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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 6
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Albert, Maurice: Le salon de 1890 aux Champs-Élysées, [1], Peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0497

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LE SALON DES CIIAMPS-ÉLYSÉES.

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ment la foule. M. J. Lefebvre nous intéresse bien davantage. Déjà,
il 7 a deux ans, ce peintre respecté, presque exclusivement inspiré
naguère par les légendes anciennes et les gracieuses allégories, nous
avait étonné par le choix d’un sujet emprunté à la vie contempo-
raine. Mais dans l'Orpheline encore, comme dans la Diane au bain, la
Galatée, Fiammetta et Morning-Glory, nous retrouvions avec joie le
rêveur délicat et charmant, épris des formes vaporeuses, des colora-
tions pâles, des corps diaphanes aux contours enveloppés et vagues.
Cette fois-ci, la transformation est complète, et attristante. Le portrait
sobre et sec exposé dans la salle voisine surprend beaucoup moins et
plaît un peu davantage. Mais jamais les hommes n’ont inspiré M. J.
Lefebvre, comme l'ont fait les femmes et les enfants. Qui ne se
rappelle les délicieux portraits de Mlle Mary et de M. Robert G., au
Salon de 1887, deux petits Louis XIII dans un même cadre?

M. Détaillé, lui aussi, se renouvelle, et plus complètement encore.
Regrettez-vous le temps où ce grand et infidèle élève de M. Meissonier
faisait des bonshommes guère plus hauts qu’un petit doigt?Moi, comme
dit l’autre, je le regrette sans le regretter. Car si les petits soldats
de M. Détaillé étaient singulièrement vivants, les artilleurs montés de
la garde impériale, exposés aujourd’hui, grandeur naturelle, sont
animés, eux aussi, d’une vie extraordinaire. Ce ne sont plus les trou-
piers d’autrefois, naïfs, spirituels, amusants. Non : il n’est plus temps
de rire. Depuis le Repos pendant la manœuvre, du Salon de 1869, la
guerre sombre a passé sur la France. Ce sont aujourd’hui des héros
en batterie qui chargent l’ennemi. Quelle fougue endiablée, quelle
étourdissante course épique! Comme l’officier qui, le sabre haut,
enlève sa batterie, vient bien à nous, prêt à bondir hors du cadre,
avec son grand cheval, noir de crins et blanc d’écume! Et comme
l’atmosphère enveloppante, les fonds gris et sévères s’accordent har-
monieusement avec les uniformes sombres de tous ces vaillants qui
galopent vers la mort! Qu’il y ait dans ce superbe tableau des vio-
lences et du parti pris, quelques trompe-l’œil, un certain goût théâtral
dans la disposition des figures et l’aménagement des plans, que l’étude
des chevaux soit infiniment moins nature, moins vraie que celle d’A.
Morot, par exemple, dans son inoubliable Charge de cuirassiers, c’est
possible. Mais songez qu’on ne brosse pas des panoramas impuné-
ment. Il y aurait une curieuse étude à écrire qui serait intitulée :
« De VInfluence des panoramas sur la peinture de chevalet. » Il ne faudrait
pas oublier M. Détaillé et son tableau En batterie.

Cette belle page, qui semble détachée d’un poème épique, serait
 
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