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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 6
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Mabilleau, Léopold: Le salon du Champ de Mars, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0519

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476

GAZETTE UES DEAUX-ARTS.

— prennent au contraire, à cette épreuve, une cohésion et une unité
qui surprendront bien des gens. On a même fait une piquante
remarque : c’est au Palais de l’Industrie que semblent s’être réfu-
giées, cette fois, les œuvres bizarres et provocatrices, dont on pouvait
craindre l’invasion dans l’autre camp. Faut-il croire qu’elles parais-
sent telles parce qu’elles détonent avec l'entourage où on les a volon-
tairement exilées? ou bien que la « Société des artistes français » les
a choisies à dessein pour faire mieux ressortir le mérite des pro-
cédés académiques. — comme les Spartiates exposaient les ilotes
ivres ?

Je ne sais, mais, sans vouloir entrer dans une comparaison dis-
courtoise, je tiens pour assuré qu’une conclusion s’impose après
l’examen des deux galeries : c’est que l’entreprise inaugurée au
Champ de Mars ne peut que servir les intérêts de l’art, — et qu’on
est tenté de bénir la scission, puisque c’est la scission qui y a donné
lieu.

I

A cette Exposition, où il apportait déjà le prestige de son nom et
l’appui de sa clairvoyante autorité, M. Meissonier a envoyé l’un des
plus beaux tableaux qu’il ait jamais signés : le titre en est Octobre 1800
et le sujet la bataille d’Iéna. Napoléon, entouré de son état-major, se
tient à cheval sur un monticule d’où il suit des yeux la furieuse
charge que ses cuirassiers exécutent vers le bas de la plaine.

Le visage de l’empereur, vu de profil, est d’une fermeté sévère
et presque dure, qui lui donne le relief d’une médaille. Ce n’est déjà
plus le maigre condottiere d’Arcole, ce n’est pas encore le maître
tout-puissant et gâté parla fortune dont David nous montre, en 1810,
la plénitude épanouie, — ni surtout l'homme sombre et inquiet, aux
yeux creux, à la lèvre amère, que M. Meissonier lui-mème a mis en
scène dans sa toile de 1814 : c’est le chef sûr de lui mais non du
hasard, qui ne permet pas une détente à son regard ni à sa pensée,
le génie attentif et impassible que nul échec, nulle défaillance, n'a
jamais troublé, le héros saisi dans sa fonction, en un de ces moments
suprêmes où ses lieutenants voyaient en lui le « dieu do la guerre »,
et où Mme de Staël disait « qu il n avait plus rien d’humain ».

Ne me demandez pas comment une impression aussi complexe
peut ressortir de moyens aussi simples, contenus dans un cadre aussi
 
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