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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 6
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Albert, Maurice: Le salon de 1890 aux Champs-Élysées, [1], Peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0496

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454

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

rière. Bien que Victrix (?) rappelle encore le coloriste, et que les acces-
soires curieusement étudiés témoignent du goût persistant de l’artiste
pour les bibelots rares et les étoffes chatoyantes, M. B. Constant ne
ménage guère les transitions. En nous montrant Beethoven exécu-
tant la sonate, que Liszt le premier appela la Sonate au clair de lune,
il n’a pas seulement commis une erreur historique, dénaturé et
dépoétisé une légende gracieuse; il a, ce qui est bien plus grave,
péché contre l’art en général, et contre son propre talent. Rien de
plus banal et de plus froid que cette composition, où les seuls objets
éclairés par l’obscure lumière qui tombe de la lune, sont un violon-
celle et un piano, instrument tout à fait dépourvu d’élégance, et dont
les principaux personnages, ayant la tête cachée dans l’ombre ou
dans les mains, ne trahissent, ne peuvent trahir aucune émotion.
C’est la figure, en effet, bien plus que l’attitude du corps, qui révèle
les divers sentiments de l’àme. Or, les auditeurs de Beethoven nous
dérobant leurs visages, comment nous, simples spectateurs qui n’en-
tendons pas la musique, pourrions-nous être émus?

C’est encore un envoi très nouveau et très inattendu que celui de
M. J. Lefebvre. Dans ce grand salon carré, où, depuis 1881, tant de
déceptions nous attendent chaque année, où nous avons vu se succé-
der le plafond de P. Baudry, la Vision antique et VInspiration chrétienne
de M. Puvis de Chavannes, les Vainqueurs de Salamine de M. Cormon,
le Triomphe de Bacchus de M. Carolus Duran, etc., etc., une grande
toile attire les yeux et retient l’attention. On s’arrête, curieux de
savoir pourquoi une jeune femme se promène dans une rue solitaire,
toute nue sur un cheval tout blanc. C’est l’histoire de lady Godiva,
chantée par Tennyson et déjà illustrée par le peintre belge Van
Lérius, histoire qui est aussi (le poète, l’artiste et le catalogue ont
oublié ce détail) l’histoire des jalousies. Car si les habitants de Coven-
try n’osèrent pas enfreindre les ordres du comte Lœfric, s’ils res-
tèrent enfermés chez eux pendant cette courageuse et rafraîchissante
chevauchée, dont une suivante, trois colombes, des serins en cage et
une madone de pierre furent les seuls spectateurs avérés, ils purent
du moins abaisser sur la jeune comtesse des regards indiscrets, ayant
inventé pour la circonstance ces treillis de bois et de fer qui permet-
tent de voir sans être vu. Lady Godiva, dont la modestie aurait sans
doute protesté contre le travail immense qu’elle imposait depuis cinq
ans à son panégyriste, et contre la publicité donnée à un acte de
vaillance féminine qu’une toile moins vaste eût mieux raconté, lady
Godiva donc, plus gracieuse de corps que de figure, intéresse vive-
 
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