteignit même pas cette somme en 1870. Presque toutes
les pièces de choix qui vont prendre place au Louvre ont pu affronter
sans danger plusieurs transports à l’hôtel Drouot. Lo portrait do
Michel-Ange avait paru à la vente do 1864, de même que la tète
peinte de sainte Elisabeth, mais elles rentrèrent chez le vendeur qui
ne voulut pas abandonner au-dessous do son estimation ce qu’il
 
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